Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 11 décembre 2017 à 14h30
Loi de finances pour 2018 — Articles additionnels après l'article 48 bis

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier :

Sur ce sujet connu, archiconnu, vous faites une confusion entre le verrou de Bercy et la Commission des infractions fiscales.

La Commission des infractions fiscales protège les droits du contribuable. Elle peut, dans l’intérêt du contribuable, décider que l’administration n’a pas à poursuivre. Le verrou de Bercy, c’est autre chose : c’est le monopole de l’administration fiscale pour les poursuites en matière de fraude fiscale.

Je rappelle que, pour les affaires les plus graves, en vertu de l’arrêt Talmon de 2008 de la Cour de cassation, l’autorité judiciaire peut engager des poursuites pénales sur le fondement de l’infraction de blanchiment de fraude fiscale. Dans un certain nombre de cas, qui ont d’ailleurs été médiatisés – nous parlions des perquisitions chez Google précédemment –, la justice a engagé des poursuites parallèlement aux procédures de redressement fiscal. L’infraction de blanchiment de fraude fiscale permet des poursuites dans tous les cas.

La vraie question, selon moi, est tout simplement celle de l’efficacité. La voie judiciaire est-elle plus efficace techniquement, en termes de délais et de montants recouvrés, que la voie de l’administration fiscale ?

Avec Claude Raynal, nous avons travaillé sur cette question en matière de délits boursiers, notamment les délits d’initié et les délits de manipulation de cours. En la matière, il existe une voie administrative, celle des sanctions de l’AMF, parallèlement à la voie des poursuites judiciaires. Dans le premier cas, on s’est aperçu qu’on arrivait à recouvrer des sommes, à prononcer des amendes ou des interdictions d’exercer ; dans le second cas, les grandes infractions boursières se perdaient dans les délais des pourvois en cassation et autres méandres judiciaires. Certaines affaires n’étaient toujours pas jugées définitivement une dizaine d’années après.

Le risque, si l’on abandonne la voie de l’administration fiscale, est qu’il n’y ait plus de redressements et que la machine judiciaire, qui n’est par armée pour cela, n’ait pas la capacité de recouvrer les sommes de manière aussi spontanée. Avec Michèle André, nous avions auditionné Mme Houlette, procureur de la République financier ; elle avait été la première à nous convaincre que, en l’état des moyens, le ministère de la justice ne pouvait pas traiter les infractions fiscales et que, en revanche, les plus grandes infractions pouvaient l’être via l’infraction de blanchiment de fraude fiscale.

Il ne s’agit donc pas du tout de protéger Bercy : ce qui intéresse la commission des finances, c’est que les sommes qui font l’objet d’une fraude puissent être recouvrées. Or la voie du redressement fiscal apparaît plus efficace.

Quant aux informations relatives à la CIF, je vous invite tout simplement à lire son rapport annuel. Vous y trouverez, infraction par infraction, des données statistiques très complètes : le nombre total de dossiers – 944 –, le nombre de plaintes déposées en Normandie, par exemple, combien de discothèques ont éventuellement été poursuivies, le nombre de rejets, de transmissions, etc. Ces magnifiques tableaux ne représentent pas une lecture du soir très amusante, mais le rapport est très complet, et il est public. Il s’intitule d’ailleurs R apport annuel à l ’ attention du Gouvernement et du Parlement. Tous les membres du Parlement peuvent en faire une saine et passionnante lecture ; ils y trouveront toutes les réponses à leurs questions, s’agissant de ce qui me semble, aujourd’hui, être davantage un fantasme qu’une réalité.

Je me permets d’être un peu long, mais ce sujet, sur lequel nous revenons souvent, le mérite.

Notre administration fiscale connaît l’un des taux de recouvrement spontané les plus élevés au monde. Elle n’est donc pas particulièrement inefficace, par rapport à bien des administrations fiscales. En outre, compte tenu des moyens de la justice, j’ai bien peur que la voie judiciaire ne soit pas la plus efficace et que, si nous décidions de surcharger la justice avec l’ensemble du contentieux fiscal, nous finissions par perdre des recettes – songez, à la lumière du débat que nous venons encore d’avoir sur les crédits de la justice, aux plaintes récurrentes sur le nombre insuffisant de magistrats.

L’avis de la commission est donc défavorable.

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