Intervention de Jean-Claude Duplessy

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 23 novembre 2017 à 10h05
Présentation du rapport annuel de la commission nationale d'évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et déchets radioactifs cne

Jean-Claude Duplessy, président de la CNE2 :

Dans la mesure où il s'agit de l'une de nos premières réunions avec l'Office parlementaire dans sa nouvelle composition, notre intention est de vous présenter brièvement ce qu'est la Commission nationale d'évaluation, et la situation actuelle. Nous poursuivrons en évoquant les points essentiels de notre rapport, ainsi que nos recommandations.

La CNE est apparue, comme le soulignait le président Longuet, avec la loi de 1991, et a été mise en place quelques années plus tard. Le Parlement, conscient de la difficulté et de la spécificité des problèmes liés aux déchets nucléaires, avait en effet décidé qu'il convenait de mener, pendant quinze ans, des recherches approfondies, pour essayer de dégager des voies permettant de gérer au mieux ces déchets. La loi « Bataille » de 1991 avait ainsi identifié la possibilité d'envisager, d'une part, un stockage géologique profond, et, d'autre part, des études de physique, visant à transmuter certains éléments à vie longue, c'est-à-dire à les casser en petits morceaux, présentant la propriété d'avoir une radioactivité certes plus forte, mais de plus courte durée, ce qui permettrait d'évacuer le problème pour un futur lointain. Le texte législatif invitait également à regarder les possibilités d'entreposage, éventuellement de très longue durée.

La première CNE a ainsi produit un rapport dont les conclusions ont servi à l'élaboration, en 2006, d'une seconde loi sur la gestion des matières et déchets radioactifs, laquelle a confirmé l'existence de la CNE, en lui confiant un rôle plus large, incluant les matières nucléaires. La Commission est ainsi devenue l'actuelle CNE2. Tous les ans, elle remet un rapport à l'Office parlementaire, qui le transmet au Parlement. Ce rapport est ensuite, avec votre accord, rendu public. Il est notamment accessible sur le site web de la Commission.

La CNE2 est constituée de douze membres. Six d'entre eux sont nommés par le Parlement, trois par le président du Sénat et trois par le président de l'Assemblée nationale, ainsi que six par le gouvernement, dont deux sur proposition de l'Académie des sciences morales et politiques, et quatre sur proposition de l'Académie des sciences. Les membres de la Commission sont nommés pour six ans, renouvelables une fois, et assistés par un conseiller scientifique.

La CNE2 a pour vocation d'évaluer toutes les recherches menées par les acteurs de la loi de 2006, c'est-à-dire essentiellement par le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies renouvelables (CEA), chargé des études sur la séparation et la transmutation, et par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), qui s'intéresse aux entreposages intermédiaires, et surtout au stockage géologique. Nous procédons à des auditions de ces différents acteurs et, à partir de l'ensemble des informations reçues, élaborons un rapport, que nous vous remettons.

La Commission est également chargée de suivre la situation internationale actuelle, et de vous en faire part, dans un chapitre du rapport spécialement consacré à cela. C'est la raison pour laquelle elle doit, statutairement, comporter au moins un membre étranger. Nous avons actuellement la chance d'en avoir trois : les professeurs Frank Deconinck, Claes Thegerström et José Luis Martinez.

Je vais m'intéresser maintenant à l'analyse de la situation présente. L'objectif de ce travail est de vous présenter le point de départ, de vous expliquer d'où viennent les déchets qu'il nous appartient d'analyser et de suivre.

En amont du cycle, l'uranium extrait des mines est enrichi, l'uranium naturel ne contenant pas suffisamment d'uranium 235 pour pouvoir être utilisé dans un réacteur, si l'on veut être en mesure de lancer la fission. En France, nous disposons d'une unité spéciale, l'usine Georges-Besse, qui effectue cet enrichissement. Grâce au composant ainsi obtenu, on fabrique un combustible, en l'occurrence un oxyde d'uranium, utilisé dans les réacteurs.

Une fois l'électricité fournie, le combustible usé est récupéré. Il existe, à partir de cette étape, plusieurs possibilités. On peut, tout d'abord, considérer ce combustible comme un déchet, et le placer dans un stockage géologique. On parle alors de cycle ouvert. Une autre option, incontestablement plus économe en termes de matières, consiste à considérer que ce combustible usé contient encore une quantité considérable de matière énergétique, qu'il convient de récupérer, grâce à une opération de traitement ou de retraitement, et à partir de laquelle on pourra fabriquer à nouveau du combustible, susceptible d'être renvoyé en réacteurs. C'est en cela que le système français est de type semi-fermé. La matière récupérée est, soit de l'uranium, présent dans le combustible initial et non utilisé, qu'il faudra à nouveau enrichir pour obtenir un uranium de retraitement, soit, de façon plus intéressante, du plutonium, avec lequel on fabrique un nouveau combustible, mélange d'oxyde d'uranium et d'oxyde de plutonium, appelé MOX. Ce MOX est alors renvoyé dans les réacteurs français de 900 mégawatts, qui sont parmi les premiers à avoir été construits.

Toutes ces opérations, d'enrichissement, d'une part, et de retraitement, d'autre part, produisent des déchets. Les plus intenses sont justement destinés à Cigéo. Les déchets issus de l'ensemble des opérations du cycle sont, mis à part les déchets miniers qui nous concernent assez peu sur le territoire métropolitain, des déchets de haute activité à vie longue (HA-VL), et des déchets de procédé, de moyenne activité à vie longue (MA-VL), tous destinés à un stockage géologique profond.

Par ailleurs, il existe un certain nombre de déchets à vie longue, mais de faible activité, pour lesquels l'Andra est, pour l'instant, à la recherche de sites de stockage, le problème étant que leur durée de vie nécessite de les isoler des hommes et de la biosphère. Ces composants étant peu radioactifs, il faudrait trouver un système moins onéreux, et moins difficile technologiquement à mettre en oeuvre que Cigéo.

On compte également des déchets de faible ou moyenne activité à vie courte, destinés au centre de stockage de l'Aube, qui fonctionne bien.

Enfin, les déchets de très faible activité, vraiment peu radioactifs mais très abondants, sont pour l'instant envoyés dans le centre industriel de regroupement d'entreposage et de stockage (CIRES), qui va arriver à saturation en 2025. Une extension est donc prévue, ce qui repousserait la date de saturation à 2030. Le problème va se poser clairement, pour tous les gestionnaires, de savoir comment traiter ces déchets à l'avenir.

Je vais, après cette brève présentation du contexte, passer la parole aux deux vice-présidents de la CNE2, qui vont vous exposer les quelques points importants de ce onzième rapport. Le professeur Maurice Leroy va, tout d'abord, aborder la question de la séparation et de la transmutation.

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