Intervention de Jean-Louis Profizi

Mission commune d'information sur Alstom — Réunion du 13 décembre 2017 à 17h30
Audition commune avec les organisations syndicales représentées au comité central d'entreprise cce du groupe alstom

Jean-Louis Profizi, représentant de la CFE-CGC :

Je voudrais ensuite vous donner quelques précisions. Le contrat que l'Etat français a signé l'est avec Siemens, qui est appelé à devenir majoritaire, quand bien même Alstom est y associé. Les clauses qu'il contient, pour ce qu'on en sait, sont interprétables, comme en témoignent les différentes interprétations des clauses sociales par le ministère de l'économie et notre direction qui excipe d'une faculté d'adaptation si la conjoncture change. Quel est l'engagement de l'Etat à partir du moment où il a renoncé à entrer au capital ? Certes, le ministère nous a souligné l'existence de la commande publique laquelle n'est, malheureusement, pas strictement engageante. En effet, les négociations peuvent parfois traîner et engendrer un temps d'inertie, qui est généralement de l'ordre de trois ans dans la fabrication, tandis qu'il est de l'ordre de dix-huit mois dans l'ingénierie, ce qui confère plus de souplesse. Mais quels sont les marchés qui concernent réellement les sites français ? Seules les commandes françaises et européennes ; la part d'exportation a baissé à 40 % de notre chiffre d'affaires ! Nos coûts sont désormais considérés comme trop élevés et nous vivons actuellement une sorte de passage à l'étiage. Bien que notre carnet de commandes soit plein pour les quatre années à venir au niveau mondial, tous nos sites en France connaissent une forme de compactage pour que les pertes soient minimales. C'est bien là l'inverse d'un investissement ! Comment demain allons-nous redémarrer et répondre, avec une fabrication française, aux commandes qui arrivent ? En outre, la garantie de la commande nationale n'est pas si forte que cela. Lorsqu'on interroge le ministère, celui nous rétorque qu'en raison de l'endettement de la SNCF, il lui faut acheter le moins cher possible. La réponse de la direction consiste alors à privilégier la fabrication en Pologne, en Chine ou en Inde pour répondre à cette demande ; notre part de fabrication étant ainsi amenée à se réduire. Ce phénomène est déjà constaté et devrait, avec la fusion, s'amplifier, car les termes de l'accord ne sont guère protecteurs, du fait de leur interprétation possible.

Il faut avoir également présents à l'esprit les chiffres de la fusion. S'agissant de la valorisation des deux activités : la mobilité Siemens est valorisée à 61 % du prix tandis l'activité ferroviaire Alstom l'est à hauteur de 39 % ; la différence étant prise sur le capital disponible - le cash flow - d'Alstom qui cède ainsi une partie de la valeur du groupe pour une activité ferroviaire valorisée à 39 % du total. Ce qui vous indique en retour le pouvoir relatif d'Alstom. Si l'on prend le poids des pays français et allemand, 25 % du personnel se trouverait en France contre 40 % en Allemagne. La décision financière est ainsi en Allemagne, le poids du business est ainsi évalué plus fortement Outre-Rhin et les personnels y sont plus nombreux. On peut se dire qu'en termes d'investissements, nous savons innover, mais encore faut-il y consacrer des investissements et filialiser de nouvelles activités pour appeler d'autres investisseurs. Le nouveau groupe ne sera certes pas endetté, mais ne disposera pas de cash en réserve suite à la fusion. Même la R&D fera partie des facteurs de synergie ! Il faudrait une révolution de l'innovation telle que nous pourrions augmenter nos activités dans le digital. Or, Siemens est bien plus implantée que nous dans ce secteur et l'usine du futur - la digital factory - n'est pas associée à cet accord de fusions. Nous serons dépendants du bon vouloir de Siemens pour acquérir de telles technologies.

Nous restons inquiets. Cet accord représente manifestement la meilleure solution pour Siemens. La seule solution alternative de fusion-acquisition française passait par un maintien au capital et impliquait à la fois Bombardier et Thalès ; une telle démarche présentant manifestement une forme d'interdit.

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