Intervention de Fabrice Balanche

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 6 décembre 2017 à 9h30
« l'après daesch en syrie et en irak » — Audition de M. Fabrice Balanche maître de conférences à l'université lyon 2 chercheur invité à l'université de stanford

Fabrice Balanche, maître de conférences à l'Université Lyon 2, chercheur invité à l'Université de Stanford :

Il y a partout en Syrie de l'épuration ethnique, et pas seulement chez les Kurdes. C'est une guerre civile - comme au Liban auparavant - avec des transferts de population.

Certaines zones sont très stratégiques pour les Kurdes, notamment celle de Tall Abyad, ventre mou entre Kobané et Qamishli, avec une population aux trois-quarts arabe. Au printemps 2015, les Kurdes ont détruit plusieurs dizaines de villages arabes et ont chassé leurs habitants, selon un rapport d'Amnesty International, pour des raisons stratégiques : il fallait chasser des populations arabes qui avaient soutenu l'État islamique. En 2013, les Kurdes arrivent une première fois à Tall Abyad. Les populations arabes appellent à Al-Nosra - à l'époque Daesch et Al-Nosra étaient les mêmes - qui chasse les peshmergas, mais brûle aussi le quartier kurde de Tall Abyad et les villages kurdes alentours. Les habitants ont fui en Turquie et à Kobané. Deux ans plus tard, le PYD fait la même chose avec les tribus arabes ayant soutenu Daesch.

Il y a eu de l'épuration ethnique au Khabour : Daesch a attaqué les villages assyriens, 35 000 Assyriens sont partis au Canada et en Australie et ne reviendront jamais. Lorsque les Kurdes reprennent les villages assyriens, ils reprennent aussi les villages arabes sur la rive ouest du Khabour ; ils en ont « nettoyé » un certain nombre. C'est de l'épuration ethnique stratégique, et de la vengeance directe.

Ils peuvent exercer également une épuration ethnique blanche, non violente, par l'imposition du kurde dans les écoles. Si vous refusez, vous partez... Les instituteurs arabes perdent leur travail. Une nouvelle réforme agraire est prévue dans la province de Hasaké. Hafez al-Assad avait bloqué la réforme agraire en 1970, refusant qu'on prenne les terres aux grands propriétaires arabes pour les redistribuer aux petits paysans kurdes, métayers, ce qui aurait favorisé l'implantation kurde dans la région. Mais ces métayers kurdes sont la base sociale du PKK ; ils se sont battus à Raqqa, et exigent la redistribution des terres. Il y aura de l'épuration ethnique. L'objectif est de kurdifier la région où ils sont à peine majoritaires.

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