Intervention de Philippe Dallier

Réunion du 19 décembre 2017 à 14h30
Loi de finances pour 2018 et loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 — Discussion en nouvelle lecture d'un projet de loi et d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier :

… et c’est bien là que les choses se compliquent, réduire fortement notre déficit public, afin d’enrayer la spirale infernale d’une dette qui ne cesse d’augmenter et nous menace toujours comme une épée de Damoclès.

Pour baisser les impôts et les charges pesant sur les entreprises et les particuliers tout en diminuant le déficit public, afin de réduire la dette, il n’y a pas d’autre moyen que d’engager des réformes structurelles, seules à même de faire baisser les dépenses de l’État.

Ces réformes, où se trouvent-elles dans ce projet de loi de finances ? Malheureusement, nous n’en voyons pas ! Mais peut-être le Gouvernement espère-t-il que, l’an prochain, une conjoncture meilleure que celle qui est anticipée dans ce PLF permettra de limiter la hausse du déficit ? Ce serait un pari risqué.

Nous ne considérons pas que la dépense publique soit, par nature, toujours trop élevée, mais, à l’évidence, nous ne pouvons plus la financer par l’emprunt ou par l’impôt.

Nous le savons, revenir à l’équilibre des comptes publics demandera des efforts importants. Cependant, l’Allemagne l’a fait : pourquoi en serions-nous incapables ?

Malheureusement, l’effort est reporté en fin de quinquennat et les mesures annoncées sont toujours aussi faiblement documentées.

C’est pourquoi nous avions proposé des mesures importantes d’économies dès l’an prochain. Or rien n’a été retenu par l’Assemblée nationale. Après une commission mixte paritaire écourtée, nous avons assisté à un détricotage en règle, par les députés de La République En Marche, de l’ensemble des mesures adoptées par le Sénat, qui a eu manifestement le grand tort de ne pas s’aligner sur la ligne imposée par l’exécutif.

Où est donc ce « nouveau monde » dont l’émergence a été claironnée, à grand renfort de communication, où est cet esprit « constructif » quand la majorité présidentielle supprime méticuleusement toutes les mesures adoptées par l’autre chambre, y compris celles qui l’ont été à la quasi-unanimité ?

Je pense par exemple aux mesures relatives à l’économie collaborative, qui est ici un sujet consensuel. Même notre article visant à lutter contre la fraude à la TVA sur les plateformes en ligne a été supprimé, alors qu’il avait été adopté à l’unanimité, y compris donc par les sénateurs de La République En Marche, avec un avis de sagesse du Gouvernement ! C’est à n’y rien comprendre !

Nous avons bien compris que les députés de La République En Marche avaient très peu de marge de manœuvre. Le Sénat est-il donc également considéré comme une simple chambre d’enregistrement ?

En fait, les seules économies, dans ce budget pour 2018, viennent de la suppression d’un trait de plume de plusieurs dizaines de milliers de contrats aidés, ainsi que de la réduction des aides personnalisées au logement, les APL, à hauteur de 1, 9 milliard d’euros, dont 400 millions d’euros du fait de la baisse de 5 euros pour tous décidée l’été dernier et 1, 5 milliard d’euros pris en fait dans la poche des bailleurs sociaux par le biais de la diminution des loyers – quoi de plus facile…

Comment ne pas constater également que la rédaction de l’article 52 adoptée en seconde lecture à l’Assemblée nationale ne tient aucun compte des débats du Sénat, non plus que de l’évolution – certes tardive – des positions du monde HLM, notamment celles des offices ?

Le seul apport du Sénat aura donc été de transcrire le recours à une augmentation de la TVA à hauteur de 700 millions d’euros, ce que l’Assemblée nationale n’avait pas eu le temps de faire, puisque l’idée avait été avancée lors de l’examen en première lecture de la seconde partie du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale.

Tout le reste, tout le temps passé ici à débattre par nos collègues siégeant sur toutes les travées, n’aura donc servi à rien.

Quant au seul point sur lequel nous avions cru pouvoir obtenir satisfaction avec une quasi-certitude, parole de ministre à l’appui –Jacques Mézard était au banc du Gouvernement –, à savoir la préservation de l’APL accession, il est passé à la trappe comme le reste de nos propositions. Et comment ne pas pointer le ridicule de la mesure qui a finalement été retenue par l’Assemblée nationale ? L’APL accession est en fait maintenue, pour deux ans seulement, mais en zone III, c’est-à-dire en zone détendue, seulement dans l’ancien et pour les seuls allocataires de l’APL, les allocataires de l’allocation de logement familiale et de l’allocation de logement sociale étant exclus de son bénéfice. Avec ces critères, savez-vous, mes chers collègues, combien de ménages bénéficieront désormais de l’APL accession ? L’équivalent de moins de 5 % de ceux qui y étaient précédemment éligibles ! Si ce n’est pas là une simple mesure d’affichage et de communication, alors qu’est-ce ?

Comment ne pas pointer l’incohérence de vos décisions en matière de logement ?

Vous allez ponctionner, par la baisse des loyers, de 1, 7 milliard à 1, 9 milliard d’euros sur les bailleurs sociaux ; on ne sait d’ailleurs pas très bien quel est le montant exact, faute d’évaluation précise, certains bailleurs parlant même de plus de 2 milliards d’euros, car il y aura un effet d’aubaine pour certains locataires, qui verront leur loyer baisser alors qu’ils ne sont pas allocataires de l’APL. De l’autre côté, vous incitez ces mêmes bailleurs à vendre 40 000 logements par an pour retrouver des fonds propres, puisque vous leur en retirez, et vous supprimez l’APL accession. Voilà une vraie politique de gribouille sur un sujet pourtant essentiel pour notre économie et pour les Français !

Pour toutes ces raisons, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous ne voyons pas l’intérêt de poursuivre l’examen de ce projet de loi de finances pour 2018. Le groupe Les Républicains soutiendra donc la proposition de notre commission des finances d’opposer la question préalable à ce texte.

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