Nous avons besoin de la Turquie dans la lutte contre le terrorisme et nous nous appuyons donc sur elle. Quels que soient les défauts et les dérives de ce régime - les négociations d'adhésion sont d'ailleurs au point mort de ce fait -, c'est un partenaire stratégique essentiel. Même au sein de l'Union, certains États - la Hongrie et, dans une moindre mesure, la Bulgarie - sont sensibles aux sirènes russes, tandis que les États baltes et la Pologne sont extraordinairement hostiles à la Russie, au point de compliquer le dialogue nécessaire avec ce partenaire. Nous sommes quant à nous vigilants vis-à-vis de la Russie, nous n'avons pas de naïveté sur ses visées et souhaitons tenir le cap sur les sanctions en l'absence de progrès attestés sur le conflit ukrainien, mais il nous faut préserver le dialogue.
Je mets en avant le risque de négociations séparées sur le Brexit, car la tentation existe. Ce fut le cas dès la fin de la première phase. Avant même que Mme May ne revienne vers l'Union européenne avec de réels progrès suffisants, certains partenaires poussaient à l'accord, et il avait fallu appuyer sur le frein pour défendre nos intérêts. Cette tentation émergera de nouveau. Certains pays qui, dans l'histoire de l'Union, ont toujours été très proches du Royaume-Uni, continuent d'avoir en tête les intérêts britanniques. Chacun a sa shopping list d'intérêts privilégiés. Il faut être capable de les défendre tous ensemble. Comptez sur notre vigilance, celle de l'Allemagne, qui est complètement sur la même ligne que nous, et celle de Michel Barnier, qui ne se laissera pas faire et ne laissera pas la négociation partir dans tous les sens.
Ce sont Theresa May et ses conseillers qui ont mené la dernière partie de la négociation. Certains hommes politiques britanniques font de la posture politicienne, quand quelques hommes et femmes d'État font un travail de fond. Lire la presse britannique, c'est y perdre son latin, mais on peut progresser quand on sait qui travaille vraiment sur les différents sujets.
Sur l'Autriche, je me suis déjà exprimée. La progression de l'extrême droite en Europe n'est une bonne nouvelle nulle part. Elle n'est malheureusement pas réservée à l'Autriche. Nous connaissons bien Sebastian Kurz, qui occupait le ministère des affaires étrangères dans le précédent gouvernement autrichien, qui était très pro-européen. M. Kurz n'a eu de cesse, depuis sa victoire électorale, de rassurer l'Europe sur son engagement pro-européen et celui du gouvernement qu'il formait. Il a retiré les affaires européennes de la compétence de la ministre des affaires étrangères. En effet, Mme Kneissl, bien qu'elle ne soit pas membre du FPÖ, a été proposée pour ce poste par ce parti : ce n'est pas une progressiste, compte tenu de son profil, de ses propos et de son parcours qui l'a notamment fait passer par l'ENA.