Intervention de Élisabeth Lamure

Délégation aux entreprises — Réunion du 9 novembre 2017 à 9h00
Communication de mme élisabeth lamure sur les principales dispositions du plfss intéressant les entreprises

Photo de Élisabeth LamureÉlisabeth Lamure, présidente :

Je souhaite présenter les dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui concernent les entreprises.

J'attire notamment votre attention sur trois réformes qui me paraissent substantielles du point de vue des entreprises : la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en baisse de charges pérenne, la mise en place d'une année blanche de cotisations pour les créateurs d'entreprise ainsi que la suppression du très décrié Régime social des indépendants (RSI).

Nous l'avons beaucoup entendu sur le terrain : le CICE était critiqué pour sa complexité et regardé comme une véritable usine à gaz. De nombreuses entreprises nous ont dit qu'il aurait été plus efficace, à leurs yeux, de baisser leurs charges plutôt que de créer un crédit d'impôt, lequel entraîne un décalage temporel et oblige certaines d'entre elles à demander un préfinancement que les banques facturent à un coût élevé -beaucoup ont recours à la Banque publique d'investissement (BPI). L'article 8 du PLFSS prévoit précisément la suppression du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi et son remplacement par une exonération renforcée des cotisations sociales : nous ne pouvons que saluer cette simplification. À partir de 2019, les cotisations sociales d'assurance maladie seront réduites de 6 points pour l'ensemble des salariés relevant du régime général de sécurité sociale et du régime des salariés agricoles. Contrairement au dispositif actuel, cet allègement bénéficiera à tous les employeurs dans des conditions identiques, qu'ils soient ou non assujettis à l'impôt sur les sociétés, donc sur une base plus large. Je me souviens que c'était une revendication des coopératives que nous avions rencontrées de bénéficier du CICE : elles pourront à l'avenir bénéficier de la baisse de charges correspondante. Cet allégement sera applicable sur les salaires dans la limite de 2,5 SMIC, exactement comme pour le CICE. En revanche, il faut déplorer que l'article 42 du projet de loi de finances pour 2018 propose de ramener de 7 à 6 % le taux du CICE : avant de bénéficier de charges allégées en 2019, les entreprises risquent d'abord d'être déçues l'an prochain en constatant simplement la diminution du crédit d'impôt dont elles bénéficient.

Au-delà, la réforme sera-t-elle favorable aux entreprises ? Cela dépendra de la structure salariale de chaque entreprise. Le transfert de charges sera plus favorable aux secteurs à bas salaires : là où le CICE permettait d'obtenir une baisse équivalente à 7 points de la masse salariale sur l'ensemble des salaires allant jusqu'à 2,5 SMIC, le Gouvernement a choisi d'exonérer jusqu'à 10 points de charges les salaires au niveau du SMIC et de baisser de 6 points (au lieu de 7 actuellement) les cotisations des salaires entre 1,6 et 2,5 SMIC. Une TPE économisera ainsi 517 euros par an sur chaque salarié au SMIC. Mais les entreprises seront perdantes sur leurs employés plus qualifiés, ce qui est particulièrement préjudiciable pour celles les plus exposées à la concurrence internationale, notamment dans l'industrie, qui emploient des personnels très qualifiés.

Le coût de ces allègements de charges est estimé à 24,8 milliards d'euros (Mds€) par an. Parallèlement, la suppression du CICE et du crédit d'impôt de taxe sur les salaires (CITS) assure une économie de 24,4 Mds€ à l'État. Cependant, par un effet mécanique, l'impôt sur les sociétés (IS) devrait rapporter 5 Mds€ supplémentaires : en effet, les charges sociales acquittées par les entreprises sont déductibles de l'assiette de l'IS ; la baisse de charges augmentera donc mécaniquement l'assiette imposable à l'IS. Pour compenser cet « effet d'IS », le Gouvernement met en avant la réduction progressive du taux de l'IS à 25 % d'ici 2022. Il nous faudra être vigilant sur l'effectivité de cette baisse d'impôt pour que la transformation du CICE en baisse de charges ne soit pas un marché de dupe pour les entreprises.

