Intervention de Fabienne Keller

Réunion du 12 décembre 2017 à 14h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 14 et 15 décembre 2017

Photo de Fabienne KellerFabienne Keller :

Mon premier point porte sur le Brexit.

Vous l’avez rappelé, madame la ministre, l’accord du 8 décembre précise des points sur les droits des citoyens, sur le règlement de la facture, même si aucun chiffre précis ne nous a été communiqué sur le montant que les Britanniques sont prêts à payer, sur la question si délicate de la frontière entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande. Pouvez-vous nous dire si cet accord est assez solide pour servir de base à l’accord définitif ? J’ai bien entendu ce que vous aviez dit, à savoir que nous n’avions pas encore fait le plus dur. Pouvez-vous également nous indiquer la durée envisagée pour la période de transition ? On sait qu’elle sera au minimum de deux ans, mais pourrait-elle être plus longue ? Certains évoquent une durée de cinq ans.

Mon deuxième point a trait à la politique économique, à l’euro et à la fiscalité.

Nous saluons les éléments importants exposés par le Président de la République dans son discours de la Sorbonne. Nous observons les avancées concernant la création d’un fonds monétaire européen, à partir du TSCG et du mécanisme européen de stabilité, le fameux MES. Nous observons aussi tous la dynamique favorable à la zone euro.

J’insisterai sur les questions fiscales, en particulier sur l’optimisation. Certaines entreprises échappent ainsi à l’impôt et ne contribuent pas à la richesse de leur pays. Cela choque nos concitoyens. Madame la ministre, est-il possible d’accélérer l’adoption des directives ACCIS et ACCIS consolidée, qui définissent une assiette fiscale commune pour l’impôt sur les sociétés, élément socle pour progresser vers l’harmonisation ?

Par ailleurs, peut-on espérer observer une convergence en matière de fiscalité des entreprises ? La France est sur une dynamique de baisse de la fiscalité des entreprises. Ne peut-on envisager une sorte de convergence ou de serpent fiscal ? L’unanimité exigée sur cette question est une source de difficulté et de blocage.

Enfin, pourriez-vous nous indiquer la position de la France sur la taxation des GAFA. La commissaire, Mme Vestager, a adopté une position audacieuse sur cette question. Si elle n’est pas exempte de risques, elle marque un volontarisme européen important.

Mon troisième point concerne la politique européenne de défense.

Vous l’avez rappelé, un accord à vingt-trois, devenus vingt-cinq hier – il ne manque plus que Malte et le Danemark ; c’est presque un accord européen –, a été trouvé. Les attentes de nos concitoyens sont fortes sur ce sujet, s’agissant notamment d’une réponse coordonnée au terrorisme. Pouvez-vous nous indiquer comment s’articulera la coopération avec le Royaume-Uni ? Nous savons que nous avons des accords bilatéraux très puissants, mais le Royaume-Uni privilégie plutôt la coopération par le biais de l’OTAN, laquelle est bien sûr tout à fait essentielle.

Dans la vingtaine de propositions qui ont été faites mi-novembre, j’ai relevé la question de l’interopérabilité des forces multinationales. Ma collègue Colette Mélot a évoqué des exercices plus nombreux. Je voudrais vous interroger sur leur rôle ; je pense évidemment en particulier à l’Eurocorps de Strasbourg, que vous connaissez bien. Plus globalement, c’est avec une forme d’amertume que j’ai constaté le démantèlement partiel de la brigade franco-allemande. Je suis vigilante s’agissant de ces forces multinationales, qui sont formidables, mais qui, au quotidien, sont parfois un peu oubliées dans certains arbitrages nationaux.

Mon dernier point sera plus politique.

Je suis très touchée par la question irlandaise. Il se trouve que j’ai eu la chance de connaître John Hume, à qui a été décerné le prix Nobel de la paix pour sa participation aux négociations de paix. On peut rappeler, car on ne l’a pas toujours en tête, que c’est la dernière paix signée en Europe, il y a tout juste dix-neuf ans. Ce n’est donc pas très vieux. Ce fut le Good Friday Agreement, l’accord du Vendredi Saint.

L’Irlande du Nord est très attachée à sa capitale, Londres, et connaît depuis près d’un siècle la libre circulation sur l’île, territoire qu’elle a en commun avec la République d’Irlande. Cette question n’est pas simple et nous ramène à l’une des valeurs fondamentales de l’Union européenne, à savoir la paix. Claude Kern, André Reichardt et moi, en tant qu’Alsaciens et Strasbourgeois, savons ce que vit une zone écartelée, qui fait partie d’un ensemble politique tout en étant attachée ailleurs par des traités. C’est cette histoire particulière qui a vu Strasbourg avoir cinq nationalités différentes en cent trente ans et qui a conduit les Européens, après la guerre, à faire le choix de notre ville comme siège du Parlement européen.

Je tiens à saluer très officiellement, madame la ministre, votre engagement remarquable en faveur de Strasbourg. Vous êtes au top des ministres européens !

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