Monsieur le Président, mes chers collègues, nous examinons ce matin le projet de loi autorisant la ratification du traité d'extradition et du traité d'entraide judiciaire en matière pénale conclus avec le Vietnam.
La France et le Vietnam sont liés depuis 2001 par une convention d'entraide judiciaire en matière civile. En revanche, aucun instrument bilatéral ne permet actuellement l'extradition de personnes poursuivies ou condamnées en fuite, ou une coopération dans la recherche de la preuve pénale. Les échanges dans ces deux domaines s'effectuent aujourd'hui sur le fondement de conventions multilatérales auxquelles nos deux pays sont parties, ou sur la base de l'offre de réciprocité, dans le cadre de la courtoisie internationale. Notre représentation diplomatique à Hanoï a toutefois pu relever, à plusieurs reprises, la grande réticence des autorités vietnamiennes à coopérer en l'absence de base conventionnelle.
Notre pays a alors soumis deux projets de traités à la partie vietnamienne, afin de compléter le tissu conventionnel existant, et de répondre à une volonté commune de renforcement de la coopération dans la lutte contre la criminalité.
Le volume des échanges est jusqu'à présent faible pour les deux domaines concernés :
- en matière d'extradition, une seule demande a ainsi été formulée, à l'initiative de la France, au cours des dix dernières ;
- sur la même période, dix-sept demandes ont été recensées en matière d'entraide judiciaire pénale ; treize ont émané des juridictions françaises - principalement des commissions rogatoires internationales pour des faits de viol sur mineur, d'escroquerie ou d'abandon de famille - et quatre ont été adressées par les autorités vietnamiennes - notamment pour des faits d'homicide involontaire et de vol à l'arraché.
Le nombre des échanges est toutefois appelé à croître dans les années à venir, en raison du développement en Europe de réseaux de délinquance organisée d'origine vietnamienne.
Les deux traités qui sont soumis à notre examen permettraient ainsi d'offrir une base juridique solide et pérenne à la coopération franco-vietnamienne en matière judiciaire, et de rendre plus fluide le traitement des affaires à dimension transnationale.
Je commencerai tout d'abord par vous présenter le traité relatif à l'extradition.
Le texte finalement retenu correspond, pour l'essentiel, au projet soumis par la partie française. Ce traité respecte donc nos standards juridiques nationaux et internationaux en la matière. Quelques adaptations mineures ont cependant été nécessaires pour le rendre acceptable par les autorités vietnamiennes.
La principale différence tient à l'emplacement et au libellé de la stipulation relative à la peine capitale. La partie française avait proposé d'y consacrer un article du traité et de retenir un mécanisme de substitution de peine, analogue à celui prévu par la convention d'extradition franco-marocaine. La partie vietnamienne a cependant fait valoir qu'un tel mécanisme n'était pas compatible avec son système juridique, et a souhaité que la question de la peine capitale soit appréhendée au titre des motifs de refus de l'extradition. La peine de mort fait donc obstacle à l'extradition, sauf à offrir à la partie requise des garanties suffisantes que cette peine ne sera ni requise, ni prononcée, ni exécutée. Le cas échéant, ces engagements prendraient la forme de notes verbales, transmises par la voie diplomatique.
Cette stipulation est essentielle pour rendre ce traité acceptable, en particulier sur le plan juridique. Par ailleurs, selon Amnesty international, le Vietnam serait le troisième pays en nombre d'exécutions derrière la Chine et l'Iran. La liberté d'expression y est en outre bafouée, et la dissidence politique réprimée ; le traité dispose à cet égard que les demandes d'extradition seront systématiquement refusées si elles concernent des infractions politiques. De même, un refus sera opposé à la partie requérante si la situation de la personne réclamée risque d'être aggravée pour des raisons tenant à ses opinions politiques, à sa race ou à sa religion.
Ce traité ne réserve aucun traitement spécifique aux binationaux franco-vietnamiens : le fait de posséder la nationalité de la partie requise à la date de commission de l'infraction à l'origine de la demande, constituera un motif de refus. La partie requise devra toutefois soumettre l'affaire à ses propres autorités en application du principe aut dedere, aut judicare - c'est-à-dire « extrader ou poursuivre ».
Le traité organise également les échanges entre les parties afin de garantir une exécution rapide des demandes, ou de remédier aux difficultés qui pourraient résulter de demandes incomplètes ou irrégulières.
Enfin, le traité définit de manière claire les dispositions régissant la remise des biens saisis ainsi que l'arrestation provisoire des personnes réclamées, leur extradition et leur transit.
J'en viens à présent brièvement au traité d'entraide judiciaire en matière pénale dont je souhaiterais vous présenter les points saillants.
Le texte finalement retenu a été négocié sur la base d'un contre-projet proposé par le Vietnam, et largement inspiré du traité de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN).
Par conséquent, il ne contient pas de stipulations relatives aux modalités les plus modernes de coopération, telles que les interceptions de télécommunication, les livraisons surveillées ou encore les infiltrations. Ces formes de coopération ne sont pas pour autant exclues du dispositif d'entraide, en application du principe, rappelé à l'article premier du traité, de « l'entraide judiciaire en matière pénale la plus large possible ». Cela permet ainsi d'envisager, au cas par cas, la mise en oeuvre de telles mesures.
Le traité ne contient pas non plus de stipulation détaillée relative à l'obtention de données bancaires. La partie française a néanmoins obtenu l'ajout d'un paragraphe qui étend l'entraide judiciaire à l'échange d'informations bancaires.
Par ailleurs, ce texte contient davantage de motifs de refus que ceux habituellement retenus par la France dans les accords de même nature. Il prévoit en particulier de refuser l'entraide lorsqu'elle violerait le principe non bis in idem selon lequel nul ne peut être poursuivi ou puni une seconde fois à raison des mêmes faits. Ce motif ne figure pas expressément dans les conventions d'entraide conclues par la France, puisque les autorités françaises assimilent traditionnellement la violation de ce principe à une atteinte portée à l'ordre public de la partie requise, justifiant alors un refus.
De la même manière, le motif de refus relatif à la prescription des faits a été introduit à la demande de la partie vietnamienne qui souhaitait en faire un motif obligatoire de rejet d'une demande d'entraide. Les négociations ont néanmoins permis à la partie française d'en faire acter le caractère facultatif.
Ce texte ne contient pas non plus de stipulation relative à la protection des données personnelles. Il doit néanmoins être relevé que les dispositions du traité permettent d'assortir la transmission de telles données de certaines conditions d'utilisation, et prévoient en outre que la partie requérante doit prendre toutes les précautions utiles pour préserver la sécurité des données qui lui sont transmises.
Enfin, la partie française a obtenu l'inclusion de dispositions portant sur la saisie et la confiscation d'avoirs, les dénonciations officielles et les échanges spontanés d'informations.
Pour conclure, ces nouveaux instruments répondent au souhait émis par les autorités françaises d'une meilleure coopération avec le Vietnam dans la lutte contre la criminalité. Bien que certaines stipulations du traité d'entraide soient de facture « trop classique », elles ne posent aucune difficulté particulière. Le texte ouvre malgré tout la voie à des pratiques d'entraide judiciaire plus modernes, ce dont on peut se féliciter.
En conséquence, mes chers collègues, je préconise l'adoption de ce projet de loi.
Son examen en séance publique est prévu le mercredi 20 décembre, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je vous propose de souscrire.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité et sans modification, le rapport et le projet de loi précité.