Le fonctionnement d'APB génère, par exemple, des modalités non prévues par les textes. Je pense notamment à certains paramétrages académiques sur la réorientation. Jusqu'en 2016, les étudiants en réorientation étaient, ou non, pris en compte dans APB, selon les décisions locales. De même, les règles d'affectation des étudiants dans les communautés d'universités et d'établissements (COMUE), les communautés d'universités et d'établissements, qui couvrent parfois plusieurs académies, ont été générées par la machine elle-même. Ceci concerne aussi les voeux absolus et relatifs. Nous constatons, via les sollicitations et réclamations des usagers, que ceci a créé de nombreuses difficultés, et eu des conséquences non négligeables quant à l'obtention, par les candidats, de telle ou telle filière.
Une autre difficulté, qui perdure, concerne le fait que l'on observe parfois des différences, dans la documentation fournie aux étudiants, entre les guides nationaux et académiques. L'existence d'une production multiple conduit à ce que les présentations ne soient pas exactement homogènes. Nous avons ainsi pointé une grosse différence entre le discours qui environne APB et l'orientation active. Cette dernière se voulait vraiment volontariste, et essayait de guider l'étudiant vers la filière dans laquelle il avait une chance de réussir. Or, le discours environnant l'application APB était, au contraire, très libertaire, et incitait les jeunes à formuler leurs voeux sans contrainte, à n'obéir qu'à leurs désirs. Nous avons ainsi eu le sentiment que le futur bachelier se trouvait, au moment de formuler ses voeux, tiraillé entre ces deux discours.
Un point, très sensible en 2017 alors qu'il avait été tout à fait fluide en 2016, concerne la question des « pastilles vertes ». En 2016, ce système avait vraiment joué son rôle de filet de sécurité. Il consistait, je le rappelle, en une obligation faite aux bacheliers généraux de cocher une des filières, apparaissant en vert dans l'application, d'où le nom de « pastilles vertes ». Ces filières étant réputées ne pas être en tension, l'étudiant avait, en principe, la certitude qu'ayant été refusé ailleurs, il obtiendrait au moins celle-ci. Or, en 2017, les « pastilles vertes » se sont très vite avérées en grande tension, si bien qu'elles ont conduit à de nombreux refus. Nous avons donc reçu beaucoup de réclamations à ce sujet, de gens ayant le sentiment d'avoir été trompés. Je dois dire que, du point de vue du médiateur, ceci nous paraît vraiment nuire à l'image de notre ministère. Une promesse non tenue est toujours très mal acceptée par les familles et les jeunes.
Je terminerai en évoquant quelques propositions. Nous préconisons, par exemple, la suppression de la réponse « non mais », sachant qu'il existait jusqu'alors quatre types de réponse : « oui », « oui mais », « non mais » et « non ». Mais peut-être cette réforme n'est-elle plus à l'ordre du jour ?
Il faudrait également élargir le champ couvert par ces applications. En effet, certains établissements, comme les Instituts d'études politiques (IEP), l'université Paris Dauphine ou les formations de commerce et de management, n'y figurent pas. Parvenir à convaincre les responsables de ces établissements d'intégrer le dispositif APB apporterait, assurément, une réelle amélioration au système.
Il conviendrait aussi, dans le même ordre d'idée, que les inscriptions prononcées dans les établissements ne participant pas à APB soient intégrées, pour libérer des places. Jusqu'en août ou septembre, un certain nombre de places restent ainsi captées, et non mises à disposition des autres candidats.
Par ailleurs, il faut continuer à former les jeunes bacheliers et leurs familles, ainsi que les divers acteurs du dispositif : enseignants, professeurs principaux, etc. Mais il faut aussi associer plus étroitement les utilisateurs, via des comités d'usagers par exemple. Peut-être les comités évoqués par la directrice générale pourraient-ils d'ailleurs répondre à cette préoccupation. De nombreuses applications sont proposées rapidement au public, pour une mise en oeuvre parfois immédiate, sans avoir été suffisamment testées auparavant. Ce n'est alors qu'au moment de l'utilisation finale que l'on s'aperçoit des difficultés. Il faudrait prendre, en amont, le temps d'effectuer les tests nécessaires.
Un autre élément, très important, concerne la prise en compte de la situation des bacheliers handicapés. Certaines académies le font très bien avec, par exemple dans le cas de l'académie de Paris, un comité visant à faciliter l'affectation des futurs étudiants handicapés sur des sites accessibles. Ce n'est malheureusement pas le cas partout. Nous préconisons donc une meilleure prise en compte du handicap.
Enfin, il faudrait éviter, ainsi que cela a été annoncé, de stresser les jeunes pendant les épreuves du bac.
En conclusion, je tiens à souligner le fait que nos deux ministères utilisent beaucoup d'applications algorithmiques. Je pense par exemple à la procédure informatisée Affelnet, qui gère l'affectation dans le second degré. Les mutations des enseignants sont également paramétrées et fondées sur des barèmes. Nous aurions donc beaucoup à dire, au-delà du dispositif APB, de manière plus générale, sur l'ensemble des algorithmes utilisés par les ministères.