Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 6 décembre 2017 à 17h35
Institutions européennes — Réunion interparlementaire sur la subsidiarité et la proportionnalité : communication de m. jean bizet

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

Je souhaitais également vous rendre compte de ma participation à la huitième conférence sur la subsidiarité organisée par le Parlement autrichien et le Comité des régions de l'Union européenne à Vienne le 4 décembre dernier. J'ai été frappé par la volonté de nombreuses régions présentes qui affichaient leurs ambitions. Les organisateurs voulaient échanger sur les moyens à mettre en oeuvre pour, je cite, « transformer ce principe en action », dans un contexte marqué, comme je vous l'ai indiqué précédemment, par la création de la Task force, évoquée à Tallinn, suite au discours de l'Union du président Juncker. La Commission européenne a en effet indiqué qu'il y aurait trois représentants des parlements nationaux, aux côtés du Parlement européen et de la Commission pour surveiller la subsidiarité. J'ai, dans ce cadre, été invité à m'exprimer sur le rôle des parlements nationaux en matière de contrôle de subsidiarité. La Commission européenne, la Cour de justice de l'Union européenne et des représentants des parlements nationaux et des assemblées régionales étaient associés à cette réunion.

Des échanges qui ont rythmé la journée je retiens plusieurs éléments.

En premier lieu, les principes de subsidiarité et de proportionnalité sont, aux yeux de l'ensemble des intervenants, une des clefs de voûte de l'édifice européen - ce qui n'était pas le cas, il y a encore quelques années. Leur plein respect garantit la stabilité de l'ensemble. Toute refondation de l'Union européenne passera par une amélioration de leur prise en compte. Il convient néanmoins d'avoir une idée précise de leurs contours. La notion de subsidiarité ne saurait se confondre avec celle de souveraineté. J'ai trop entendu, de la part de représentants des régions, la volonté de ne laisser à l'Union européenne et aux États que la portion congrue des affaires publiques. La subsidiarité ne saurait conduire à l'exacerbation des crispations identitaires, surtout par les temps qui courent. Si la subsidiarité est devenue, à juste raison, un moyen d'action politique, elle ne doit pas être détournée de son objectif initial : faciliter l'action de l'Union européenne lorsque les circonstances l'exigent et faire en sorte que cette action ne soit pas mise en oeuvre isolément au sein de chaque État membre.

J'ai pu relever une différence d'approche pour partie légitime entre États fédérés et États décentralisés. Même si le traité indique que la subsidiarité peut aussi prendre en compte la dimension locale, il me semble néanmoins que son contrôle doit revenir aux seuls parlements nationaux. Certaines régions militent en effet pour que la procédure mise en place au sein du Protocole n°2 soit en quelque sorte décentralisée aux assemblées régionales qui pourraient donc émettre comme les parlements nationaux des avis motivés et, une fois un seuil atteint, un carton jaune adressé à la Commission européenne. On voit ainsi la dimension que souhaitent prendre ces régions, qui veulent s'approprier cet outil. C'est notamment le cas dans les États fédérés. Je me souviens des discussions à propos de la politique agricole commune. Chaque région voulait pouvoir organiser sa propre politique. Je trouve que l'équilibre que l'on a mis en place en France pour les fonds européens, avec les régions comme autorité de gestion, mais non décisionnaires sur le cadre de la politique de cohésion, est pertinent.

Au-delà de cette question, les options que nous défendons au Sénat et en particulier au sein de cette commission trouvent un écho chez nos partenaires. Il en va ainsi de l'allongement nécessaire du délai d'examen des textes limité à huit semaines qui peut apparaître court et mériterait une prolongation d'au moins deux semaines.

La question du carton orange tel que défini dans le paquet Tusk puis abandonné par l'Union européenne après le referendum britannique, reste également d'actualité. Il était en effet envisagé que dans le cas où les avis motivés sur le non-respect du principe de subsidiarité par un projet d'acte législatif de l'Union représentent plus de 55 % des voix attribuées aux parlements nationaux, la présidence du Conseil devrait inscrire la question à l'ordre du jour du Conseil afin que ces avis motivés et les conséquences à en tirer fassent l'objet d'une délibération approfondie. À la suite de cette délibération, les représentants des États membres pourraient mettre fin à l'examen du projet d'acte en question ou le modifier pour prendre en compte les préoccupations exprimées.

Plusieurs intervenants sont également revenus sur la question de la simplification. Nous l'avons toujours dit ici, celle-ci est connexe au contrôle de subsidiarité. Il n'est d'ailleurs pas anodin que la Task force, créée par Jean-Claude Juncker, prévoit aussi de « faire moins mais de manière plus efficace ». Je vous renvoie à nos travaux passés sur le sujet.

Je conclurai mon propos en revenant sur un point qui nous préoccupe depuis de nombreuses années : le contrôle des actes d'exécution et des actes délégués sous l'angle de la subsidiarité. Pratiquement tous les intervenants en ont parlé. Nous avons attiré l'attention de la nouvelle secrétaire générale des affaires européennes, qui a dit en prendre bonne note. Ces actes ne nous sont aujourd'hui pas transmis par la Commission. Or, il s'agit de compléments d'actes législatifs. Notre position est partagée par d'autres parlements nationaux. Le juge français de la Cour de justice de l'Union, Jean-Claude Bonichot, a indiqué lors de son intervention à la Conférence que ces actes devraient eux aussi faire l'objet d'un contrôle au titre de la subsidiarité. La Commission pourrait donc être conduite, à l'avenir, à réviser sa position sur le sujet. La Cour est, indiscutablement, un véritable allié en la matière. Je relève d'ailleurs que si la subsidiarité est un moyen d'action politique, elle reste également un principe juridique. La Cour s'est déjà exprimée à 135 reprises sur des cas supposés de violation du respect du principe de subsidiarité, le Tribunal de l'Union européenne 68 fois. Aucune décision sanctionnant la Commission n'a cependant pour l'heure été rendue - et je ne pense pas en voir une un jour.

Sur la refondation de l'Union et la subsidiarité, il y a une prise de conscience réelle de l'ensemble des États membres. Ce qui peut freiner ce sont les revendications des régions. L'Union européenne a été créée pour obtenir une masse critique, et avoir une voix, si ce n'est unique, a minima d'ensemble, mais tout en faisant entendre la spécificité de chaque État membre.

En ce qui concerne la Task force, le nombre de trois représentants pour les parlements nationaux est faible.

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