La deuxième disposition d'envergure est l'instauration d'une année blanche de cotisations accordée à tous les créateurs et repreneurs d'entreprises, sous condition de ressources : c'est-à-dire qu'à compter du 1er janvier 2019, les créateurs et repreneurs d'entreprises seront exonérés de l'ensemble des cotisations de sécurité sociale au titre de leur première année d'activité. Cette exonération prendra la forme d'un élargissement de l'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise (ACCRE) : elle concernera 350 000 entrepreneurs supplémentaires. L'exonération intégrale concernera les entrepreneurs ayant un revenu annuel net inférieur à 30 000 euros ; elle sera ensuite dégressive jusqu'à 40 000 euros. À titre d'exemple, un travailleur indépendant ayant un revenu net de 30 000 euros la première année suivant la création de son entreprise économisera 9 500 euros. Les micro-entrepreneurs bénéficieront d'un dispositif spécifique consistant en une exonération dégressive durant leurs trois premières années d'activité. Ce nouveau dispositif proposé par l'article 9 du PLFSS constitue une avancée importante, qui répond au sentiment de perplexité que les créateurs d'entreprise ont déjà partagé avec nous, devant les lourdes charges qu'ils avaient à acquitter, quel que soit le revenu dégagé de leur première année d'activité.

La dernière grande réforme proposée par le PLFSS de 2018 qui a un impact majeur pour les entreprises est l'intégration du Régime social des indépendants (RSI) au régime général. Le RSI compte aujourd'hui 6,6 millions de cotisants. La réforme que propose le Gouvernement à l'article 11 du PLFSS vise à recomposer le paysage des organismes de sécurité sociale, pour mieux l'adapter aux évolutions de parcours professionnels, le passage du salariat au statut de travailleur indépendant étant de plus en plus fréquent. Compte tenu de l'ampleur de la transformation, une phase transitoire de deux ans est prévue (entre 2018 et 2019), pendant laquelle les différentes missions du RSI seront progressivement reprises en gestion par les caisses du régime général. Dès 2019, les salariés qui changent d'activité et prennent le statut de travailleurs indépendants pourront continuer à être gérés par leur caisse primaire d'assurance maladie d'origine. Au 1er janvier 2020, l'ensemble des travailleurs indépendants relèveront directement du régime général. Ils bénéficieront, pour l'essentiel, des mêmes prestations que les salariés. Certaines des prestations qui leur sont spécifiques ont par ailleurs vocation à être rapprochées du régime général. En revanche, les travailleurs indépendants conserveront leurs propres règles et taux en matière de cotisations, justifiées par la spécificité de leur situation.

Il est certain que le RSI souffrait de dysfonctionnements notoires, spécifiquement pour le recouvrement des cotisations. Les travailleurs indépendants nous en avaient souvent fait part. Fallait-il supprimer le RSI pour cela ? Cette suppression du RSI ne règle pas tous les problèmes, notamment en matière de systèmes d'information. Elle engendre aussi des risques et pourrait faire émerger de nouvelles difficultés. La commission des affaires sociales, dont certains ici sont membres, a pris hier le parti d'accompagner cette évolution en sécurisant au mieux son déroulement, de manière à répondre aux inquiétudes des travailleurs indépendants : elle a ainsi prévu qu'au sein du régime général, un accueil et un accompagnement leur soient dédiés pour répondre à leurs spécificités. En outre, pour renforcer le pilotage politique de la réforme pendant la période transitoire, le comité de surveillance prévu par le texte sera directement placé auprès des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget. Nous devons en tout cas éviter que cette intégration ne se révèle être un nouveau fiasco.

Vous pourrez exprimer en séance dès lundi votre vigilance sur ces articles 8, 9 et 11 du PLFSS qui intéressent de près les entreprises.

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