Merci d'avoir organisé cette mission concernant Alstom et la stratégie industrielle du pays. J'aimerais, en préambule, insister sur trois messages forts : a-t-on un Etat stratège ou non ? Y a-t-il vraiment une volonté de conserver les savoir-faire de la filière ferroviaire qui représente, dans bien des sites, un centenaire d'expérience ? Doit-on considérer que la filière ferroviaire est une réponse importante à la transition énergétique ? Pour reprendre les propos de mon collègue Claude Mandart, je vous dirai que nous avons suffisamment d'éléments pour être inquiets. Notre inquiétude concerne à la fois les salariés d'Alstom et ses sous-traitants. En effet, chaque salarié d'Alstom fait travailler trois salariés des entreprises sous-traitantes, sans compter les salaires indirects. En termes de stratégie industrielle, nous savons que nous allons au-devant de grandes échéances ferroviaires au début des années 2022 : le TGV du futur, le RER nouvelle génération qui a été gagné par le consortium Alstom-Bombardier et dont la production commencera véritablement en 2020, le nouveau marché des trains d'équilibre du territoire (TET) voués à remplacer l'ensemble du parc Corail, les projets d'infrastructures du Grand Paris auxquels s'ajoutent les aménagements des Jeux Olympiques de 2024, ainsi que le renouvellement de l'ensemble des parcs de métros de la RATP. Alstom et ses sites pourront-ils répondre à toutes ces commandes à compter de 2023 ? La réponse est loin d'être assurée. C'est là qu'intervient le dossier Alstom-Siemens qui nous préoccupe. Nous avons rencontré le conseiller du ministre avec lequel nous avons évoqué trois accords en cours : le premier est entre l'Etat et Alstom, le second est entre l'Etat et Siemens - sur lequel nous n'avons, à ce jour, aucune information - et, via le comité de groupe européen, nous avons appris l'existence d'un autre accord, cette fois, entre Siemens et IG Metall, dont la force syndicale est importante en Allemagne. L'accord entre l'Etat et Alstom peut se résumer en deux points : aucune fermeture de site quatre ans après le closing ni aucun départ contraint. Soit, mais replaçons-nous dans la problématique Belfort, dont le site a failli être fermé l'année dernière, faute de commandes suffisantes de motrices de TGV et de fret. Actuellement, 400 personnes travaillent pour les locomotives et le fret, et 100 personnes pour les services. Or, un creux de charge est prévisible à partir de 2020 et l'engagement de l'Etat visait à combler une telle situation pour le site de Belfort. En fait, sur l'ensemble des promesses de l'Etat, seule la commande des 15 TGV a été réellement tenue ; les six TGV italiens étant perdus de vue et les 20 locomotives de secours devant, à l'heure actuelle, faire l'objet d'un appel d'offres. Si l'on arrive à l'échéance de 2020, en pleine fusion entre Siemens et Alstom, il sera toujours possible de mettre en oeuvre un plan de départ volontaire pour 400 personnes qui réalisent le matériel roulant et les motrices. Sur ce point-là, qui me contredira ? Quelle est l'assurance de garder les activités de matériel roulant et de locomotives de fret à Belfort ? Pour l'instant, personne ! Manifestement, les accords actuels - tels que nous les connaissons - ne nous rassurent pas du tout sur l'avenir de la filière ferroviaire comme réponse à la transition écologique.