Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant tout, permettez-moi d’excuser l’absence de M. Bizet, président de la commission des affaires européennes, qui est actuellement en déplacement au titre de l’Union interparlementaire.
Notre débat revêt un intérêt tout particulier à la veille d’un Conseil européen d’une grande importance.
C’est en tout premier lieu le retrait du Royaume-Uni qui retient notre attention. Le Sénat a plaidé pour un « retrait ordonné », et notre groupe de suivi, commun avec la commission des affaires étrangères, restera très vigilant quant à la finalisation de l’accord de retrait. Cette attention est d’autant plus nécessaire que, par ses propos récents, le négociateur britannique, M. Davis, semble lier le sort de cet accord à celui relatif au cadre des relations futures. Une telle analyse nous paraît tout à fait inacceptable.
En priorité, notre vigilance portera sur la situation des citoyens européens installés au Royaume-Uni. Nous relevons beaucoup de points positifs dans le rapport des négociateurs. Je m’interroge cependant sur le rôle de la Cour de justice. Certes, celui-ci est bien prévu, mais les juges britanniques auront la simple faculté et non l’obligation de consulter la Cour. En outre, cette possibilité sera limitée à une période de huit ans. N’est-on pas en deçà de ce qui serait nécessaire pour apporter des garanties effectives aux citoyens européens ?
Le même rapport affirme une nouvelle fois qu’il n’y aura pas de frontière « en dur » entre les deux parties de l’Irlande. C’est là un point très positif. Est ainsi garanti l’accord de paix du Vendredi saint, qui a mis fin aux violences en Irlande du Nord en 1998. C’est fondamental. Mais tout cela devra être précisé en vue de la finalisation de l’accord de retrait.
Pour ce qui concerne le règlement financier, nous prenons acte de la décision des autorités britanniques de respecter leurs engagements budgétaires ; c’est bien le moins. Sur ce point aussi, cependant, le Sénat se montrera vigilant.
Si le Conseil européen décide d’engager des discussions quant au cadre des relations futures, l’Union européenne devra conserver l’unité qui a été la sienne pendant la première phase.
L’enjeu n’est pas à négliger. Les États membres, dont la France elle-même, pourront avoir des intérêts propres à défendre. Le négociateur de l’Union, Michel Barnier, nous a indiqué que le futur accord aura un caractère mixte. Sa ratification devra donc être autorisée par le Parlement.
À cet égard, le Sénat entend jouer tout son rôle. Chacun voit bien l’intérêt de conserver des liens très étroits avec un partenaire qui demeurera essentiel dans beaucoup de domaines, notamment la sécurité.
Cela étant, l’Union européenne doit rester claire et ferme. Le Royaume-Uni a choisi de quitter l’Union. Nous le regrettons, mais nous respectons son choix, et il doit en assumer les conséquences. On ne peut avoir plus d’avantages en dehors qu’au sein de l’Union. Notre groupe de suivi avait clairement exprimé cette exigence.
L’Union devra aussi veiller à défendre les intérêts des différents secteurs économiques exposés aux effets du Brexit. Je pense en particulier au secteur de la pêche, lequel est particulièrement préoccupé par la période d’incertitude qui s’ouvre. Nous devons disposer d’évaluations sectorielles précises.
Les questions de défense seront également à l’ordre du jour du Conseil européen. Nous saluons les progrès accomplis grâce au lancement d’une coopération structurée permanente. Cette coopération va dans le sens des préconisations émises par le groupe de suivi sénatorial. Peut-on escompter une mise en œuvre rapide des projets recensés à ce titre ?
Il nous semble également nécessaire de développer des outils de cohérence opérationnelle et des capacités de financement européen en faveur de la défense. Quelles sont, notamment, les perspectives pour le futur fonds européen de la défense ?
Le Conseil européen se prononcera par ailleurs sur les questions sociales, l’éducation et la culture. Il s’agit de renforcer la cohésion européenne en progressant vers la convergence sociale.
En la matière, le sommet de Göteborg a permis d’identifier des pistes intéressantes. Nous serons, en particulier, attentifs à la mise en œuvre des principes réunis dans le socle européen des droits sociaux. Nous examinerons également le résultat du trilogue sur l’épineux dossier des travailleurs détachés, qui est très vivement ressenti dans nos territoires. Nos rapporteurs, Fabienne Keller et Didier Marie, nous en rendront compte.
Le renforcement des compétences est un autre enjeu majeur. Les défis à relever sont lourds compte tenu de l’impact du numérique et, désormais, de l’intelligence artificielle. À ce titre, l’Union a un rôle limité, mais elle peut appuyer et coordonner l’action des États membres.
Nous plaidons notamment pour un Erasmus des apprentis : ce dispositif contribuerait à l’acquisition des compétences et à la mobilisation des jeunes autour du projet européen.
Enfin, le sommet de la zone euro devrait permettre un débat sur l’avenir de l’union économique et monétaire, après la présentation de sa feuille de route, le 6 décembre dernier, par la Commission européenne.
Notre groupe de suivi a retenu l’approche ambitieuse d’un Fonds monétaire européen. Surtout, il a insisté sur le rôle des États membres dans le pilotage exécutif de la zone euro.
Ce n’est pas la piste que semble privilégier la Commission. Je relève que la question, pourtant essentielle, de la dimension démocratique n’est abordée que sous l’angle de la responsabilité du futur ministre des finances de la zone euro devant le Parlement européen. Rien n’est précisé quant à l’association des parlements nationaux, laquelle est pourtant essentielle à un fonctionnement vraiment démocratique.
La conférence de l’article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union européenne, le TSCG, offre à nos yeux un cadre intéressant à cette fin, à condition d’être modernisée.