Intervention de Yvon Collin

Réunion du 19 décembre 2017 à 14h30
Loi de finances pour 2018 et loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 — Discussion en nouvelle lecture d'un projet de loi et d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, autant le dire d’emblée : je regrette que les commissions mixtes paritaires ne soient pas parvenues à établir des versions communes du projet de loi de finances et du projet de loi de programmation.

Cette année, le Sénat, comme d’habitude, a pourtant consacré beaucoup de temps et d’efforts à l’examen du budget. Il a pleinement exercé, comme d’habitude, sa fonction de législateur. L’absence d’accord avec l’Assemblée nationale empêchera, malheureusement, qu’une grande partie de ce travail trouve une juste concrétisation.

Vendredi, les députés ont rétabli leurs versions des projets de loi et supprimé la plupart des modifications apportées par la Haute Assemblée, notamment celles adoptées sur l’initiative de mon groupe.

Environ 60 articles restent en discussion dans le projet de loi de finances et 30 articles dans le projet de loi de programmation. Si quelques rares mesures ont dès le début fait consensus, comme la réduction du taux d’impôt sur les sociétés, aucun accord n’a été trouvé sur les mesures les plus emblématiques, qui sont aussi celles auxquelles nos concitoyens sont particulièrement sensibles : dégrèvement de la taxe d’habitation, flat tax, impôt sur la fortune immobilière, contractualisation, etc. Sur des sujets moins médiatiques, comme la compensation de la taxe professionnelle, les agences de l’eau ou les réseaux consulaires, il n’y a pas eu davantage d’accords.

La majorité sénatoriale, il faut le reconnaître, porte sa part de responsabilité dans cet échec. En rejetant les missions « Sécurités », « Justice », « Immigration, asile et intégration », « Travail et emploi », « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » – des missions au cœur de la puissance publique –, elle s’est elle-même privée de proposer un véritable budget alternatif et responsable. Je le regrette très profondément.

Pour ce qui concerne les grandeurs macroéconomiques, le déficit public s’établirait l’an prochain à 2, 8 % du PIB, contre 2, 9 % attendus cette année. La trajectoire à l’horizon 2022 prévoit une poursuite de la baisse, concentrée toutefois sur la fin du quinquennat, avec une remontée en 2019, du fait de latransformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, en baisse de charges. Cette évolution globalement positive, quoique modeste dans son ambition, reste tributaire des évolutions de la conjoncture et de chocs contentieux, comme l’invalidation de la taxe additionnelle sur les dividendes.

Les réformes de la taxe d’habitation et de l’impôt sur la fortune auront concentré l’attention des médias. Le dégrèvement de la taxe d’habitation continue de susciter une vive opposition chez les élus locaux, car elle questionne, légitimement, l’autonomie financière des collectivités. Elle crée aussi une différence de traitement entre les 80 % des contribuables exonérés et les 20 % restants. En outre, la réforme ne résout pas vraiment le problème des bases, qui servent toujours au calcul des taxes foncières. À quand une vraie remise à plat du système fiscal local ? Enfin, la question des compensations reste en suspens.

La suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, remplacé par la seule imposition du patrimoine immobilier, est l’une des mesures les plus clivantes du texte. Son coût n’est pas négligeable, puisqu’il s’élèverait à quelque 4 milliards d’euros dès l’an prochain.

La transformation de l’ISF en IFI doit créer un choc d’attractivité. Il est vrai que si les paradis fiscaux ont fait beaucoup parler d’eux dernièrement, à juste titre, la France véhicule aussi – il faut le reconnaître – l’image d’un pays tributaire d’un système fiscal lourd et complexe. Le radical de cœur que je suis, attaché à la dimension citoyenne de l’impôt, ne peut que se désoler de cette situation. Toutefois, le Gouvernement devrait être plus soucieux de stabilité fiscale.

Concernant la programmation pour 2018-2022, les principales mesures, à savoir les articles 10 et 24, sont toujours en discussion. En première lecture, le Sénat avait pourtant apporté des précisions utiles au principe de contractualisation. Il avait notamment donné des garanties aux collectivités en imposant des engagements financiers de la part de l’État. La règle d’or « renforcée » avait été supprimée, car jugée injustifiée alors que l’endettement des collectivités territoriales ne représente qu’une faible partie de l’endettement public.

Ce matin, la commission des finances, dans son immense sagesse, a partiellement rétabli son texte de première lecture. Nous réexaminerons tout à l’heure ce projet de loi, auquel le RDSE est favorable, en espérant trouver davantage de points d’accord avec l’Assemblée nationale.

Néanmoins, je veux saluer les aspects indéniablement positifs du projet de loi de finances, tels que le maintien et même la légère augmentation des dotations aux collectivités, qui contrastent avec l’austérité du quinquennat précédent, les progrès introduits dans l’imposition des plateformes internet et des entreprises du numérique, mais aussi la poursuite du soutien à l’investissement public local…

Sur le projet de loi de finances, la commission a choisi de présenter une motion tendant à opposer la question préalable. Le RDSE est opposé par principe à ce dispositif qui interrompt le débat parlementaire. C’est pourquoi nous voterons contre cette motion, comme nous le faisons toujours.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion