Intervention de Colette Mélot

Réunion du 12 décembre 2017 à 14h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 14 et 15 décembre 2017

Photo de Colette MélotColette Mélot :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Conseil européen des 14 et 15 décembre prochain sera une nouvelle occasion pour l’Union européenne de se pencher sur son avenir et de définir de nouvelles priorités politiques.

Bien que l’Allemagne soit encore paralysée par des questions de politique interne, bien que le Royaume-Uni s’éloigne de plus en plus chaque jour de l’Union européenne, bien que les crises qui frappent notre continent soient encore vives et dangereuses, nous avons encore des raisons de croire en une Europe plus forte et plus protectrice.

Sur le plan des avancées concrètes, l’actualité nous montre que la méthode des « petits pas » de Jean Monnet et de Robert Schuman est plus que jamais d’actualité pour faire avancer la construction européenne.

Hier, à Bruxelles, vingt-cinq pays européens ont lancé une coopération structurée permanente en matière de défense et de sécurité, autour de dix-sept projets concrets à mettre en œuvre dans les mois à venir. Plusieurs d’entre eux sont, à bien y regarder, des avancées majeures dans la mutualisation de nos moyens et la constitution d’une culture stratégique et tactique partagée à l’échelon européen. En ce sens, l’établissement d’un commandement médical européen ou la création d’un centre d’entraînement conjoint pour préparer les militaires avant un déploiement sont les bienvenus.

D’autres projets ont une dimension industrielle vitale pour un continent doté d’entreprises de défense d’excellence, lesquelles restent pourtant pénalisées par leur taille trop faible et l’atomisation des marchés nationaux. Pour espérer pouvoir constituer des groupes de défense de taille mondiale, les États membres doivent rendre possible la concentration des moyens financiers sur des programmes stratégiques communs permettant in fine de garantir l’autonomie stratégique européenne.

Pour ce faire, il est nécessaire que l’Union européenne conduise enfin une politique industrielle de défense active. En ce sens, la constitution d’un fonds européen de défense, doté à partir de 2020 de 1, 5 milliard d’euros par an pour des projets de recherche, pour des achats en commun ou pour le développement de prototypes, est une grande avancée, que nous saluons.

Néanmoins, nous pouvons aller encore plus loin. Les pays européens doivent enfin jouer collectif en matière d’armement et adopter la préférence communautaire, à l’instar de celle qui est en vigueur aux États-Unis : le fait que la Suède choisisse le Patriot américain plutôt que le SAMP/T proposé par l’Italie et la France pour sa défense antiaérienne est un mauvais signe envoyé aux défenseurs d’une base industrielle et technologique de défense européenne robuste et compétitive à l’échelon mondial.

Soixante ans après l’échec de la Communauté européenne de défense, six ans après la dissolution de l’Union de l’Europe occidentale, l’Union européenne a enfin l’occasion de faire avancer sérieusement la politique européenne de sécurité commune. Madame la ministre, nous espérons que votre engagement et celui du Président de la République en la matière seront sans faille.

Un autre point à l’ordre du jour de ce Conseil européen est pour nous fondamental et concerne l’âme même du projet européen. Je veux parler de l’Europe sociale. Je veux parler de l’Europe de l’éducation. Je veux parler, bien sûr, de l’Europe de la culture. Ces trois sujets sont vitaux pour l’Union européenne, car ils sont l’émanation des valeurs d’humanisme, de solidarité et de savoir, qui sont l’ADN de notre civilisation commune.

Malraux résumait l’humanisme par ces quelques mots : « Vouloir retrouver l’homme partout où nous avons trouvé ce qui l’écrase ». Nous pensons que l’Union européenne peut et doit contribuer à ce projet millénaire d’émancipation. Nous pensons que l’Union européenne peut et doit redevenir cette promesse d’humanité qui attirait les peuples et rassurait ses citoyens. Nous pensons enfin que l’Union européenne peut et doit être en première ligne des combats contemporains contre l’ignorance, contre l’intolérance, contre l’exploitation, contre le populisme et contre la haine de l’autre.

Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a compris que cet enjeu était vital pour le projet européen. Il a compris que la vision technocratique et mercantile du « grand marché unique » ne suffirait plus à fédérer les Européens.

Nous saluons ainsi son projet de « socle de droits sociaux ». Nous saluons les projets d’extension d’Erasmus aux apprentis et aux jeunes artistes. Nous saluons la volonté d’avancer dans le sens d’universités européennes plus intégrées et la reconnaissance commune des diplômes. Bologne et Montpellier, la Sorbonne et l’université Humboldt, la Sapienza de Rome et l’université d’Amsterdam : nos universités ont fait l’Europe avant tout le monde ; l’Europe a toujours été une évidence pour elles, dès le Moyen Âge. Il est normal qu’une fois encore elles nous montrent la voie vers le dialogue de nos cultures et l’amitié de notre jeunesse.

Ces projets concrets donnent du sens à la citoyenneté européenne et contribuent à rapprocher les Européens. Nous devrons cependant veiller à ce qu’ils soient plus que des annonces ou des mesures techniques. Ils devront préfigurer un véritable changement de cap de la construction européenne vers une Europe plus juste, plus solidaire et plus ouverte.

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