Intervention de Fabrice Balanche

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 6 décembre 2017 à 9h30
« l'après daesch en syrie et en irak » — Audition de M. Fabrice Balanche maître de conférences à l'université lyon 2 chercheur invité à l'université de stanford

Fabrice Balanche, maître de conférences à l'Université Lyon 2, chercheur invité à l'Université de Stanford :

Les Kurdes ont massivement voté lors du référendum, mais dans certaines régions seulement : le taux de participation était de 90% à Erbil, mais seulement 40% à Souleimaniye. L'UPK de Barzani a soutenu, à son corps défendant, le référendum, car il préfère conserver une relation privilégiée avec Bagdad. L'UPK sort renforcée de la crise car les Kurdes n'ont plus les disponibilités en pétrole qui garantissaient leur indépendance économique et donc politique. Ils sont alors d'autant plus dépendants des 17 % du pétrole irakien que doit leur reverser Bagdad, qui sert à soutenir l'administration locale et à payer les fonctionnaires.

Or depuis 2014, les Kurdes avaient commencé à exploiter eux-mêmes le pétrole et à revenir sur l'accord avec Bagdad. Bagdad a décidé de ne plus les payer et les investissements se sont arrêtés. Avec le pétrole, les Kurdes sont passés d'une vie austère dans la montagne au rêve de devenir le nouveau Dubaï... Les trois quarts de la population active kurde sont fonctionnarisés. Des projets mirifiques - malls, aéroports... - font place à davantage de réalisme. Bagdad met une pression économique sur le KRG et attend que la population, exaspérée par l'absence de paiement des salaires alors que la famille Barzani vit largement du pétrole, se révolte au profit de l'UPK. Au sein du gouvernement kurde, M. Barzani a démissionné, mais il tire les ficelles : son neveu est toujours premier ministre. Barzani comptait sur son fils pour lui succéder, mais visiblement son neveu a plutôt les faveurs de Bagdad.

Les Kurdes ont perdu le contrôle de l'espace aérien et des frontières, et leurs peshmergas n'ont pas les moyens de se battre : contrairement au PKK, ils sont « bedonnants » et ont gagné beaucoup d'argent. Lorsque Daech a pris Mossoul et s'est dirigé vers Erbil, ce ne sont pas les peshmergas irakiens qui les ont arrêtés : le PKK a envoyé ses troupes pour les bloquer au niveau de Makhmur afin de protéger l'un de ses camps. Ensuite, les Iraniens sont arrivés, l'armée irakienne s'est ressaisie... Lorsque Daesch est arrivé, les peshmergas de Barzani sont partis et ont laissé les yazidis se débrouiller avec Daesch. Le PKK est venu de Syrie pour ouvrir un corridor afin de sauver les yazidis. Les peshmergas irakiens sont très affaiblis et ne sont donc pas rentrés en confrontation avec les milices chiites, aguerries. Qaseim Soleimani, qui était à l'enterrement de Talabani à Souleimaniye, a fait passer un message : le lendemain, à 5h, les troupes chiites arriveraient à Kirkouk, les peshmergas devaient évacuer pour éviter d'être tués.

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