Intervention de Hervé Maurey

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 13 décembre 2017 à 9h30
Déplacement à la cop23 — Communication

Photo de Hervé MaureyHervé Maurey, président :

Comme presque tous les ans depuis que la commission a été créée, une délégation de la commission s'est rendue à la COP - ou Conférence des Parties à la Convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique. Cette année, il s'agissait de la COP23, c'est-à-dire de la 23ème réunion de la Conférence des Parties ; la première a eu lieu à Berlin en 1995, quelque temps après le Sommet de la Terre de Rio de 1992 qui avait donné la première définition officielle du développement durable.

Cette COP23 s'est déroulée à Bonn, où se trouve le siège du secrétariat de la Convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique, la CCNUCC, sous la présidence des Iles Fidji.

Nous étions quatre sénateurs de la commission : Jérôme Bignon, Guillaume Gontard, Angèle Préville et moi-même.

Notre déplacement s'est organisé en trois temps : une journée avec des parlementaires du monde entier sous l'égide de l'UIP, l'Union interparlementaire, le 12 novembre ; une journée consacrée à des visites de terrain le 13 ; et une journée sur le site même de la COP le 14 novembre.

Après un compte rendu de ces trois journées, je vais vous livrer quelques éléments de bilan sur la COP23.

La journée parlementaire d'abord. Comme chaque année désormais, l'UIP a organisé une journée de réflexion et d'échanges autour des problématiques de la COP23. Cette fois-ci, cette rencontre s'est faite en lien avec le Parlement des Iles Fidji et le Bundestag allemand. Plus de 50 pays étaient représentés.

Le Premier ministre des Iles Fidji, président de la COP, était présent et a ouvert le débat. Il a eu quelques images fortes, puisées dans la culture de son pays, pour rappeler que gouvernements, politiques, société civile et secteur privé, « nous sommes tous dans le même canoë ». Il a insisté sur les notions de respect et de compréhension dans le processus de négociation. Il a surtout enjoint les parlementaires présents à aller « plus loin, plus vite, ensemble », à rejeter les politiques de court terme et à privilégier les actions de long terme.

Madame Espinosa, secrétaire générale de la CCNUCC était également présente. Elle a fait un point sur l'état des négociations en soulignant le contexte d'urgence, les années 2016 et 2017 étant les plus chaudes jamais enregistrées avec une multiplication des événements extrêmes inédite. Elle s'est félicitée qu'en moins de deux ans 169 pays aient déjà ratifié l'Accord de Paris - un record pour un accord international de cette ampleur - mais le défi maintenant est de le rendre opérationnel. Elle a donc insisté sur la nécessité d'accélérer le processus et de favoriser les actions concrètes.

Après ces propos liminaires, de nombreux débats ont été engagés. Notre délégation en a retenu trois principales conclusions.

La première est l'impatience de plus en plus vive marquée par un certain nombre de pays, en particulier africains. Les parlementaires de ce continent s'étaient d'ailleurs réunis quelques semaines plus tôt pour adopter la Déclaration de Rabat qui formule six recommandations - en réalité six exigences vis-à-vis des pays développés. L'idée générale est que les pays africains subissent de plein fouet les effets du réchauffement climatique alors qu'ils ne sont responsables que de moins de 4% des émissions de gaz à effet de serre. Aussi, ils réclament des financements, des transferts de technologie, des investissements, notamment pour développer les énergies renouvelables et l'agriculture dans leurs pays.

La deuxième conclusion est que d'avancer sur les financements est une priorité forte. Les promesses sur le Fonds Vert, soit 100 milliards de dollars par an dès 2020, sont encore loin d'être remplies. Le sommet One Planet organisé hier par le Président Macron a mis clairement en avant cette priorité. Un certain nombre d'engagements concrets, notamment de la part de financeurs privés, ont été pris à cette occasion.

La troisième conclusion concerne le rôle des législateurs. Chaque année l'UIP fait un point sur les législations prises pour faciliter la transition climatique. Cette année, les experts ont enregistré une très forte progression du nombre de lois, ce qui est évidemment positif. Ils estiment que 80 % des pays ont désormais intégré le climat dans leurs politiques énergétiques et 50 % dans leurs plans de développement national. Les principaux secteurs où des progrès restent aujourd'hui nécessaires sont l'agriculture et la forêt. En tout état de cause, les engagements pris par les différents Gouvernements restent encore insuffisants pour atteindre l'objectif d'une élévation de température inférieure à 2° C d'ici la fin du siècle.

Les efforts doivent donc être poursuivis, ce que traduit parfaitement le document final adopté par l'ensemble des parlementaires présents.

La deuxième journée de notre déplacement était consacrée à des visites de terrain. Nous avons profité de ce séjour en Allemagne pour découvrir des réalisations innovantes dans le domaine du développement durable. Nous avons fait trois visites dans la région de Cologne.

La première était une station d'épuration qui expérimente actuellement le moyen d'éliminer les micro polluants grâce à un système de filtration capable d'éliminer les microparticules issues notamment des produits pharmaceutiques, des cosmétiques, ou des pesticides.

Nous avons ensuite visité un éco-quartier dans lequel vivent environ 500 familles, soit 1 500 personnes. C'est un ensemble d'immeubles d'un maximum de 3-4 étages organisé autour de nombreux espaces verts et de circulation communs. Aucune voiture n'y circule, seulement des vélos. Beaucoup d'équipements sont partagés ou mis à disposition des habitants du quartier. Des dispositifs ingénieux ont été prévus pour rendre la vie dans ce quartier à la fois agréable et fonctionnelle.

Enfin, nous avons été reçus dans une société de transport qui développe des autobus à hydrogène. L'idée de départ était de récupérer l'hydrogène produit par les entreprises chimiques de Cologne et jusque-là, pour l'essentiel, relâché dans l'atmosphère. Les 20 tonnes produites chaque jour par ces usines seraient suffisantes pour faire fonctionner 1 000 bus, alors qu'aujourd'hui ce sont 620 bus qui tournent dans la région de Cologne. Les avantages de l'hydrogène sont multiples : une recharge très rapide, une autonomie d'environ 300 km actuellement, l'absence totale d'émissions de gaz à effet de serre, seulement d'un peu d'eau. Les difficultés actuelles sont essentiellement liées au fait que les grands constructeurs de bus ne se sont pas encore mis à l'hydrogène : nous avons vu un bus expérimental mis au point par une petite société belge ; le leader du marché est canadien. Donc le coût de ces bus est encore élevé. Mais on estime qu'entre 2020 et 2025, le prix d'un bus diesel et d'un bus à hydrogène sera identique. On aura également développé le stockage de l'électricité, par exemple produite par des éoliennes, dans de l'hydrogène, ce qui rendra encore plus attractive cette nouvelle technologie.

La troisième journée a été consacrée à la COP23. Nous avons passé une journée entière sur le site de la COP à Bonn, près du siège de la CCNUCC. Nous y avons vu les différents pavillons nationaux, en particulier le pavillon français.

Parmi les rencontres que nous y avons faites, je voudrais en évoquer deux : la secrétaire d'État Brune Poirson avec laquelle nous avons pu échanger très librement sur les différents sujets d'actualité en matière climatique ; Laurent Fabius, désigné pendant la COP Haut référent des Nations Unies pour la gouvernance environnementale. Il y était venu défendre le projet porté par la France de Pacte mondial pour l'environnement. Il ne nous a pas caché son inquiétude devant l'attentisme des Gouvernements, conséquence malheureuse du retrait américain de l'Accord de Paris.

J'en viens donc au bilan que l'on peut faire de la COP23. Il est hélas assez ténu. Nicolas Hulot a parlé d'un « bilan en demi-teinte ».

Principal acquis : les pays se sont mis d'accord pour revoir leurs engagements dans le courant de l'année 2018 de façon à permettre un bilan collectif des émissions de gaz à effet de serre lors de la COP24. L'idée est que le dialogue autour de ces engagements soit constructif et tourné vers les solutions. Il y a en effet urgence. Je vous rappelle que les engagements actuels des États couvrent à peine un tiers des réductions d'émissions de gaz à effet de serre nécessaires. Et en 2017, les émissions de CO2 liées aux énergies fossiles, responsables de l'essentiel du réchauffement, sont reparties à la hausse, après trois années de stabilité.

Deuxième avancée : les négociateurs ont commencé à mettre en forme les règles de mise en oeuvre de l'accord de Paris prévu pour s'appliquer à partir de 2020. Il s'agit de savoir comment les pays rendront compte de leurs actions, quel sera le suivi de l'aide financière promise par les pays riches, etc. Mais rien n'a encore été tranché sur le fond sur ces différents sujets.

Troisième point positif relevé par de nombreux observateurs : l'implication de plus en plus grande des acteurs extra-gouvernementaux : autorités locales, entreprises, instituts de recherche, associations, etc. Le meilleur exemple était donné par les villes et États américains, venus en nombre, en raison de la défection du gouvernement fédéral. J'en profite pour saluer l'action menée par notre collègue Ronan Dantec dans le cadre du rassemblement Climate Chance.

Pour finir, je dirais que, heureusement, d'autres initiatives, en lien avec la COP, vont permettre de maintenir une forme de mobilisation au cours des prochains mois. Le sommet One planet d'hier en était la première contribution pour essayer d'avancer sur les financements et partager les expériences.

Un sommet de l'action climatique mondiale se tiendra également à San Francisco en septembre autour de villes, de scientifiques, de citoyens, d'entreprises. Il aura lieu à quelques semaines de la sortie d'un nouveau rapport du GIEC probablement négatif sur les tendances actuelles du réchauffement climatique.

Je laisse maintenant la parole aux autres membres de la délégation pour leur permettre d'ajouter quelques commentaires à cette présentation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion