Intervention de Robert del Picchia

Réunion du 12 décembre 2017 à 14h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 14 et 15 décembre 2017

Photo de Robert del PicchiaRobert del Picchia :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’interviens au nom du président de la commission, Christian Cambon, retenu par une rencontre avec des personnalités internationales.

Le 30 mars 2019, le Royaume-Uni deviendra un pays tiers de l’Union européenne. Nous le regrettons. Des personnalités telles que Tony Blair veulent croire que cette perspective est encore réversible. Mais il faut se résoudre à l’évidence : après l’accord de vendredi, elle devient de plus en plus plausible.

Nous nous réjouissons de l’accord qui a été trouvé. Sans lui, le Brexit risquait de nous ramener plus de quarante ans en arrière. Cet accord devrait permettre – enfin ! – d’envisager l’avenir, en passant à la deuxième phase des négociations prévues par l’article 50 du traité sur l’Union européenne.

Mais nous ne sommes pas naïfs, mes chers collègues. Le président du Conseil européen l’a rappelé : le temps est compté, et le plus difficile est devant nous, comme l’a également dit la ministre.

En premier lieu, nous restons préoccupés par la question irlandaise, en raison du conflit tragique, pas si lointain d’ailleurs, que l’île a connu, et qui a été surmonté grâce à des coopérations reposant, pour une large part, il ne faut pas l’oublier, sur le droit et les budgets européens.

L’accord trouvé sur la question de la frontière irlandaise est un pas en avant appréciable, mais il n’est pas dépourvu d’ambiguïtés. Au regard des engagements de principe énoncés, les difficultés d’application paraissent presque inextricables. Et je n’évoquerai pas le risque de division politique, voire de désunion territoriale, qu’elles suscitent outre-Manche. Le plus dur reste à faire !

En deuxième lieu, la phase 2 des négociations s’annonce ardue. Elle sera d’abord consacrée à la définition d’une période de transition, puis à l’élaboration de un ou plusieurs traités précisant le cadre futur des relations entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. Ce cadre devra définir une « relation spéciale », équilibrée, non discriminante vis-à-vis des États membres de l’Union européenne et de l’Espace économique européen, dans un traité qui pourrait, nous dit-on, comporter des similitudes avec l’accord économique et commercial global avec le Canada, le fameux CETA.

Nous serons donc particulièrement attentifs à ces nouvelles négociations, car – le négociateur en chef Michel Barnier nous l’a confirmé ici même, au Sénat – ce ou ces traités avec le Royaume-Uni seront de nature mixte, c’est-à-dire que nous aurons à en autoriser la ratification. Madame la ministre, cela signifie que ces nouvelles négociations devront être parfaitement transparentes et portées dans le débat public. Nos concitoyens nous demanderont la garantie que le Brexit ne signifie pas l’introduction, à terme, de formes nouvelles de dumping réglementaire ou fiscal à l’intérieur du continent européen. Il faudra maintenir notre union à vingt-sept, et c’est un défi.

Cela étant dit, le Brexit ne doit pas capter toute notre énergie. Comme cela est écrit dans le rapport du Sénat sur la refondation de l’Europe, et comme le Président Macron et la Chancelière Merkel l’ont affirmé : l’avenir à vingt-sept est plus important que le Brexit !

Plus qu’une priorité, refonder l’Union est un enjeu vital. La politique migratoire, de nouveau à l’ordre du jour du prochain Conseil, doit continuer à concentrer toute notre attention. Le phénomène migratoire, dans sa dimension tant intérieure qu’extérieure, constitue un défi majeur et durable. Nous avons échoué, pour le moment, à y répondre efficacement, humainement et solidairement. Il faut donc agir, et vite.

En matière de défense, les avancées sont importantes, mes chers collègues. Le moteur franco-allemand a permis le lancement d’une coopération structurée permanente et, disons-le, prometteuse. Mais soyons réalistes : on a beaucoup parlé, il faut maintenant agir.

La mise en œuvre, dans les mois à venir, de projets communs d’acquisition et de développement de capacités militaires, voire la réalisation d’engagements conjoints sur des théâtres d’opérations extérieures, constitueront le vrai et l’unique test d’une volonté d’agir ensemble. Or la concrétisation de décisions prises à vingt-cinq sur des sujets si stratégiques nous laisse perplexes.

Mes chers collègues, chacun le sait : la politique d’emploi des forces qui est celle de la France, sa capacité de projection en opérations au-delà de ses frontières constituent une singularité dans l’Union européenne. Mais, au Sahel, c’est bien la sécurité de l’Europe que nous défendons, et pas uniquement celle de la France.

Les principes d’un partenariat renforcé avec le Royaume-Uni, seul État membre qui, à l’instar de la France, dispose d’une culture stratégique, semblent déjà faire consensus. Il faut s’en féliciter.

Madame la ministre, la France doit cultiver cette entente, scellée avec son unique partenaire européen à la fois détenteur de l’arme nucléaire et membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, si elle prétend conserver ses leviers d’actions diplomatiques en formant un bloc européen dans les instances multilatérales et si elle entend défendre sa politique de dissuasion, garante du régime de non-prolifération face à l’accélération des essais balistiques et nucléaires de la Corée du Nord. Plusieurs orateurs ont déjà mentionné ce dernier enjeu.

Face à de tels défis, on le voit bien : la diffraction de l’Europe serait un non-sens géostratégique. Maintenir la cohésion de notre continent est un impératif tant économique que social et de sécurité !

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