Intervention de Emmanuel Capus

Réunion du 19 décembre 2017 à 14h30
Loi de finances pour 2018 et loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 — Discussion en nouvelle lecture d'un projet de loi et d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Emmanuel CapusEmmanuel Capus :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui, à nouveau et conjointement, les projets de loi de programmation des finances publiques pour la période 2018-2022 et de loi de finances pour 2018.

À nouveau, et malheureusement sans surprise, les deux commissions mixtes paritaires n’ont pu se mettre d’accord sur les articles restant en discussion. Ce blocage nous laisse un goût d’occasion manquée.

Dans le cas du projet de loi de finances, nous avions déploré que le Sénat adopte une position de principe et renonce à l’opportunité d’améliorer le texte dans un sens acceptable par la majorité présidentielle. Nous regrettons également que l’Assemblée nationale ait supprimé de bonnes mesures, adoptées par notre assemblée sous les auspices du rapporteur général, telles que le rehaussement du plafond du quotient familial ou les dispositions concernant la fiscalité du numérique.

Nous saluons toutefois l’adoption définitive de certains des amendements que nous avions déposés : ceux relatifs à la fiscalité énergétique ; l’amendement sur les critères de classement en zone de revitalisation rurale, cher à notre collègue Alain Marc ; l’amendement sur l’assurance des installations d’énergie marine renouvelable. Notre groupe a ainsi pleinement contribué à l’élaboration de ce projet de loi de finances.

Nous espérions que cette seconde lecture puisse sauver ce qui pouvait encore l’être et qu’elle soit l’occasion d’un débat plus apaisé. Il semble que tel ne sera pas le cas.

Je ne reviendrai pas sur le projet de loi de finances pour 2018. Il a déjà fait l’objet de nombreux débats et nous a permis d’exposer maintes fois notre position en faveur d’une approche constructive, équilibrée et pragmatique des différentes réformes envisagées.

Nous avons toujours la même exigence aujourd’hui : l’équilibre entre la création de l’IFI, l’instauration de la flat tax et le dégrèvement de la taxe d’habitation est certes imparfait, mais il constitue un compromis politique et économique robuste entre la nécessité de réorienter l’épargne vers notre économie et la restitution de pouvoir d’achat à nos concitoyens. C’est également un équilibre fragile. Le Sénat l’a déjà rompu au détriment des classes populaires et des classes moyennes. Nous n’aurions pu que nous opposer à une nouvelle tentative allant dans ce sens.

La nouvelle version du projet de loi de programmation des finances publiques contient, elle, des nouveautés substantielles.

La Conférence nationale des territoires, enceinte nouvelle qui semble permettre de vraies avancées de fond, a débouché sur deux amendements du Gouvernement.

Si on peut déplorer le caractère précipité et tardif de leur dépôt, ils traduisent néanmoins des discussions de longue haleine qui ont eu lieu ici même au Sénat, à l’Assemblée nationale, entre les associations d’élus et le Gouvernement, et dans le cadre, enfin, de la mission conduite par notre collègue Alain Richard et Dominique Bur.

C’est l’honneur du Premier ministre, Édouard Philippe, que d’avoir su écouter et entendre les différentes parties prenantes pour proposer un mécanisme de contractualisation plus respectueux des réalités locales et des propositions faites par notre assemblée. Je note que M. le rapporteur général vient d’indiquer que des portes avaient été entrouvertes ; c’est tout dire !

Nous pensons que plusieurs décisions vont dans le bon sens. Par exemple, les nouvelles marges de souplesse autour du taux d’évolution standard des dépenses de fonctionnement constituent incontestablement un instrument de flexibilité bienvenu.

Le « bonus » accordé aux collectivités respectant les objectifs fixés, sous forme de bonification des dotations d’investissement, constitue une incitation à la vertu et rompt avec la logique essentiellement punitive du précédent texte.

L’abandon de la « règle d’or renforcée » contenue dans la première version du projet de loi de programmation, qui prévoyait le déclenchement d’une procédure de surveillance des collectivités dont le rapport entre l’encours de dette et l’épargne brute dépassait les onze à treize ans, est quant à elle une mesure de bon sens, plus favorable à l’investissement.

La meilleure prise en compte, enfin, de la structure des dépenses des départements pour tenir compte de leur dynamique particulière semble constituer une reconnaissance opportune des spécificités propres aux différents niveaux de collectivités.

Tous ces éléments sont le fruit d’une méthode de gouvernement qui nous convient : concertation, analyse et action résolue.

Néanmoins, nous croyons que la logique consistant à faire peser lourdement l’effort de maîtrise de la dépense publique sur les collectivités locales manque son but. D’une part, elle méconnaît la dynamique de la dépense et de l’endettement, qui est d’autant plus problématique au niveau de l’État et des organismes de sécurité sociale. D’autre part, elle masque le fait que les efforts inscrits dans cette loi de programmation sont globalement insuffisants pour combler notre retard sur les autres pays de la zone euro, et en particulier sur l’Allemagne.

Cela ne signifie pas que les collectivités doivent être exemptées de l’effort national d’assainissement des finances publiques. Elles doivent prendre leur juste part, et elles en ont conscience.

Cela signifie qu’il ne faut pas se tromper de combat et que d’autres priorités devraient figurer, monsieur le secrétaire d’État, en haut de votre agenda. Je veux parler de la baisse des effectifs dans la fonction publique, de l’effort structurel en dépense, trop faible pour réduire durablement le déficit public, et, enfin, du désendettement de l’État, qui devrait, lui, faire l’objet des fameuses « règles d’or renforcées » !

Ces deux textes constituent donc un premier pas en direction du nouveau monde de sincérité et de responsabilité qu’on nous a promis. Néanmoins, ils prouvent également que ce nouveau monde ne se décrète pas : il se construira patiemment, résolument, à force de courage et dans l’action.

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