Les réfugiés syriens au Liban sont ceux qui sont le plus susceptibles de rentrer en Syrie ; c'est un enjeu de politique intérieure très important pour le Liban. Le Hezbollah a aidé Bachar al-Assad à rester au pouvoir et compte se maintenir au pouvoir au Liban - c'est lui qui contrôle actuellement le Liban - lors des prochaines élections. Il est allié notamment aux chrétiens de Michel Aoun. Tout le monde demande un retour des réfugiés syriens, refusant un syndrome palestinien. Bachar al-Assad fera son possible pour renvoyer en Syrie le maximum de personnes, toutes celles qui n'ont pas de problème politique avec le régime. Les réfugiés originaires de Qousseir, petite ville reprise par le Hezbollah en 2013 et qui deviendra bientôt une base iranienne, sont interdits de retour, de même que ceux de Baba Amr, quartier rebelle de Homs entièrement détruit, ou ceux qui ont été dans des katibas islamistes. Ceux-là espèrent des visas du Canada et de l'Europe. On ne veut pas les laisser au Liban car ils sont une arme que peuvent utiliser les Saoudiens à Tripoli pour organiser une force concurrente au Hezbollah. En juin 2017, seulement deux personnes interrogées sur cinquante voulaient retourner en Syrie, en raison de l'insécurité économique et politique. Si la Syrie se reconstruit doucement, les réfugiés préfèrent rester au Liban où ils bénéficient d'une aide humanitaire assez importante, et où ils trouvent du travail puisqu'ils acceptent des salaires de misère ; il n'y a plus que des serveurs syriens à Beyrouth... Ils gardent aussi l'espoir de partir à l'étranger grâce à un visa.
Le corridor iranien n'est certes pas qu'économique - même si on pense rarement à cet aspect. Il aide l'Iran à contourner les sanctions américaines : de nombreuses banques en Irak traitent en dollars et permettent des rentrées de devises en Iran, puisqu'aucune banque internationale n'accepte de traiter avec l'Iran, du fait des sanctions américaines. La condamnation de la BNP a fait jurisprudence dans les milieux financiers...
Les chiites sont concentrés au sud de Bagdad, au Liban, les alaouites sont sur la côte, mais entre les deux, c'est un monde sunnite... Il y a des poches chiites - Tall Afar, à côté de Mossoul, avec des Turkmènes chiites qui font partie des milices irakiennes. La ville sera une base de l'Iran dans la région. Les yazidis sont également organisés par les milices chiites, sous la coupe iranienne. À Qousseir, seuls les chrétiens et les alaouites ont été autorisés à revenir. Ce sera une base iranienne pour couper l'axe Tripoli-Syrie intérieure et protéger le carrefour routier de Homs. Le corridor du Akkar - par où peuvent passer des gazoducs, des pipelines vers le littoral levantin - est très important pour les Iraniens. Sayyida Zaynab, le mausolée chiite au sud de Damas, est aujourd'hui peuplé de chiites, alors qu'il était davantage sunnite... Les Iraniens jouent sur la peur des minorités non-sunnites du danger islamiste, et cela fonctionne. Ils s'appuient sur des petites poches non sunnites comme bases.
L'Iran est une puissance territoriale. Sans aviation ni marine, il suit le modèle spartiate : le pays se déploie territorialement, faute de pouvoir construire un réseau sur le modèle athénien. Ainsi, les milices chiites arrivant d'Irak et de Syrie ont repris la ville frontière d'Albou Kamal, damant le pion aux États-Unis qui comptaient sur les forces démocratiques syriennes. Comme l'Iran est présent dans toute la région avec ses Pasdaran et la force Al-Qods, il fait peur. Les populations se soumettent et les ennemis ne répliquent pas ou s'en vont.