Monsieur le Président, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant l'approbation de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre la France et le Pérou.
Cette convention vient compléter et parachever le cadre conventionnel de la coopération judiciaire en matière pénale avec le Pérou - c'est le troisième et dernier volet - suite à une demande du Pérou en 2003. Actuellement, cette coopération repose sur une convention d'entraide judiciaire en matière pénale signée en 2012 et un nouveau traité d'extradition signé en 2013, tous deux entrés en vigueur en 2016. Cette convention a pour objet de permettre à des ressortissants d'un Etat condamnés à une peine privative de liberté et détenus sur le territoire de l'autre Etat d'exécuter leur peine dans leur pays d'origine. Elle répond essentiellement à des considérations humanitaires en permettant le rapprochement des personnes condamnées de leur milieu familial, social et professionnel d'origine. Elle facilite leur réinsertion en les faisant bénéficier de l'ensemble des dispositifs d'accompagnement existant en France, et le cas échéant, des mécanismes d'aménagement de la peine prévus par le droit français.
Actuellement, en l'absence d'accord bilatéral, les ressortissants français condamnés à une peine privative de liberté et détenus au Pérou, doivent en principe exécuter l'intégralité de leur peine au Pérou et réciproquement, sauf à ce qu'un transfèrement soit décidé sur une base ad hoc, les demandes transitant systématiquement par la voie diplomatique. À ce jour, 11 ressortissants français sont détenus au Pérou essentiellement pour des faits d'infractions à la législation sur les stupéfiants, tandis que 25 ressortissants péruviens sont incarcérés dans des établissements pénitentiaires français. Depuis 1997, seules 4 demandes de transfèrement ont été formées par des ressortissants français détenus au Pérou : les deux premiers dossiers ont été clos car les demandes étaient devenues sans objet, un autre dossier a été récemment refusé par l'autorité péruvienne et un dernier est toujours en cours. Sur la même période, aucun ressortissant péruvien détenu en France n'a sollicité son transfèrement vers le Pérou.
Voyons maintenant le contenu de cet instrument qui s'inspire largement de la Convention du Conseil de l'Europe de 1983 sur le transfèrement des personnes condamnées - le standard en la matière. Je rappelle que la France est partie à cette Convention du Conseil de l'Europe, ce qui lui permet de disposer d'un cadre conventionnel la liant, dans cette matière, aux 64 autres Etats parties à cet instrument, mais pas le Pérou, d'où cette convention bilatérale.
Le transfèrement est soumis à plusieurs conditions cumulatives : l'intéressé doit avoir été définitivement condamné pour des faits punis par la législation des deux parties, le reliquat de la peine doit être d'au moins 6 mois au moment de la réception de la demande et il faut le triple consentement exprès de l'Etat de condamnation, de l'Etat d'exécution et de la personne condamnée. L'Etat de condamnation jouit d'une entière discrétion pour refuser une demande de transfèrement, mais la présente convention, à la différence de la convention du Conseil de l'Europe qui ne liste aucun motif, prévoit deux motifs de refus facultatifs mais non limitatifs. Le premier; demandé par le Pérou, se rapporte à l'atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels et le second, demandé par la France, est lié au non-acquittement par la personne condamnée des frais, des dommages-intérêts, des amendes ou autres condamnations pécuniaires imposés par décision judiciaire. La convention crée également des obligations en matière d'information. Elle oblige l'Etat de condamnation à informer toute personne susceptible de bénéficier de cette convention sur le contenu de celle-ci et sur les conséquences juridiques du transfèrement, ce qui devrait faire croître le nombre de demandes. Elle crée également une obligation d'informer par écrit la personne condamnée de toute démarche entreprise par l'un ou l'autre Etat ainsi que de toute décision prise au sujet de sa demande de transfèrement. Enfin, elle traite du régime d'exécution de la peine après le transfèrement, en reconnaissant la compétence concurrente de l'Etat de condamnation et de l'Etat d'exécution s'agissant de la faculté d'accorder une mesure de grâce ou d'amnistie, sous réserve d'une information préalable entre les autorités centrales. Elle permet également à l'Etat d'exécution d'adapter la peine, sans toutefois pouvoir l'aggraver, dans le seul cas où la condamnation est incompatible avec sa législation, du fait de sa nature - par exemple les travaux forcés - ou du fait de sa durée - la peine excédant le maximum légal prévu par le droit de l'Etat d'exécution. En raison du caractère constitutionnel du droit de grâce présidentiel et de la hiérarchie des normes, la France est attachée à ces stipulations qui ont été le point central des négociations. À l'origine, la partie péruvienne était opposée à ce que des mesures de clémence puissent être accordées par la France et à ce que la France puisse procéder à une adaptation de la peine prononcée par le Pérou, car elle y voyait une atteinte à sa souveraineté. En effet, la plupart des ressortissants français condamnés au Pérou le sont pour des faits d'infractions à la législation sur les stupéfiants, or les peines péruviennes qui sont en moyenne cinq fois plus lourdes que les peines du dispositif pénal français, devront être adaptées pour être compatibles avec le maximum légal prévu par le droit français.
Pour le reste, on retrouve, comme je vous l'ai déjà dit, des stipulations analogues à celles de la convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement et je n'y insisterai donc pas davantage.
En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi, d'autant que la présente convention n'entraînera aucune modification des dispositions législatives ou règlementaires actuellement en vigueur. À ce jour, la partie péruvienne n'a pas fait connaître à la partie française l'accomplissement des formalités requises par son droit pour l'entrée en vigueur de la convention.
L'examen en séance publique est prévu le mercredi 20 décembre 2017, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité, le rapport et le projet de loi précité.