Intervention de Arnaud Bazin

Réunion du 19 décembre 2017 à 14h30
Loi de finances pour 2018 et loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 — Discussion en nouvelle lecture d'un projet de loi et d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Arnaud BazinArnaud Bazin :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi de programmation des finances publiques a été très substantiellement modifié en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, au lendemain de la Conférence nationale des territoires, qui s’est tenue le 14 décembre dernier. La contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales a été précisée.

En première lecture, toutes les demandes de précision étaient renvoyées par le Gouvernement à la Conférence nationale des territoires, au cours de laquelle une concertation avec les élus locaux devait avoir lieu.

En réalité, l’amendement du Gouvernement était déjà rédigé pour la nouvelle lecture prévue le lendemain même à l’Assemblée nationale. Les marges de manœuvre de la Conférence nationale des territoires étaient par conséquent très limitées, et la tenue de cette conférence s’est apparentée de facto à une opération de communication du Premier ministre, laissant à penser que les élus gardaient tout de même la main. Il s’est agi en réalité d’un écran de fumée, ce qui a conduit l’Association des maires de France à refuser d’y participer, aucun « pacte de confiance » n’étant, selon elle, aujourd’hui envisageable.

Dans ces conditions, nous pouvons nous interroger sur une méthode qui consiste à introduire en nouvelle lecture un amendement de six pages, au contenu largement normatif, alors que les lois de programmation sont censées être indicatives…

Une nouvelle fois, avec Emmanuel Macron, nous sommes dans le marketing politique : il s’agit de vendre son produit en deux fois en faisant croire à une concertation, alors que le détail de la contractualisation, qui était déjà dans les cartons du Gouvernement, aurait pu figurer dans le texte initial, être débattu dès la première lecture, puis amendé au cours de la navette. Peut-être un compromis aurait-il même pu alors être trouvé en commission mixte paritaire, dans un esprit constructif.

Les marges de manœuvre en nouvelle lecture, avec un texte profondément remanié par des amendements gouvernementaux, sont désormais plus réduites.

Il apparaît ainsi inédit et incongru, pour ne pas dire abscons, que la commission mixte paritaire sur le projet de loi de programmation ait échoué, au motif notamment que le texte serait détaillé et un compromis peut-être trouvé le lendemain, lors d’une réunion extérieure au Parlement.

À l’issue de la Conférence nationale des territoires, la nouvelle mouture du projet de loi de programmation présentée par le Gouvernement reprend certaines propositions du Sénat. Cependant, beaucoup de points essentiels demeurent insatisfaisants.

Les collectivités contractantes devront réduire leurs dépenses de 13 milliards d’euros durant le quinquennat, soit un effort supérieur à celui de 11 milliards d’euros imposé durant la présidence de François Hollande. Certes, cet effort sera réalisé dans le cadre d’une contractualisation proposée par l’État, mais son caractère léonin rétablit de fait une tutelle sur les collectivités territoriales. Si le contrat imposé par l’État n’est pas respecté, une reprise financière sera opérée, et si la collectivité refuse de signer le contrat, la sanction sera plus lourde encore.

L’objectif d’évolution des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales retenu par le Gouvernement afin de réaliser 13 milliards d’euros d’économies sur cinq ans est donc de 1, 2 % par an en valeur, comme dans le texte initial. La modification apportée par le Sénat et les observations de sa commission des finances n’ont pas été retenues : le taux de 1, 2 % était fixé par rapport à une évolution tendancielle des dépenses des collectivités sous-estimée ; en réalité, la trajectoire prévue par le projet de loi de programmation représente un effort, pour les collectivités territoriales, de l’ordre de 21 milliards d’euros, et non de 13 milliards d’euros.

L’objectif d’une baisse de 13 milliards d’euros des dépenses des collectivités territoriales sur le fondement d’hypothèses d’évolution tendancielle de la dépense locale plus sincères avait conduit la commission des finances du Sénat à fixer l’objectif d’évolution des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales à 1, 9 % par an, au lieu de 1, 2 %. Nous regrettons que ce taux n’ait pas été retenu.

Le taux de 1, 2 % pourra être revu à la baisse ou à la hausse pour chaque collectivité territoriale qui contractualise, en fonction de trois critères.

Si la prise en compte dans ces critères de la démographie et des efforts déjà réalisés avait été proposée par le Sénat, celle des nouvelles normes imposées par l’État n’a pas été retenue, ce qui était pourtant essentiel.

Concernant les départements, le Gouvernement a repris la proposition du Sénat de déduire les allocations individuelles de solidarité, dont l’évolution n’est pas contrôlable par les conseils départementaux, de l’évaluation de l’évolution de leurs dépenses de fonctionnement. Mais les dépenses liées à la prise en charge des mineurs étrangers non accompagnés, dont le coût est croissant, ne sont pas prises en compte, ce que nous regrettons vivement.

Nous regrettons également que la sanction financière en cas de non-respect du contrat soit particulièrement lourde, avec une reprise financière de 75 %, et même de 100 % pour les collectivités territoriales concernées par la contractualisation qui auront refusé de signer ! Cela s’apparente à une baisse des dotations déguisée.

Nous regrettons également que le dispositif du bonus soit très peu détaillé. Il est juste précisé que, en cas de respect des objectifs contractuels, le préfet pourra accorder aux communes et EPCI signataires « une majoration du taux de subvention pour les opérations bénéficiant de la dotation de soutien à l’investissement local ». Mais il s’agit d’une simple possibilité. Un contrat est pourtant censé engager les deux parties. De surcroît, le flou est total quant au pourcentage de majoration. En outre, monsieur le secrétaire d’État, quid des départements et des régions ?

Nous nous félicitons toutefois de la prise en compte de la suppression par le Sénat de la « règle d’or renforcée », à savoir le contrôle de la capacité de désendettement des collectivités territoriales : cet objectif est désormais incitatif et non plus contraignant. Cette nouvelle règle prudentielle fondée sur la capacité de désendettement faisait en effet peser le risque d’une véritable tutelle de l’État sur le recours à l’emprunt, avec des conséquences réelles sur l’investissement local.

Comme vous pouvez le constater, mes chers collègues, ce texte qui nous revient de l’Assemblée nationale comporte encore trop d’éléments insatisfaisants. C’est la raison pour laquelle le groupe Les Républicains soutiendra et votera les amendements présentés par notre commission des finances, dont l’adoption permettra d’assurer un meilleur équilibre entre responsabilité et liberté des collectivités territoriales.

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