Intervention de Philippe Pillot

Mission commune d'information sur Alstom — Réunion du 13 décembre 2017 à 17h30
Audition commune avec les organisations syndicales représentées au comité central d'entreprise cce du groupe alstom

Philippe Pillot, représentant de FO :

Je ne retire rien à ce qu'a souligné notre collègue de la CFE-CGC. Nous ne disposons que de très peu d'informations sur cette opération. Une fois de plus, sur la forme, nous sommes mis devant le fait accompli, avec un projet quasiment clef en mains. Peut-on encore être contre un projet et ce, alors que les deux entreprises semblent déjà d'accord pour s'allier, ainsi que les deux Gouvernements, avec le soutien du ministre de l'économie qui a été signataire d'un accord avec Siemens. On nous parle de lutter contre la concurrence du Chinois CRRC. Est-ce bien sérieux ? Je suis bien placé pour le savoir à Ornans, puisque la moitié de notre charge est partie en Chine, dans le cadre d'une joint-venture avec ce fameux ogre chinois. Thalès vient d'ailleurs de signer un accord de principe - « Memorandum of Understanding » - pour concéder à CRRC ses matériaux de signalisation. Est-on contre les Chinois et tentons-nous d'être compétitifs face à eux avec du matériel performant ou, au contraire, leur donnons-nous tous les moyens pour nous battre ? Bombardier et Siemens ont transféré, en leur temps, des technologies aux entreprises chinoises qui viennent aujourd'hui vendre ce matériel sur nos propres terres, en concurrence directe avec nous. Alstom a préféré une autre stratégie avec la mise en oeuvre de partenariats lui permettant de garder la main sur la technologie. Or, celle-ci est facilement copiable et les Chinois n'ont pas de leçon à recevoir de nous dans ce domaine-là. On sort de la vente d'énergie à General Electric où l'on nous a expliqué tout le contraire : Alstom devait être un « pure player », fort de ses qualités. On se rend compte que cinq ans après, le contraire prévaut. D'ailleurs, à l'époque, Siemens avait proposé de reprendre la partie énergie et d'oeuvrer dans la partie transport ; M. Joe Kaeser, président de Siemens, que nous avions alors rencontré, nous avait davantage transmis d'informations qu'aujourd'hui, ce qui est assez curieux.

Concernant les modalités de la fusion, celles-ci sont plus que floues et le ministre de l'économie, qui les a évoquées devant l'Assemblée nationale, ne nous a pas reçus pour en parler. Nous n'avons été reçus que par l'un de ses conseillers. Les informations qui nous ont été transmises, tant par celui-ci que par notre direction, ne nous rassurent guère. Ces engagements semblent exister, mais au final, il est manifeste que Siemens opère une réelle annexion d'Alstom, en détenant plus de 50 % des actions et en disposant de six voix au conseil d'administration, tandis qu'Alstom n'en aura que cinq. Certes, les quatre voix disposant d'un droit de véto ne seront valables que sur un certain nombre de sujets, comme les changements de périmètre et les suppressions d'emplois de plus de cinq cents salariés. Mais une telle perspective laisse ainsi une grande marge à Siemens pour faire ce qu'il entend pendant les quatre ans qui viennent. Nous n'avons pas non plus de réelles garanties avant le closing, c'est à dire au moment où la vente sera effective. Durant cette période, nos collègues d'IG Metall semblent avoir signé un accord pour préserver tant les sites que les emplois en Allemagne et nous essayons d'obtenir la même chose aux niveaux français et européen. Or, il nous est difficile d'obtenir une réponse favorable et nous avons seulement des prétendues assurances que des emplois ne devraient pas être supprimés dans ce contexte de rapprochement. Je ne suis guère certain qu'un tel engagement sera suivi d'effets. Ainsi, plusieurs établissements, comme Valenciennes, éprouvent des difficultés. L'année passée, le site de Belfort est passé tout près du couperet et, d'ici un an ou deux, le site de Reichshoffen pourrait être dans une situation analogue, faute d'avoir renouvelé ses carnets de commandes. En tout cas, le plan de Belfort a permis de reculer l'échéance au moins pendant deux ans. Fin 2018, le problème des charges sur plusieurs de nos sites sera récurrent. Le mariage avec Siemens ne va pas simplifier les choses puisqu'il y aura des redondances et qu'Alstom propose également des produits similaires. Comme nous l'a dit notre président, dès le lendemain du closing, il faudra opérer des choix en répondant aux appels d'offres, ce qui conditionnera l'avenir de nos sites et ainsi l'évolution de nos effectifs. Depuis 2010, nous avons déjà perdu 600 salariés ouvriers qui sont désormais au nombre de 1 500 auxquels s'ajoutent 1 000 intérimaires. Nous avons également perdu 600 agents de maîtrise, techniciens et administratifs pour atteindre environ 2 000 personnes. La population des cadres reste stable suite à l'intégration de certains sites, comme le Petit-Quevilly et la partie signaling de la Défense - provenant de General Electric - et d'Aix-en-Provence qui relevait auparavant d'Areva. Ainsi, l'apparente stabilité des effectifs relève d'une agrégation de petites sociétés à Alstom ; preuve que nos effectifs ne sont pas si stables que cela, ce qui nourrit nos craintes de leur baisse programmée.

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