La COSAC réunit les parlements nationaux des 27 États membres, ainsi que ceux des États dits observateurs. Ses travaux sont animés par une « troïka », constituée par le pays ayant la présidence, et les deux pays qui vont lui succéder (en l'occurrence, la Bulgarie, puis l'Autriche). Il est important d'être présent à la COSAC, car cela permet de faire passer des messages.
Avec Simon Sutour et Philippe Bonnecarrère, nous souhaitons vous rendre compte des travaux de 58è COSAC qui s'est tenue à Tallinn et à laquelle nous avons participé. Le premier débat a porté sur l'avenir de l'Union européenne. En priorité, je retiendrai les propos optimistes et volontaristes de la présidente estonienne Mme Kersti KALJULAID, selon laquelle, « on est sortis de la morosité ; on voit les opportunités ; il faut agir fermement et privilégier ce qui unit. » Elle a souhaité que l'Union ouvre des perspectives aux jeunes, que le futur cadre financier permettre de renforcer la solidarité et que la subsidiarité soit le principe directeur.
Michel BARNIER, négociateur en chef pour le Brexit, a souligné le rôle clé des parlements nationaux pour promouvoir un nouvel élan dans le débat démocratique. On ne peut que souscrire à son constat selon lequel, pour l'Union européenne, le pire c'est le silence. Il faut, selon lui, évaluer objectivement les politiques européennes et « accorder plus d'importance aux grands sujets et moins aux petites choses. »
S'agissant du Brexit, le négociateur en chef a fait valoir que la construction d'un partenariat solide dépendrait de trois éléments clés. Il s'agit tout d'abord d'un accord sur un retrait ordonné à partir des trois conditions posées par l'Union européenne (situation des citoyens, Irlande et règlement financier). Comme vous avez pu le lire dans les journaux, l'Irlande est un sujet à rebondissement. Par ailleurs, il ne devra y avoir aucune concession sur le marché unique. Enfin, il est nécessaire de s'assurer du respect des règles du jeu pour l'avenir : il faudra apprendre à gérer désormais le risque de la divergence réglementaire en évitant qu'elle ne soit un instrument de dumping. Ce message est très clairement adressé à Londres, ainsi qu'aux Etats-Unis. Si ces trois conditions sont respectées, alors il sera possible de construire un partenariat ambitieux, qui pourra inclure également la recherche, la coopération universitaire ou encore la sécurité.
Le besoin d'unité au-delà du Brexit a été souligné par Danuta HUBNER, présidente de la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen, qui a également jugé possible de permettre à ceux qui veulent aller plus vite de le faire dès lors que la porte reste ouverte aux autres pays. Ce sont les coopérations renforcées, auxquelles toutefois les pays de l'Europe centrale et orientale ne sont pas favorables, de peur d'une Europe à deux vitesses.
Dans le débat qui a suivi, le besoin de plus de transparence, de lutte contre le dumping, d'une Europe qui protège et d'un socle commun de droits sociaux ont été fréquemment mentionnés.
Je ferai référence à la réponse de Michel BARNIER qui a appelé fort justement à comprendre le sentiment populaire exprimé dans plusieurs pays auquel il faut répondre en ne le confondant pas avec le populisme. Il faut, selon lui, ajouter une dimension sociale au marché unique avec plus de cohésion et un socle commun de droits sociaux.
Ces préoccupations ont été également largement exprimées dans un deuxième débat qui portait précisément sur le rapprochement de l'Union européenne des citoyens. J'y ajouterai l'idée d'une Europe qui fait moins mais de façon plus efficace, en donnant des réponses aux problèmes concrets des citoyens. C'est précisément ce que nous avons défendu ici-même au Sénat dans notre rapport sur la refondation de l'Union européenne.
Au cours d'un troisième débat sur l'Europe du numérique, j'ai pu faire partager à nos collègues européens les préoccupations que nous avons souvent mises en avant, en particulier sur la couverture numérique du territoire - l'engagement du Sénat français, notamment par les travaux de nos collègues André Gattolin, Colette Mélot et Catherine Morin-Dessailly, et de la commission de la culture, a été rappelé -, l'émergence de champions européens, les conditions de mise en oeuvre des règles de concurrence, la régulation des plateformes, la protection des données personnelles ou encore la cybersécurité. Les interventions ont montré une forte sensibilité de nos collègues européens aux enjeux de l'accès de tous au numérique et de la cybersécurité. On notera sur ce dernier point l'ouverture de la première «ambassade des données » par l'Estonie au Luxembourg pour sauvegarder les données les plus importantes. Une loi luxembourgeoise permet de protéger ce « centre de données » comme une ambassade. Si certains pays de l'Europe du Nord sont très avancés en matière d'administration numérique, il n'est pas certain que toutes les précautions aient été prises pour faire face à une cyberattaque.
Enfin, deux autres débats ont porté respectivement sur l'Union de la sécurité et sur la dimension extérieure des migrations. Sur la sécurité, on retiendra essentiellement les besoins de partage d'informations et de prévention de la radicalisation, soulignés tout particulièrement par le commissaire Julian King. Sur les migrations, a été relevée la nécessité d'aider les pays d'origine pour prévenir le phénomène et favoriser le développement, de mieux identifier ceux qui ont besoin d'une protection par rapport aux migrants économiques et de promouvoir les retours notamment à travers des accords de réadmission. Autant de pistes que nous avons mises régulièrement en avant.
Enfin, s'agissant de la Task force sur la subsidiarité, annoncée par Jean-Claude Juncker dans son discours sur l'état de l'Union, la COSAC ne s'est pas satisfait du nombre de trois représentants des parlements nationaux. Elle a donc demandé à pouvoir désigner trois membres supplémentaires. En toute hypothèse, un groupe de travail composé des parlements nationaux intéressés, viendrait nourrir un dialogue régulier sur les travaux de cette Task force.
Voilà, quelques éléments que je souhaitais vous livrer et que mes collègues peuvent compléter s'ils le souhaitent.