Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tous les orateurs l’ont relevé, le prochain Conseil européen aura une importance toute particulière pour l’Europe et son avenir. En effet, il devrait marquer la clôture de la première phase des négociations relatives au Brexit. Il donnera également l’occasion de réunir, pour la première fois depuis juillet 2015, un sommet de la zone euro, dans une configuration ouverte à vingt-sept États membres, afin de décider d’une feuille de route pour avancer dans la réforme de l’Union économique et monétaire.
Bien sûr, ces deux sujets, que j’évoquerai brièvement, sont d’une importance capitale pour la commission des finances, que je représente ce soir.
Tout d’abord, je reviendrai sur les négociations relatives au Brexit.
À la suite du compromis trouvé dans la nuit du 8 décembre dernier entre le Royaume-Uni et la Commission européenne, les vingt-sept États membres devront faire le point sur l’état d’avancement des négociations et autoriser l’ouverture de la deuxième phase de discussions concernant la future relation entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.
Mes chers collègues, vous le savez tous et vous en avez parlé, l’un des trois points de l’accord trouvé la semaine dernière porte sur le règlement financier du Brexit.
Selon les chiffres officieux, le Royaume-Uni devrait verser un total de 50 milliards d’euros, au lieu des 20 milliards d’euros initialement prévus. Ce montant devrait notamment couvrir les engagements pris dans le cadre financier actuel, couvrant la période 2014-2020, ainsi qu’une part des « restes à liquider » antérieurs contractés par l’Union européenne.
Madame la ministre, à ce titre, mes premières questions sont les suivantes : pouvez-vous nous confirmer le chiffre de 50 milliards d’euros ? Surtout, pouvez-vous nous confirmer le calendrier suivant lequel le Royaume-Uni devrait s’acquitter de cette somme ?
Le Conseil européen des 14 et 15 décembre prochains sera également l’occasion d’autoriser la task force de la Commission européenne à entamer la négociation d’une période de transition, à compter de la date de sortie théorique du 30 mars 2019, et à ouvrir les discussions quant aux liens futurs entre l’Union européenne et la Grande-Bretagne.
Selon le négociateur en chef, Michel Barnier, que le Sénat a auditionné il y a quelques jours, le plus difficile est donc à venir, d’autant qu’il ne reste que seize mois avant la date de sortie théorique du Royaume-Uni.
Le secteur des marchés financiers occupera sans doute – et c’est sur ce sujet que je tiens à insister – une place centrale dans cette seconde phase de négociations.
Il y a quelques jours, la Première ministre britannique, Mme Theresa May, a réitéré la volonté de son pays de sortir de l’union douanière et du marché intérieur. Mais les effets de la perte du passeport européen seront potentiellement dommageables aux intérêts de l’industrie financière britannique.
Dans le cadre des travaux qu’elle a consacrés, au printemps dernier, à la compétitivité des places financières, notre commission des finances a estimé que la conclusion d’un accord de transition couvrant l’ensemble des services financiers ne s’imposait pas.
Cependant, les Britanniques disposeront de moyens de pression non négligeables dans les secteurs de la banque et de l’assurance. C’est pourquoi nous avons tenté de tracer les lignes rouges susceptibles de constituer l’armature de la position française lors des négociations du volet « marchés financiers » du Brexit.
Premièrement, il ne saurait être admis que des infrastructures cruciales pour le bon fonctionnement des marchés européens soient soumises à un régime juridique et à une supervision distincts de ceux de l’Union. Dès lors, nous recommandons d’étudier l’intérêt d’introduire une obligation de localiser au sein de l’Union européenne les infrastructures d’importance systémique dont les activités sont libellées en euros.
Deuxièmement, les conditions d’une concurrence équitable en Europe devront être préservées. Un tel impératif implique, notamment, le durcissement des régimes d’équivalence existants, ce afin de maîtriser les risques de divergence réglementaire.
Madame la ministre, j’espère que ces travaux pourront éclairer le Gouvernement dans la définition de la position française, quant à la relation future entre le Royaume-Uni et l’Union européenne au sujet des produits financiers.
Troisièmement, et enfin, il appartiendra à la France de tirer pleinement parti du Brexit et du rééquilibrage qu’il pourrait entraîner. À cet égard, le choix de Paris comme nouveau siège de l’Autorité bancaire européenne, même s’il résulte d’un tirage au sort, est un signal positif qui rejoint l’une de nos recommandations.
Dans le bref temps d’intervention qui me reste, j’évoquerai le sommet de la zone euro.
Cette réunion des chefs d’État ou de gouvernement sera l’occasion de débattre de la feuille de route et des propositions présentées par la Commission européenne le 6 décembre dernier.
De prime abord, ce « paquet » relatif à la zone euro paraît plus réaliste que les propositions du Président de la République. En effet, il n’est pas question de créer un véritable budget de la zone euro, mais de déployer des instruments budgétaires spécifiques à la zone euro, notamment pour soutenir la convergence des États en vue de leur adhésion à l’euro ou encore pour faire office de mécanisme de stabilisation en cas de choc asymétrique.
Ces instruments trouveraient leur place au sein même du budget de l’Union.
Ainsi, le ministre européen de l’économie et des finances, proposé par la Commission européenne, ne serait pas responsable du budget de la zone euro, mais cumulerait les fonctions de vice-président de la Commission et de président de l’Eurogroupe.
Parmi ces nouvelles propositions, la transformation mécanisme européen de stabilité, le MES, en un fonds monétaire européen, ou FME, est certainement la plus substantielle.
Le FME continuerait de soutenir les États membres en cas de difficultés financières. Il jouerait également le rôle de filet de sécurité pour le Fonds de résolution unique de l’Union bancaire.
Sur le plan institutionnel, je relève avec satisfaction que la proposition de règlement prévoit une responsabilité du FME devant les parlements nationaux. Ainsi, les parlementaires des différents États pourront demander aux représentants du Fonds de répondre par écrit à toute observation ou question. Ils pourront également entendre le directeur général du FME.
En revanche, je regrette que la proposition de directive pour intégrer le contenu du TSCG au sein du droit de l’Union ne contienne aucune évolution de la conférence interparlementaire prévue par l’article 13 de ce traité. Il est simplement indiqué que la directive s’appliquera sans préjudice de cette « pratique ».
Or les membres de la commission des finances ayant assisté à ces conférences constatent que la pratique existante n’est pas satisfaisante. Ces réunions laissent souvent un sentiment de frustration : elles ne permettent pas aux parlementaires nationaux de débattre de manière approfondie de points précis avec les parlementaires européens. En définitive, elles n’aboutissent à aucune décision.
A minima, l’adoption systématique de conclusions de fond, sur des sujets ou sur des textes préalablement identifiés, serait souhaitable.
Madame la ministre, j’espère que vous pourrez vous faire l’écho de cette demande auprès du Parlement européen et de vos homologues des autres États membres : ainsi, ces réunions au titre de l’article 13 du TSCG pourraient devenir plus efficaces !