Intervention de Jean-Louis Tourenne

Commission des affaires sociales — Réunion du 6 décembre 2017 à 9h00
Projet de loi ratifiant diverses ordonnances pour le renforcement du dialogue social — Table ronde des organisations patronales

Photo de Jean-Louis TourenneJean-Louis Tourenne :

Je souhaite tout d'abord remercier les représentants des organisations patronales pour les réponses qu'ils nous apportent. Certes, toutes ne me satisfont pas mais je salue le fait que vous ne cherchez pas à éluder les questions que nous vous posons.

Vous semblez nous décrire un monde merveilleux du dialogue social, où tout le monde se fait confiance. Or, s'il a fallu un code du travail, qui s'est construit au fil des années avec difficulté, c'est pour éviter les abus.

Je partage avec vous le fait qu'il faille attendre de voir les premiers effets d'une expérimentation avant de s'interroger sur un éventuel changement. Toutefois, vous ne pouvez pas, d'une part, nous affirmer qu'on ne peut pas en permanence changer les règles du jeu, et d'autre part, le faire quand elles ne vous conviennent pas. Je pense notamment à certaines dispositions de la loi « El Khomri » que vous souhaitez déjà modifier.

En ce qui concerne le plafonnement des indemnités prud'homales, vous évoquez le seul argument que j'ai véritablement entendu justifiant ce dernier, selon lequel les indemnités pouvaient varier de un à quatre. Pouvez-vous nous donner des exemples concrets ? En effet, l'un des principes de la justice française est l'individualisation des décisions. À chaque situation propre doit répondre une juste réparation. Or, y a-t-il deux cas identiques où les indemnisations auraient connu un tel écart ? Un certain nombre de simulations ont été faites concernant le dispositif présenté et démontrent au contraire que certaines personnes, qui ont été indemnisées à un niveau particulier, recevraient trois à quatre fois moins. Si vous avez subi un dommage ou un préjudice, il est normal qu'il y ait une réparation.

Je ne partage pas non plus votre vision angélique sur les partenaires sociaux. D'ailleurs, une récente émission télévisée a montré que les choses ne sont pas toujours aussi paradisiaques. Certes, les deux entreprises avaient été spécifiquement choisies. Mais dans le dialogue social, il est important qu'il y ait un rapport de force permettant une véritable négociation. S'il y a un asservissement de l'un par rapport à l'autre, il n'y a pas de négociation.

Je m'interroge également sur la priorité accordée à priorité de réembauche d'un ancien bénéficiaire d'un contrat de chantier. Celle-ci se fera-t-elle sous la forme d'un autre contrat de chantier ? Pour moi, ces contrats sont une forme dévoyée du CDI : c'est un contrat qui dure le temps du chantier mais qui ne permet pas au salarié de bénéficier de la prime de précarité.

Vous avez également évoqué la difficulté de répondre au besoin de compétences des entreprises. L'une des raisons n'est-elle pas les allègements de charges consentis essentiellement sur les bas salaires ? Ces derniers n'apportent-ils pas un nivellement par le bas des compétences à l'intérieur de l'entreprise, dans la mesure où l'employeur risque de recruter en priorité des personnes répondant à un salaire permettant des exonérations les plus élevées possible ? Cela n'a-t-il pas eu un impact sur la possibilité d'innover, de se convertir ou de conquérir de nouveaux marchés ?

Enfin, vous nous avez dit que les salaires ont évolué comme le capital, en part de valeur ajoutée. Certes, mais en données brutes, le fruit du travail a évolué moins vite que le fruit du capital.

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