Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est la première fois que je participe à ce débat préalable à la réunion du Conseil européen. Je suis heureuse de pouvoir bénéficier de vos remarques, qui nous aideront à préparer au mieux cette échéance importante.
Je commencerai par ce qui sera le dossier central de ces deux jours de Conseil européen : le Brexit.
Les chefs d’État ou de gouvernement devront se prononcer sur la recommandation de la Commission européenne de passer à la deuxième phase des négociations avec le Royaume-Uni, de façon de commencer à négocier le cadre de nos relations futures.
Les progrès effectués sont très significatifs. Nous serons extrêmement attentifs à ce que nos priorités politiques soient pleinement prises en compte dans les lignes directrices que le Conseil européen adoptera le 15 décembre, puis dans le mandat de négociation révisé qui sera confié à Michel Barnier, si possible en mars 2018.
Sur les droits des citoyens, les négociateurs ont considérablement progressé. Tous les citoyens européens arrivés au Royaume-Uni – parmi lesquels 300 000 Français – ainsi que les citoyens britanniques arrivés dans l’Union européenne avant le retrait britannique pourront continuer à y résider, travailler et étudier comme aujourd’hui, notamment les infirmières et les médecins, dont les qualifications professionnelles resteront reconnues. Les membres de leurs familles conserveront leur droit à rejoindre leurs proches dans le futur, s’ils ne vivent pas aujourd’hui déjà au Royaume-Uni. Les citoyens européens conserveront leur droit aux soins de santé, à la retraite et aux prestations de sécurité sociale.
Un des enjeux majeurs de la négociation est de s’assurer du plein respect de ces droits, ce qui suppose que la Cour de justice de l’Union européenne puisse jouer son rôle. Le recours à une question préjudicielle devant la Cour de justice de l’Union européenne sera possible pendant huit ans. D’ici à la transcription juridique du rapport conjoint dans l’accord de retrait, nous veillerons à maximiser les garanties dont pourront bénéficier les citoyens européens pour le plein respect de leurs droits.
S’agissant de l’Irlande, la solution trouvée pose des principes, comme l’absence de frontière physique sur l’île d’Irlande et, le cas échéant, un « alignement » du Royaume-Uni sur le marché intérieur et l’union douanière dans les secteurs nécessaires à la bonne coopération entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande. Le fait que cela convienne à la fois au Royaume-Uni et à l’Irlande est très positif, mais nous serons bien entendu extrêmement vigilants pour nous assurer du respect de l’intégrité du marché intérieur et de l’union douanière.
Sur le règlement financier, le résultat est très satisfaisant. En effet, la quasi-totalité des dépenses qui doivent être prises en charge par le Royaume-Uni le seront : contribution au budget européen jusqu’en 2020, reste à liquider, passifs, retraite des fonctionnaires, etc.
La discussion portera aussi sur les autres sujets de la première phase, qui sont parfois très importants, comme les marchés publics, la négociation du cadre des relations futures entre l’Union européenne et le Royaume-Uni ou encore la période de transition. Cette dernière doit être limitée dans le temps et fondée sur des principes simples, tels que l’application par le Royaume-Uni de toutes les règles européennes, en dehors de toute participation de Londres aux institutions.
Le maintien de l’unité des Vingt-Sept sera plus que jamais déterminant. Nous n’avons pas encore fait le plus dur ; en réalité, seul le plus facile est derrière nous !
J’évoquerai plus rapidement les autres thèmes ; nous pourrons y revenir si vous le souhaitez.
Le Conseil européen fera le point sur les avancées de l’Europe de la défense et, notamment, sur le lancement par le Conseil « Affaires étrangères », hier, de la coopération structurée permanente, qui rassemble désormais vingt-cinq États membres. C’est une véritable avancée. Nous sommes parvenus à un niveau d’ambition tout à fait acceptable.
Au-delà, nous voulons accélérer le lancement du Programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense, qui doit pouvoir financer de premiers projets capacitaires dès le début de 2019 ; nous souhaitons également progresser sur le fonds européen de défense. Le Conseil européen devrait y revenir dès juin 2018 pour conserver la dynamique actuelle.
Le thème des migrations sera traité lors du dîner des chefs d’État ou de gouvernement, dans le cadre des réflexions sur l’avenir de l’Europe. Le contexte préélectoral en Italie n’a en effet pas permis de prévoir des conclusions écrites du Conseil sur le sujet, mais nous souhaitons aboutir sur la réforme du régime européen de l’asile au premier semestre de 2018. Nous avons déjà progressé, à la fois sur le système d’entrée-sortie, ou EES, qui a été approuvé par les colégislateurs le 20 novembre, et sur le système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages, ou ETIAS, sur lequel un accord politique devrait être trouvé d’ici à la fin de l’année.
La discussion portera sur les meilleures modalités d’action pour l’Union européenne, ainsi que sur le financement de la politique migratoire de l’Union européenne. Le président du Conseil européen a avancé l’idée de créer un instrument spécifique dans le cadre des prochaines perspectives budgétaires.
Nous voulons mobiliser l’ensemble de nos partenaires sur le plan politique comme du point de vue financier, en particulier sur la dimension externe des questions migratoires. La stabilisation du Sahel et celle de la Libye sont des priorités de premier rang. Le Président de la République organise d’ailleurs demain un sommet à cet effet autour du G5 Sahel.
Le sommet qui se tient aujourd’hui à propos du climat, le One Planet Summit, aura tout juste eu lieu ; nous aimerions à ce propos que le Conseil européen revienne, par exemple, sur la nécessité de renforcer les financements verts destinés à lutter contre le dérèglement climatique. L’Union européenne doit rester pleinement mobilisée pour faire appliquer l’accord de Paris, malgré la décision américaine de retrait. Cela suppose de conclure rapidement la négociation de l’ambitieux paquet énergie-climat 2030 que la Commission a proposé.
Sur les questions sociales, après le succès de la négociation au Conseil sur le détachement des travailleurs, nous voulons continuer à démontrer que l’Europe permet de converger vers le haut. Le Conseil européen saluera le Socle européen des droits sociaux, qui a été proclamé au sommet social de Göteborg du 17 novembre dernier. Il faudra à l’avenir renforcer les volets « jeunesse » ou « formation » de ce socle, mais aussi, et surtout, veiller à sa pleine mise en œuvre, en utilisant pour cela le semestre européen.
Dans le domaine de l’éducation et de la culture, le débat portera sur le projet d’universités européennes proposé par le Président de la République et sur la façon de s’y préparer. Il faudrait pour cela renforcer les partenariats entre universités et la connaissance des langues européennes ainsi que mettre en place un statut européen de l’étudiant. Nous voulons que le travail sur les universités soit lancé dès mai 2018, dans le cadre du processus de Bologne pour le supérieur et, s’agissant du secondaire, de ce que nous appelons le processus de la Sorbonne.
Les chefs d’État ou de gouvernement se retrouveront également à vingt-sept en formation « sommet zone euro ». La Commission a présenté, le 6 décembre dernier, ses idées pour l’approfondissement de la zone euro. Nous accueillons de façon très positive le démarrage de ce débat indispensable, même s’il n’est pas question d’aboutir à une décision en décembre. Les propositions de la Commission représentent un premier pas intéressant, mais nous souhaitons nous montrer plus ambitieux. Nous souhaitons notamment mettre en place une capacité budgétaire de la zone euro qui permette une véritable stabilisation contracyclique et une fonction d’investissements communs dans des politiques qui soutiennent la productivité en zone euro, qu’il s’agisse du capital humain ou des innovations de rupture.
Après avoir discuté avec de nombreux États membres et les institutions européennes, le Président de la République présentera à ses homologues ses propositions pour donner la parole aux citoyens sur l’Europe depuis le printemps jusqu’au début de novembre 2018. Notre objectif est d’écouter ce que les Européens ont à nous dire dans tous les pays qui souhaiteront participer à ces « consultations citoyennes ». Celles-ci supposent que nous nous mettions d’accord tant sur un même calendrier, notamment pour ne pas interférer avec la campagne pour les élections européennes de 2019, que sur des règles communes. Il faudrait en particulier que soit retenue une approche transpartisane.
Enfin, les chefs d’État ou de gouvernement évoqueront les dossiers internationaux les plus sensibles, notamment la situation au Proche-Orient après l’annonce par le Président Trump de la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël et du déménagement de l’ambassade américaine à Jérusalem. Vous n’ignorez pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Président de la République et de très nombreux autres responsables ont indiqué que cette décision était regrettable et qu’ils ne l’approuvaient pas.