Intervention de Philippe Dallier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 13 décembre 2017 à 9h35
Conférence interparlementaire sur la gouvernance économique et financière de l'union européenne — Compte rendu

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier :

Je me suis rendu à Tallinn, en Estonie, les 30 et 31 octobre derniers pour représenter la commission des finances à la conférence interparlementaire de l'article 13 du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union européenne (TSCG), organisée deux fois par an. L'Estonie, petit pays balte de 1,3 million d'habitants situé en face de la Finlande, exerce en effet la présidence de l'Union européenne durant le second semestre 2017. Pour l'Assemblée nationale, le président, Éric Woerth, et le rapporteur général, Joël Giraud, de la commission des finances étaient présents.

Quatre thèmes étaient à l'ordre du jour de la conférence : l'avenir de l'Union économique et monétaire (UEM), les réformes nationales et les programmes d'assistance financière et d'investissement, la collecte de l'impôt à l'ère numérique et les défis budgétaires de l'Union européenne.

Il y a quelques mois, la présidente de la commission, Michèle André, avait adressé une lettre à son homologue du Parlement estonien responsable de l'organisation de la conférence pour lui faire part des travaux de notre commission sur la fiscalité de l'économie collaborative et de notre souhait de les présenter à l'occasion de la prochaine réunion. Le président de la commission des finances du Riigikogu, le Parlement estonien, a répondu positivement à cette proposition.

J'ai donc eu l'honneur de coprésider la session consacrée à la collecte efficace de l'impôt et d'intervenir devant l'ensemble des participants. Après avoir rapidement évoqué l'état d'avancement des travaux concernant le prélèvement à la source et la complexité de sa mise en oeuvre en France, j'ai présenté les conclusions de notre groupe de travail sur l'économie collaborative.

Si l'Estonie est pionnière en matière de taxation de l'économie numérique, j'ai indiqué à nos collègues parlementaires nationaux et européens que la législation française était également en train d'évoluer sur ce sujet. Après la collecte de la taxe de séjour par la plateforme Airbnb à Paris depuis 2015, l'adoption par le Parlement l'année dernière de la proposition de loi déposée par notre groupe de travail, visant à mettre en place la déclaration automatique des revenus par les plateformes, marque une étape importante. J'ai également insisté sur la nécessité de réformer parallèlement la fiscalité applicable aux revenus déclarés, en exonérant les petits compléments de revenus des particuliers lorsqu'ils ne dépassent pas 3 000 euros par an.

De plus, j'ai évoqué le défi que représente la collecte de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dans le cadre du commerce électronique et l'idée suggérée par le Sénat français d'un paiement à la source de la TVA. Ce sujet a trouvé un assez large écho lors du débat qui a suivi. Un député italien a notamment témoigné du succès de la mise en place du split payment - c'est-à-dire du prélèvement par l'intermédiaire de paiement, au moment de la transaction - et des factures électroniques qui ont permis d'augmenter les recettes de TVA de près de 50 %.

Une représentante de la Commission européenne et le secrétaire général adjoint du ministère des finances estonien sont également intervenus lors de cette session. L'exposé de ce dernier était particulièrement intéressant. Il a présenté les grandes réformes mises en oeuvre en Estonie pour moderniser l'administration fiscale et douanière : grâce au numérique et à la fusion des services, le nombre d'agents est passé de 3 500 à 1 500 entre 2004 et aujourd'hui.

En 2001, le pays est passé de la déclaration papier à la déclaration en ligne sur Internet et, dès 2013, 95 % des déclarations de revenus étaient faites par smartphone. Aujourd'hui, la quasi-totalité des déclarations est faite en un seul clic. Ces réformes ont toutefois été rendues possibles par la simplicité du système fiscal estonien, qui repose essentiellement sur une flat tax de 20 % sur les revenus des particuliers. De plus, le numérique est l'un des principaux leviers de croissance et d'attractivité de ce petit pays.

Pour l'avenir, l'Estonie a pour ambition de mieux collecter et partager les données fiscales, par exemple pour permettre à certaines catégories d'entreprises de comparer l'évolution de leur assiette fiscale.

Elle compte aussi utiliser la blockchain - cette nouvelle technologie de stockage et de transmission d'informations - pour administrer la TVA et les droits d'accise. Ceci permettrait de limiter les fraudes « carrousel » ou autres, même si son utilisation soulève quelques questions de protection des données personnelles.

Enfin, l'Estonie a rappelé son souhait de faire avancer les négociations au niveau européen sur le projet d'assiette commune de l'impôt sur les sociétés (ACIS). Le pays souhaite notamment intégrer la notion d'établissement stable virtuel dans ce texte. À ma connaissance, les négociations n'ont toutefois pas beaucoup progressé sur ce point depuis fin octobre.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion