Intervention de Raymond Vall

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 6 décembre 2017 à 9h30
Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de sainte-lucie et de la convention d'extradition entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de sainte-lucie — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Raymond VallRaymond Vall, rapporteur :

Monsieur le Président, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale et de la convention d'extradition de la France avec Sainte-Lucie.

Quelques mots sur Sainte-Lucie, cette île des Caraïbes située à 60 km de la Martinique. C'est un petit Etat insulaire en développement, peuplé de 180 000 habitants, qui a une faible assise économique, principalement axée sur le tourisme, et qui présente une grande vulnérabilité aux fluctuations extérieures (nombre de touristes, coût des importations) et aux catastrophes naturelles. C'est une île relativement pauvre avec un PIB par habitant de 7 700 dollars en 2015. Par comparaison, la Martinique peuplée de 380 000 habitants fait figure d'île riche avec un PIB par habitant de 25 500 dollars, ce qui explique notamment l'exportation d'une partie de la criminalité sainte-lucienne vers la Martinique.

Ces deux conventions viennent renforcer et moderniser le cadre conventionnel de la coopération judiciaire en matière pénale avec Sainte-Lucie qui ne repose actuellement que sur un traité d'extradition conclu entre la France et la Grande-Bretagne en 1876, bien avant l'accession à l'indépendance de Sainte-Lucie en 1979. Quasiment tombé dans l'oubli, ce traité n'a jamais servi de fondement aux demandes d'extraditions échangées. D'une manière générale, les flux dans le domaine de la coopération judiciaire pénale se font sur la base de l'offre de réciprocité, dans le cadre de la courtoisie internationale. Depuis 2012, la France a adressé à Sainte-Lucie 9 demandes d'entraide judiciaire (pour homicides volontaires et trafic de stupéfiants) ainsi que 6 demandes d'extradition (pour vols avec violence, enlèvements et meurtres) dont 5 ont été émises par la cour d'appel de Fort-de France. Sur la même période, Sainte-Lucie a transmis à la France une seule demande d'entraide (pour trafic de stupéfiants) et aucune demande d'extradition. Il faut savoir qu'il existe aussi un flux informel, non quantifié, de demandes d'entraides qui transitent directement entre les autorités judiciaires locales ou entre les services enquêteurs, compte tenu de leur proximité géographique.

Ces deux conventions sont très attendues par les juridictions martiniquaises et le parquet de Fort-de-France car elles répondent à un besoin opérationnel important. Les zones du Sud de l'arc antillais sont en effet des zones d'établissement d'organisations internationales de trafiquants de stupéfiants et de stockage de cocaïne. À Sainte-Lucie, l'importance du nombre d'homicides - 30 pour 100 000 habitants - et le volume des saisies de drogues - 800 kg de cannabis et 300 kg de cocaïne en 2016 -confirment l'existence de gangs criminels saint-luciens ainsi que le rôle de transit joué par Sainte-Lucie pour la distribution de drogues, notamment vers les collectivités françaises d'Amérique. Actuellement plusieurs dizaines de saint-luciens sont incarcérés dans les prisons de Martinique et Guadeloupe, d'où l'importance capitale de la coopération judiciaire bilatérale en matière pénale.

Voyons maintenant le contenu de ces deux conventions qui correspondent à des projets initialement élaborés par la France. La convention d'entraide judiciaire en matière pénale organise la procédure par laquelle les deux États solliciteront et fourniront une aide à la collecte de preuves destinées à être utilisées dans des affaires pénales transnationales. Elle reprend pour l'essentiel des dispositions de la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale de 1959 et de son protocole additionnel de 1978, ainsi que celles de la convention de 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l'Union européenne et de ses deux protocoles additionnels de 2001. Elle prévoit classiquement l'entraide judiciaire la plus large possible ainsi que des mécanismes de coopération inspirés de ceux qui prévalent au sein de l'Union européenne et dans le cadre du Conseil de l'Europe et qui sont déjà intégrés dans notre ordre juridique interne. Elle n'appelle donc pas de remarques particulières.

La convention d'extradition s'inspire très largement de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957. Outre qu'elle abroge le précédent traité de 1867 pour clarifier la situation juridique applicable, deux points méritent que l'on s'y attarde. En premier lieu, le droit pénal saint-lucien prévoit la peine capitale pour sanctionner certains homicides aggravés. La dernière exécution remonte à 1995 et la dernière condamnation à mort a été prononcée en 2011, même si elle a été depuis commuée en réclusion criminelle à perpétuité. La convention prévoit que si une telle peine est encourue dans la législation saint-lucienne pour les faits à l'origine de la demande d'extradition, cette peine sera remplacée de plein droit par la peine encourue pour les mêmes faits dans la législation française. Ce mécanisme de substitution de peine recommandé par le Conseil d'Etat offre des garanties satisfaisantes car il présente l'avantage d'être applicable de plein droit, sans qu'il soit nécessaire de solliciter la production d'assurances dont le caractère sérieux et suffisant doit ensuite être apprécié et peut donner lieu à contestation devant les juridictions nationales ou supranationales. En second lieu, la France rencontre un problème récurrent lorsqu'elle adresse des demandes d'extension d'extradition - c'est-à-dire des demandes visant des faits non compris dans ses demandes initiales d'extradition - parce que Sainte-Lucie, en application de son droit interne, refuse, une fois les personnes remises, d'examiner ces demandes, sans la participation physique de la personne à la nouvelle procédure. Cette difficulté devrait être réglée car la convention n'exige pas que la personne visée par une demande d'extension soit retournée à la partie qui l'a remise pour qu'elle puisse statuer sur celle-ci.

En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi, d'autant que ces deux conventions n'entraîneront aucune modification des dispositions législatives ou règlementaires actuellement en vigueur. À ce jour, Sainte-Lucie n'a pas fait connaître à la partie française l'accomplissement des procédures exigées par son ordre juridique interne pour l'entrée en vigueur de ces instruments.

L'examen en séance publique est prévu le mercredi 20 décembre 2017, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité, le rapport et le projet de loi précité.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion