Intervention de Olivier Gupta

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 30 novembre 2017 à 9h35
Audition de M. Pierre-Franck Chevet président de l'autorité de sûreté nucléaire asn sur l'état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en france et sur l'activité de l'autorité en 2016

Olivier Gupta, directeur général de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN :

Quelques mots sur la manière dont nous adaptons notre contrôle dans ce contexte. Bien sûr, nous ne partons pas de rien, et nous appuyons notre action sur un certain nombre de piliers.

M. Pierre-Franck Chevet a évoqué, tout à l'heure, le cadre que la loi nous a donné pour exercer nos deux missions que sont le contrôle de la sureté nucléaire et de la radioprotection, ainsi que l'information du public.

On parle souvent des décisions de l'ASN, mais il est important aussi de se pencher sur le processus de prise de décision. Nous nous attachons à ce qu'il soit à la fois rigoureux, collectif, et ouvert. Rigoureux, parce qu'une décision sur un sujet aussi complexe doit respecter un certain nombre de procédures. Collectif, parce qu'au-delà de la collégialité voulue par le législateur, les décisions sont préparées au sein des services de l'ASN, par des personnes qui pèsent ensemble les différentes options, et leurs conséquences. Par ailleurs, nous faisons appel à l'expertise de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), et à celle des groupes permanents d'experts, placés auprès de nous. Ouvert, parce que nous informons, et consultons le public directement, sur notre site internet, mais aussi indirectement, via les commissions locales d'information.

Par ailleurs, nous sommes, évidemment, insérés dans des réseaux d'autorités internationales, puisque les enjeux de sûreté dépassent les frontières. Nous avons construit des relations de confiance avec nos homologues étrangers, ce qui nous permet de discuter avec eux de sujets difficiles. Je pense, par exemple, au phénomène de ségrégation de carbone, qu'il s'agisse de la cuve du réacteur EPR, ou d'autres grands composants. Autre exemple, nous entamons un travail dans le cadre de l'Association des autorités de sûreté nucléaire des pays d'Europe de l'Ouest (WENRA, en anglais Western European Nuclear Regulators Association), sur les améliorations de sûreté raisonnablement envisageables pour la poursuite d'exploitation des réacteurs au-delà de quarante ans.

Qu'en est-il maintenant des ressources dont nous disposons ? Jusqu'à présent, nous avons obtenu les moyens nécessaires pour l'exercice de nos missions. Nous mesurons l'effort qui a été fait pour le contrôle du nucléaire, puisque cinquante emplois ont été créés entre 2015 et 2017. Nous avons identifié des besoins pour les trois années à venir, à hauteur d'environ quinze postes. Il s'agit notamment de constituer une équipe dédiée à la prévention du risque de falsification. Nous avons, d'ores et déjà, engagé un travail pour renforcer l'efficience du contrôle. Par exemple, nous avons mis en place une classification des installations, au regard de leurs enjeux. Nous avons aussi, dans le domaine du nucléaire de proximité, développé un dispositif de télédéclaration.

J'en viens maintenant plus directement à ce qui constitue notre réflexion stratégique pour les années à venir. Nous nous préparons à cette situation d'enjeux sans précédent. Nous avons travaillé, tout au long de l'année, sur un plan stratégique, et une politique de contrôle, y compris avec une phase d'écoute des parties prenantes : exploitants, ONG, administrations, etc.

Notre maître-mot de cette politique de contrôle est l'approche graduée, en fonction des enjeux. Il s'agit de focaliser le contrôle sur les actions qui produisent le plus grand bénéfice pour la protection des personnes et de l'environnement. Deux paramètres sont à prendre en compte pour définir les enjeux : les risques intrinsèques d'une activité, et l'appréciation de la manière dont l'exploitant exerce ses responsabilités.

Dans les domaines où les installations sont jugées prioritaires, il s'agit de renforcer notre contrôle, avec des dispositifs tels que la surveillance renforcée. Lorsque les enjeux sont faibles, il s'agit de réduire explicitement notre contrôle. Nous mettons en oeuvre cette approche graduée, aussi bien dans le domaine des installations nucléaires de base, que dans le domaine du nucléaire de proximité. Nous avons déjà commencé à le faire en 2017, avec une mission pilotée par M. Philippe Chaumet-Riffaud.

Je mettrai également en avant trois autres éléments. Premièrement, nous continuons à privilégier une approche fondée sur le dialogue technique avec les exploitants. La réglementation française sur les installations nucléaires de base fixe essentiellement des objectifs, mais peu de prescriptions quant aux moyens, à la différence de ce qui se pratique aux États-Unis. Nos décisions sont fondamentalement fondées sur une appréciation technique des situations, qui inclut également les aspects organisationnels et humains. Deuxièmement, nous mettrons en place des évolutions en matière de contrôle, en particulier pour faire face aux risques de fraude, par exemple en développant des inspections chez les fournisseurs. Plus largement, nous renforcerons, sur un plan qualitatif, la présence de l'ASN sur le terrain. Troisièmement, nous poursuivrons notre implication au niveau international, en particulier sur le plan européen, avec deux objectifs : promouvoir une harmonisation par le haut, et bénéficier de l'expérience étrangère. Nous avons réussi à faire émerger une doctrine de sûreté au niveau européen, largement inspirée de l'approche française. Nous continuerons dans cette voie.

Au total l'ASN s'appuie sur un socle que vous avez contribué à mettre en place, reconnu sur le plan international.

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