Le stockage géologique des déchets de moyenne activité à vie longue et de haute activité à vie longue, et les recherches sur la transmutation, constituent deux des piliers essentiels de la loi de 2006. Dans cette dernière, il est indiqué que les recherches concernant la transmutation doivent être associées à des réacteurs de quatrième génération.
Pour répondre à cette mission, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) développe, depuis une dizaine d'années, des recherches sur les réacteurs à neutrons rapides (RNR) refroidis au sodium. On compte actuellement essentiellement trois réacteurs à neutrons rapides en fonctionnement : le BN-600 et le BN-800, implantés à Beloïarsk en Russie, qui sont couplés au réseau et fournissent de l'électricité, le BN-600 effectuant de surcroît la désalinisation de l'eau, pour alimenter la ville de Beloïarsk ; un réacteur expérimental, en Chine, qui n'est pas couplé au réseau de façon constante, mais l'a été à plusieurs reprises, lors des premières opérations.
L'intérêt de ce type de réacteur est de pouvoir fonctionner avec un uranium appauvri, qui est un résidu du procédé d'enrichissement. Or, la France a décidé que cet uranium appauvri et le plutonium étaient des « matières » au sens de la législation relative au nucléaire. La stratégie énergétique de la France est extrêmement importante, si l'on considère les installations et leur taille. En effet, avec un parc comme celui qui fonctionne aujourd'hui, on procède à un enrichissement de l'uranium, et on fabrique du combustible, comme cela vient de vous être expliqué. Ceci suppose de disposer d'une usine d'enrichissement, et d'usines de fabrication de combustible. Ensuite, intervient le traitement du combustible usé, qui concerne l'usine de La Hague. Ceci détermine le fait que nous séparons uranium et plutonium, d'une part, produits de fission et actinides mineurs, d'autre part. En effet, les produits de fission et les actinides mineurs sont aujourd'hui vitrifiés. Ce sont eux qui seront un jour, éventuellement, stockés dans l'installation Cigéo, si elle est réalisée.
Selon la politique suivie, les résultats sont très différents. Si l'on considère que l'uranium et le plutonium sont des matières, et que l'on envisage une filière de réacteurs à neutrons rapides, alors on aboutit à une configuration de l'industrie nucléaire telle qu'elle est aujourd'hui. Si l'on estime, au contraire, que l'uranium et le plutonium ne sont plus des matières, cette décision conduit à devoir effectuer toute une série de modifications en cascade, dans la mesure où l'on n'utilise plus le plutonium. Aujourd'hui, il faut savoir que l'on recycle partiellement le plutonium, associé à l'uranium, dans des réacteurs dits « MOXés ». En France, les réacteurs de 900 mégawatts utilisent ce combustible. Décider de changer de politique dans ce domaine aurait des effets en chaîne, puisque cela reviendrait à modifier à la fois les fabrications et les retraitements de combustibles, et aurait une incidence extrêmement forte sur l'ensemble des activités.
Si l'on revient à la filière qui, aujourd'hui, est envisagée, on dispose actuellement de réacteurs à eau pressurisée, de 900, 1300 et 1450 mégawatts. On attend maintenant l'arrivée de l'EPR, et son couplage au réseau. Si l'on conserve l'uranium appauvri et le plutonium sous une forme consistant simplement à ne pas traiter les MOX usés, et à les garder en piscine, ceci constituera le thésaurus de plutonium dont on aura besoin, le jour où l'on voudra déployer des réacteurs à neutrons rapides. La politique française a été affirmée en ce sens. À partir de ce schéma, on peut se projeter, en considérant que l'on dispose d'un certain nombre de réacteurs à eau pressurisée arrivant en fin de vie, remplacés possiblement par un parc composé d'EPR, et de réacteurs à neutrons rapides. L'avantage de passer progressivement à un parc composé uniquement de réacteurs à neutrons rapides, réside dans le fait que ceux-ci utilisent de l'uranium appauvri, dont nous disposons, et du plutonium, disponible également, car immobilisé dans les combustibles usés entreposés en piscines, si bien qu'il ne serait plus nécessaire d'importer de l'uranium naturel, ni de recourir à l'enrichissement de l'uranium. Ceci permettrait à la France, à partir des matières énergétiques qu'elle contrôle sur son sol, de devenir indépendante, en termes de production d'électricité électronucléaire.
À partir de cet entreposage et de l'uranium appauvri, on fabrique du combustible dans une unité de fabrication, afin d'alimenter les réacteurs. Le combustible utilisé devra ensuite être déchargé, et retraité. Une partie des actinides mineurs et des produits de fission seront vitrifiés. Un réacteur à neutrons rapides offre, par ailleurs, la possibilité de procéder à la transmutation. Aujourd'hui, le programme de développement des réacteurs à neutrons rapides ASTRID vise plusieurs objectifs. Il s'agit, d'une part, de produire de l'électricité, avec l'uranium et le plutonium que nous possédons, d'autre part, de pouvoir, le jour venu, consommer le plutonium. En effet, un réacteur à neutrons rapides peut fonctionner selon trois principes. Il peut, tout d'abord, être iso-générateur, c'est-à-dire consommer la quantité de plutonium qu'il régénère. Ceci signifie que le jour où le thésaurus, qui se trouve pour l'instant immobilisé dans les combustibles usés, sera sorti de son lieu de stockage, et entré dans une flotte de réacteurs à neutrons rapides, alors il ne sera plus nécessaire de procéder à des apports de plutonium, car on disposera de la quantité suffisante de plutonium, qui « cyclera » entre les réacteurs, la fabrication du combustible, et, enfin, le retraitement du combustible usé. Un réacteur à neutrons rapide peut également fonctionner en sous-générateur. Il va alors consommer le plutonium. Ce point est important, car le jour où l'on souhaitera arrêter cette filière, il faudra pouvoir détruire ce plutonium, capacité dont dispose un réacteur à neutrons rapide. Un réacteur à neutrons rapides peut, enfin, effectuer la transmutation, s'adressant notamment aux actinides mineurs, dont l'américium, qui présente la particularité, à moyen terme, d'apporter l'effet thermique aux verres. Si l'on transmute cet élément, alors les verres reviennent à un niveau de radioactivité naturelle, après un temps de l'ordre de quatre à cinq siècles, ce qui est très différent des temps de vie des actinides.