Je regrette qu’il revienne à l’Assemblée nationale de trancher ce débat.
Il y a une légère contradiction entre la volonté affichée de réduire davantage les déficits et la crédibilité des pistes d’économies du côté de la majorité sénatoriale.
Par piste d’économies, je n’entends pas les milliards d’euros de réduction du fait du rejet de cinq budgets, mais des propositions de maîtrise plus solides et surtout plus plausibles. Nous n’approuvons pas cette politique du rabot qui n’a pas fait ses preuves dans le passé, qui a d’ailleurs été une des limites de la révision générale des politiques publiques et qui, je le crois, peut même nourrir la défiance de nos concitoyens – au même titre que l’excès de dépense publique est de nature, elle aussi, à faire naître le scepticisme, car la qualité de certains services publics n’est pas à la hauteur des attentes, et ce non par absence de ressources, mais parce que leur gestion pourrait être plus efficace.
La confiance ne se décrète pas, mes chers collègues, mais elle peut néanmoins être encouragée par certains choix politiques. La Conférence nationale des territoires, qui s’est tenue jeudi dernier à Cahors, en est une illustration. Elle mérite que l’on s’y attarde un peu, en particulier au sein de notre assemblée, parce que ses conclusions ont modifié l’autre texte, celui relatif à la trajectoire des finances publiques.
Les relations financières entre l’État et les collectivités territoriales ont besoin d’être rénovées. Encore une fois, il aurait été plus facile d’annoncer une baisse aride et injuste des dotations pour 2018, 2019 et 2020. Une partie de notre assemblée fait mine d’avoir oublié la période dont nous sortons à peine. Le Gouvernement a préféré dialoguer et contractualiser la maîtrise des dépenses de fonctionnement pour les 340 collectivités dont le budget excède 60 millions d’euros.
Qu’il me soit permis ici de saluer le remarquable travail mené par notre collègue Alain Richard et le préfet Dominique Bur à la demande du Premier ministre, dans un délai contraint et sur un sujet aussi délicat. Concrètement, 99 % des collectivités ne sont pas concernées par cette contractualisation. Plutôt que de pousser avec retard des cris d’orfraie, alors que les coupes aveugles dans les dotations se sont arrêtées, soyons collectivement au rendez-vous de ce nouveau pacte financier.
La contractualisation qui devra intervenir au premier semestre 2018 reposera sur un objectif contraignant de maîtrise des dépenses de fonctionnement – les fameux 1, 2 % refusés ici –, objectif qui pourra être adapté en fonction de la situation de la collectivité et sur deux objectifs indicatifs, à savoir l’évolution du besoin de financement et la trajectoire de désendettement.
La confiance n’exclut pas le contrôle : cela ne me choque pas qu’une collectivité ne respectant pas sa trajectoire de maîtrise de dépenses se voie opposer un mécanisme de correction. Très concrètement, la collectivité se verrait appliquer une reprise financière de 75 % du dépassement, dans la limite de 2 % des recettes réelles de fonctionnement. Il faut noter que pour les collectivités refusant d’entrée de jeu de contractualiser avec l’État, la reprise financière s’élèverait à 100 % du dépassement, ce qui constitue une incitation persuasive.
Que l’on puisse critiquer tel ou tel aspect du dispositif retenu, je le conçois, c’est le jeu. Mais on ne peut pas mégoter ou chipoter chaque fois qu’une proposition est sur la table, sauf à tenir un double discours qui consiste, en réalité, à s’opposer à toute forme encadrée de maîtrise de la dépense locale.
Le dialogue continue, il porte et portera encore ses fruits. Par exemple, les préoccupations des départements en matière d’allocations individuelles de solidarité ont été entendues par le Gouvernement, et c’est pourquoi une partie des dépenses de solidarité seront exclues de l’objectif de 1, 2 % d’évolution des dépenses. Dominique Bussereau, qui n’est pas éloigné de la majorité sénatoriale, a salué cette évolution.
L’État a bien conscience que la situation financière de certains départements doit être assainie. C’est pourquoi le collectif budgétaire prévoit un fonds exceptionnel de 100 millions d’euros.
L’Assemblée des communautés de France, présidée par Jean-Luc Rigaut, lui aussi peu éloigné de vos travées, a appelé ses membres à contractualiser avec l’État.
Pour les régions, Hervé Morin est revenu à la table des négociations et a estimé qu’il y avait désormais une base de discussion acceptable entre l’État et les régions.
Jean-Luc Moudenc, qui me semble avoir l’étiquette Les Républicains et qui préside France Urbaine, s’est montré favorable aux annonces de Cahors.
Alors oui, une partie de l’Association des maires de France est déjà en campagne municipale, en tout cas certains de ses dirigeants historiques. D’autres sont plus constructifs, comme en atteste la mission sur l’évolution de la fonction publique territoriale que vous aviez confiée, monsieur le secrétaire d’État, à Philippe Laurent.
Le Premier ministre n’a pas parlé que de froideur comptable dans le hangar glacial de Cahors, mais aussi de projets ambitieux : un nouvel élan pour améliorer l’accès à internet pour nos territoires ruraux, un assouplissement du calendrier de transfert de la compétence eau, un plan de 5 milliards d’euros pour revitaliser le centre des villes moyennes, ou encore l’encouragement à l’expérimentation au niveau local. Ces textes rendent possible une vraie décentralisation, que nous appelons de nos vœux. Reconnaissons que nous avons plutôt assisté au cours de la dernière décennie à un long entracte.
La République a rendez-vous avec ses territoires, comme nous le verrons en 2018. Ce projet en pose les premières pierres. En cohérence avec ses votes passés et afin de soutenir ce pacte financier, La République En Marche ne votera pas le texte tel qu’amendé par le Sénat, mais la version originale.