Je vous remercie de vos appréciations du rapport et de vos questions.
Madame Robert, vous m'avez interrogé sur le rôle des collectivités territoriales que j'évoque dans le rapport. Au-delà du secteur de la musique, les collectivités territoriales sont un élément central pour toutes les politiques que conduit le ministère aujourd'hui. Comme vous le savez, soixante-quinze opérateurs portent les politiques du ministère dans le domaine de la culture. Il me semble essentiel de rappeler à chacun de ces établissements qu'ils portent une mission nationale. Il est très important, dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, de mutualiser autant que possible nos forces. Le CNV a déjà engagé ce processus, en signant un premier partenariat avec la région Nouvelle-Aquitaine, et il importe que cette nouvelle maison de la musique suive une démarche analogue également avec les opérateurs.
La concentration est une question qui se pose très clairement à la filière de deux façons. D'une part, elle concerne les usages. Les jeunes écoutent désormais principalement la musique par le biais des plateformes de streaming. Quand bien même ces plateformes comportent une offre extrêmement diverse, le fonctionnement des algorithmes menace la préservation de la diversité. D'autre part, un risque de concentration de la programmation est également possible pour le spectacle vivant. Les collectivités qui font face à d'importantes tensions budgétaires n'ont souvent d'autres choix que de confier des délégations de service public à de grands opérateurs, renforçant le phénomène. Gardons toutefois un regard équilibré sur cette question. Les grands groupes investissent également sur de jeunes artistes et contribuent ainsi à promouvoir l'émergence de succès populaires.
Ce risque de concentration nous conduit à insister sur l'importance des aides sélectives par rapport aux aides automatiques. Aujourd'hui, les deux tiers des produits de la taxe parafiscale sont redistribués sous la forme d'un droit de tirage automatique, conférant aux acteurs les plus importants du marché la part la plus élevée. Les gros acteurs peuvent également émarger sur les aides sélectives. Il nous faudra veiller à ce que les aides sélectives retrouvent une part plus importante et viennent à l'appui de la diversité.
Le Burex préfigure, à lui seul, le fonctionnement de la maison commune de la musique, puisqu'il vient déjà en aide aux différents acteurs et esthétiques. Cet argument pourrait plaider pour l'inclure dans le nouvel établissement. Dans le secteur du cinéma, le soutien à l'exportation relève d'Unifrance, qui est une structure autonome liée au CNC par un conventionnement. Les aides à Unifrance transitent par le CNC qui dispose ainsi d'un droit de regard. Il pourrait s'agir d'un autre modèle. Cette question devra être tranchée par la ministre de la culture. Je serais plutôt d'avis de laisser le Burex en périphérie, avec un lien très fort avec le futur établissement et trouverais normal que les crédits qui lui sont destinés transitent par la maison commune. Je trouverais également naturel et très souhaitable que le Burex soit installé dans les locaux de cette dernière, avant que d'envisager, le cas échéant, son intégration. Inutile de nous épuiser dans des querelles sur des sujets de petite administration et de logistique, au détriment de la réalisation de l'objectif qu'on s'est fixé. Naturellement, les deux administrations ont vocation à collaborer.
J'évoque la TOCE dans le rapport. Il est vrai qu'elle a été instaurée pour financer des activités et que l'essentiel de son produit retombe dans le budget général de l'État. Ce ne serait pas illogique que ce financement puisse retrouver sa vocation d'origine et alimenter cet établissement pour partie.
Je n'ai pas évoqué dans ma présentation liminaire les questions pédagogiques Je propose que le futur établissement prenne en charge cette mission, qui comporterait deux volets, le premier consacré à la formation professionnelle et à l'accompagnement des professionnels et le second concernerait l'éducation artistique. Ce point me conduit à évoquer les SPRD dont certaines ont exprimé le souhait de participer à des projets sur ce terrain. Vous avez évoqué la SACEM, très en pointe sur ces sujets, et l'idée d'avoir un partenariat avec cet opérateur pour construire des initiatives nouvelles en matière d'éducation artistique me paraît judicieuse. Il faut être attentif à ce que leur participation à ce type d'activités relève du volontariat car le statut de ces acteurs ne permet pas de les contraindre. Je pense qu'une fois créée cette maison commune, des collaborations pourront se développer sans difficulté.
J'évoque, à plusieurs reprises, la question majeure du partage de la valeur qui représente un argument supplémentaire en faveur de la création de cette nouvelle structure. Nombre de débats qui vont toucher la filière dépassent le simple cadre national : ils sont européens et transnationaux. Si la filière nationale y participe en ordre dispersé, elle ne progressera pas ! Le cinéma parvient à se défendre, grâce à son organisation. Il faut que la filière se rassemble pour instaurer un rapport de forces qui lui soit utile. Aujourd'hui, la rémunération est déséquilibrée, mais les plateformes de streaming n'ont pas encore atteint leur seuil de rentabilité, malgré les flux très importants qu'elles génèrent. Le déséquilibre de la rémunération est manifestement un enjeu majeur. Certes, il a été en partie traité avec les accords Schwartz conclus, il y a deux ans, à l'issue de la mission de médiation conduite par l'actuel directeur de cabinet de la ministre de la culture. Un médiateur de la musique se penche également sur cette question, qui demeure centrale.
Mes premières recommandations portent sur l'État dont il importe de réaffirmer le rôle central et prescripteur. Il faut également redonner, au sein de ce futur établissement public, la place qui incombe à l'État, précisément pour qu'il y soit le garant de l'intérêt général. J'en fais une condition sine qua non de ce projet.
Sur la taxe YouTube, on évoque des montants modestes, au regard du chiffre d'affaires collecté par cette plateforme ou par rapport à celles qu'acquittent les diffuseurs dans le secteur audiovisuel. Sur le plan juridique, YouTube ne serait pas en mesure de remettre en cause l'ensemble des contrats concernés. En outre, cette plateforme, n'étant pas considérée comme un diffuseur, ne paie pas de droits d'auteur. Enfin, l'obtention de cette recette représenterait, pour la filière, un élément de sécurité dans la durée, afin d'éviter que les acteurs demeurent solitaires dans leur négociation avec d'autres acteurs beaucoup plus puissants.
Les artistes nous ont indiqué que le numérique représentait une extraordinaire opportunité pour rencontrer un succès rapide et immédiat, tout en risquant de disparaître de la circulation du jour au lendemain. Certains artistes confirmés ne gagnent plus leur vie du fait de cette réversibilité propre au numérique à l'inverse du monde du disque physique, où les maisons de production signaient des artistes dans la durée, à l'instar de Johnny Hallyday ou de Charles Aznavour. De tels modèles n'ont désormais plus cours ; ce qui motive la question de la construction et de l'accompagnement des carrières pour l'ensemble des artistes que nous avons auditionnés.
En outre, si je devais définir la politique de la musique, l'éducation en serait la mission centrale pour l'État. Le ministre de l'éducation nationale manifeste un grand intérêt pour ces questions. Tout reste cependant à faire dans ce secteur !
Enfin, nous n'évoquons pas le fonds d'urgence qui a été instauré après le drame du Bataclan et a été confié en gestion au CNV. Ce fonds a bénéficié automatiquement aux adhérents du CNV de façon prépondérante et au détriment de nombreux autres acteurs qui sont dans la sphère publique et n'en sont pas membres. Cette réalité, qui a conduit le ministère à bâtir des systèmes spécifiques pour les acteurs publics, souligne, en retour, l'importance d'une maison commune couvrant l'ensemble du spectre. Il faut construire un système homogène.