Intervention de Élisabeth Toutut-Picard

Commission mixte paritaire — Réunion du 5 décembre 2017 à 19h00
Commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance relative à la profession de physicien médical et l'ordonnance relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé

Élisabeth Toutut-Picard, rapporteure pour l'Assemblée nationale :

Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui compte deux articles portant ratification, d'une part, de l'ordonnance n° 2017-48 du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical, d'autre part, de l'ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles.

L'Assemblée nationale a adopté le projet de loi sans modification. Tel n'est pas le cas du Sénat.

L'article premier a été adopté sans modification, confirmant ainsi le caractère consensuel de la reconnaissance de la profession de physicien médical.

Il en va autrement de l'article 2 qui a été substantiellement modifié par le Sénat et qui, à lui seul, suffit à constater l'échec de notre commission mixte paritaire.

Comme à l'Assemblée, les débats ont essentiellement porté sur l'accès partiel qui constitue, à l'origine, une création jurisprudentielle. Ce dispositif permet à une personne, titulaire d'un diplôme sanctionnant une formation médicale ou paramédicale non dispensée dans un autre État membre, d'exercer une activité détachable d'une profession de santé sans se voir opposer la nécessité de suivre la totalité de sa formation. Jugeant qu'il était disproportionné d'imposer le suivi de la totalité de la formation pour une activité de soins détachable et circonscrite, la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) a conclu à un assouplissement des modalités d'accès aux professions de santé moyennant le respect de plusieurs critères. Il en a résulté l'adoption d'une directive européenne que nous sommes dans l'obligation de transposer aujourd'hui. Tel est l'enjeu de l'article 2.

Si les débats ont été nourris, l'Assemblée a fait sien le texte du Gouvernement, c'est-à-dire l'ouverture à l'accès partiel pour l'ensemble des professions de santé, sous réserve d'un examen au cas par cas des demandes.

Ce choix n'a pas été le même pour d'autres États membres qui ont préféré exclure a priori des professions de santé. Des parlementaires se sont prévalus de cette approche en fondant également leur raisonnement sur les seules conclusions formulées par l'avocat général près la CJUE à l'occasion d'un contentieux communautaire.

À mon sens, il importe au législateur de raisonner non seulement à droit constant mais aussi sur la base de l'interprétation invariable des dispositions du droit communautaire visant à empêcher toute forme de discrimination. L'accès au cas par cas répond bien à ces préoccupations. On ne peut pas en dire autant de l'exclusion a priori des professions de santé.

Mme Imbert a regretté qu'un décret d'application ait récemment été publié. J'estime au contraire que sa rédaction est de nature à lever les inquiétudes exprimées. La lettre du texte correspond aux engagements pris par le Gouvernement en première lecture visant à y associer les ordres des professions de santé. La rédaction présente aussi des points d'ancrage essentiels : l'accès partiel devra tenir compte de plusieurs conditions importantes telles que l'identification des actes ou du champ d'exercice, la description de l'intégration des actes dans le processus de soins et leur incidence sur la continuité de la prise en charge.

En outre, j'ai été particulièrement sensible au fait que la ministre des solidarités et de la santé prenne l'initiative de saisir les autorités européennes d'une demande de cartographie des professions de santé. Cette saisine répond aux nombreuses préoccupations exprimées sur nos bancs - dont Mme Imbert vient de se faire l'écho. Je suis certaine que beaucoup d'inquiétudes pourront être levées grâce à cet important travail documentaire, qui permettra d'objectiver l'enjeu au-delà des réactions passionnelles.

J'ajoute enfin que nous n'en sommes qu'au tout début de la mise en oeuvre de l'accès partiel. Il faut en effet souligner que la publication du texte de loi transposant la directive et celle du décret n'entraîneront pas tout de suite l'effectivité de l'accès partiel. Des discussions devront s'ouvrir sur le périmètre des actes et les modalités de contrôle. Ces travaux prendront du temps et nous devrons les suivre avec une particulière attention.

Le Sénat, quant à lui, a fait le choix de la suppression pure et simple de l'accès partiel. Ce choix est discutable. D'une part, rien n'indique en effet que la solution retenue par le Gouvernement est inadéquate. D'autre part, cette suppression « sèche » fait courir le risque d'une condamnation de la France pour défaut de transposition.

Cela étant, ces débats n'épuisent la question de l'harmonisation nécessaire des formations à l'échelle européenne. Il en va de l'intérêt de la santé publique et des patients. L'accès partiel ne doit pas être le moyen de « détricoter » le travail d'harmonisation qui a été patiemment entrepris. La représentation nationale s'honorerait de procéder à l'évaluation de ces mesures et d'alerter, le cas échéant, le pouvoir exécutif.

Enfin, il appartient aussi aux pouvoirs publics de s'interroger sur les raisons qui motivent l'arrivée de personnes formées à l'étranger. Les débats ont d'ailleurs été l'occasion de rappeler qu'une grande partie des contingents était constituée de ressortissants français formés dans d'autres États membres.

Vous l'aurez compris, il ne me semble pas souhaitable de procéder à l'examen de l'article litigieux, les positions adoptées par chacune des deux chambres étant semble-t-il irréconciliables. Je n'en remercie pas moins Mme Imbert pour la qualité de nos échanges préparatoires. Nous sommes au moins d'accord sur le désaccord !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion