Je voudrais réfléchir en historien, une fois de plus. Sur le sujet, la comparaison avec l'Empire romain est éclairante, car sa manière de gérer ses marges rappelle les incertitudes de l'Union européenne. Ainsi, il entretenait de très bonnes relations avec des royaumes indépendants qu'il dominait, mais quand les choses tournaient mal, il en faisait des provinces, afin de reprendre en main sa sécurité.
C'est ainsi qu'il a agi avec l'Arménie, alors un petit royaume, quand il a été confronté à la menace des Parthes - issus de l'aire culturelle qui est aujourd'hui l'Iran - sur ses frontières asiatiques. L'Arménie est le point nodal entre l'Orient du nord et l'Orient du sud. Or ce dernier n'est pas apparu dans les propos tenus, alors que les équilibres sont en train de changer, avec l'émergence d'une puissance iranienne, avec les relations complexes entre la Turquie et la Russie. L'Arménie est donc au coeur de plusieurs conflits majeurs.
Je vous rappelle qu'elle a été le premier royaume chrétien du monde occidental, cela reste une référence fondamentale pour les Arméniens.
Aujourd'hui, le pays doit sa sécurité énergétique et militaire à la Russie et, dans une moindre mesure, à l'Iran. Le conflit du Haut-Karabagh, l'an passé, n'a duré que trois jours parce que la Russie a arrêté l'Azerbaïdjan dans son élan. L'Union européenne n'aurait pas pu obtenir cela. Selon moi, la relation de l'Union européenne avec ses marges orientales doit être vécue dans sa globalité et sa composante sud me semble fondamentale.
Malgré les dernières frasques de M. Trump, la réorientation de la politique diplomatique imposée par M. Obama n'est pas remise en question. Pour les États-Unis, le théâtre majeur n'est plus le Proche-Orient, mais l'Asie. L'Europe doit se saisir de cette opportunité, au-delà du conflit syrien, qui l'a paralysée. Certaines des solutions diplomatiques pour les pays dont nous parlons aujourd'hui se jouent sur cette frontière sud.