Intervention de Pierre-Franck Chevet

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 30 novembre 2017 à 9h35
Audition de M. Pierre-Franck Chevet président de l'autorité de sûreté nucléaire asn sur l'état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en france et sur l'activité de l'autorité en 2016

Pierre-Franck Chevet, président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN :

Sur l'arrêt simultané de plusieurs réacteurs, j'avais passé le message suivant lors du précédent débat sur la transition énergétique, que je formulerai à nouveau, si un tel débat se renouvelait, car c'est un point central :

La France a pris le parti de construire un parc de réacteurs standardisés. Ce fut un bon choix économique et, en termes de sûreté, il est assez facile dans ce cas de mettre en place une réparation en cas de besoin et de la déployer sur l'ensemble du parc. Toutefois, cela ne fonctionne que si les anomalies sont détectées à un stade suffisamment précoce. Sinon, nous pouvons en effet être amenés à demander, assez brutalement, en l'absence de signes avant-coureurs avant la détection, l'arrêt simultané de plusieurs réacteurs. Ainsi, l'hiver dernier, nous avons demandé l'arrêt de douze réacteurs, en raison de problèmes d'excès de carbone. Le délai n'était pas d'une semaine, mais de deux ou trois mois. Néanmoins, comme les températures ont été assez rigoureuses en janvier et en février, nous sommes passés très près d'un problème majeur d'équilibre du réseau. En clair, nous avons failli devoir organiser des coupures de courant tournantes, ce qui est tout de même un stade très avancé !

De même, au cours des derniers mois, des évènements classés au niveau deux ont concerné quatre réacteurs, mais le temps était plus doux. Bref, notre système électrique doit être dimensionné pour faire face à ce genre d'événement. Comment y parvenir ? Je ne suis pas en charge de la politique énergétique, mais cela peut consister à réserver des capacités d'effacement supplémentaires chez les grands consommateurs, ou à s'assurer de capacités de production supplémentaires en France ou à l'étranger. Il faut des marges.

Sur les falsifications, nous avons bien en tête l'intervention de laboratoires agréés en amont, à la réception des matériaux et matériels. On pense spontanément au cas du Creusot, et à des gros équipements, mais, à l'étranger, on a vu des cas concernant des objets beaucoup plus petits : cartes informatiques, petite robinetterie, etc.

Sur le financement, j'ai évoqué les moyens humains, qui constituent l'essentiel de nos besoins. Nous sommes à peu près satisfaits de ce que nous avons obtenu, sauf changement de la politique énergétique. En revanche, le fait que notre financement repose sur une base uniquement budgétaire est un vrai sujet. Une taxe affectée, sous le contrôle du Parlement, permettrait un meilleur ajustement, à la hausse comme à la baisse, en fonction des besoins.

La décision sur la cuve de l'EPR est un bon exemple de décision complexe. L'anomalie, sérieuse, d'excès de carbone dans la cuve, réduit la robustesse de celle-ci. Les calculs montrent qu'elle peut tout de même être utilisée, mais la marge est moins importante. Or, la marge sert à faire face, après la mise en service, à des dégradations qu'on ne connaît pas : corrosions, vibrations, etc. Il faut donc faire la mise en service, pour détecter ces éventuelles dégradations. Sur le fond de la cuve, le contrôle est possible. Pour le couvercle, nous ne savons pas l'effectuer. Il sera très long à développer, mais n'insultons pas l'avenir ! En tous cas, nous avons demandé que le couvercle soit changé d'ici à 2024, car nous ne voulons pas que le temps joue en défaveur de la sûreté.

II n'y a pas de système d'obligations comptables spécifiques. La loi prévoit que la gestion du démantèlement et des déchets fasse l'objet d'une provision, mais il n'y a pas d'obligation de provisions pour tous les investissements, souhaités ou envisagés. Au-delà des recapitalisations prévues ou en cours, il est évident que les questions de tarifs jouent un rôle crucial.

Pour Cigéo, la question est de savoir si un incendie peut se déclencher. Pour s'assurer que non, il faudrait séparer les colis par une telle distance que, sur le plan industriel, cela ne fonctionnerait pas. Au-delà de la probabilité technique, il y a le scénario d'actes de malveillance. Comme cette station doit être exploitée pendant une centaine d'années, éliminer la possibilité de tels actes est difficile. Il y a donc, d'une part, la sûreté, et de l'autre, la sécurité.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion