Intervention de Nathalie Loiseau

Commission des affaires européennes — Réunion du 21 décembre 2017 à 9h00
Institutions européennes — Audition de Mme Nathalie Loiseau ministre auprès du ministre de l'europe et des affaires étrangères chargée des affaires européennes sur les résultats du conseil européen des 14 et 15 décembre

Nathalie Loiseau, ministre :

Nos industriels sont assez intéressés, comme d'ailleurs au large du Liban. C'est une bonne nouvelle, et une mauvaise, car cela crispera les positions. La prorogation des sanctions a bien fait l'objet d'un consensus, même si celui-ci n'est pas enthousiaste : on n'a jamais plaisir à appliquer des sanctions. En effet, tant que la Hongrie sera solidaire, les Polonais seront tranquilles. Mais cette solidarité durera-t-elle toujours ? Les élections à venir amèneront peut-être les Hongrois à considérer que les intérêts supérieurs de la Hongrie sont ailleurs qu'en Pologne. La solidarité du groupe de Viegrad est d'ailleurs à géométrie variable. On l'a bien vu lors de la relocalisation de l'agence européenne du médicament, ou de l'autorité bancaire européenne. Et sur les travailleurs détachés, la République tchèque et la Slovaquie ont voté comme nous, quand la Hongrie et la Pologne ont voté contre. La Slovaquie prendra la présidence de ce groupe à l'été, et elle nous a déjà indiqué qu'elle comptait renforcer l'intégration régionale - ce qui est une très bonne chose - mais pas soutenir aveuglément des positions excessives.

L'idée des consultations citoyennes est de donner la parole à tous les citoyens européens. Nous comptons sur vous pour proposer des sujets et participer aux débats. Leur calendrier, de fin mars à fin octobre, a été arrêté de manière à ne pas empiéter sur la période de campagne électorale. Le Brexit, en libérant 73 sièges, nous offre une occasion historique de créer une circonscription européenne sans mordre sur les quotas de chaque État membre. Cela peut être fait sans modifier les traités, dans le cadre du processus de révision de l'acte électoral. Il faut d'abord un vote de la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen, qui devrait avoir lieu en janvier, puis un vote en séance plénière. C'est alors que le Conseil sera invité à examiner la question. Aussi, pour beaucoup de nos partenaires, ce projet n'est-il pas encore à l'ordre du jour... Mais nous le promouvons car les élections européennes donnent trop souvent lieu à vingt-huit - et bientôt vingt-sept - débats simultanés mais parallèles. Avec une circonscription européenne, dotée d'une trentaine de sièges, les partis devront développer une vraie ambition européenne.

Je ne partage pas votre optimisme sur les hotspots. L'Italie en a ouvert quatre, bientôt cinq : c'est peu au regard des 800 millions d'euros qu'elle a reçus ! L'enregistrement y est effectué de manière très incomplète. En revanche, depuis le rétablissement des frontières internes à l'Union, l'Italie joue pleinement le jeu, à Vintimille par exemple. Mais en Grèce comme en Italie, il y a un problème d'organisation, sinon de moyens. Le délai moyen de traitement d'une demande d'asile en Grèce est de deux à trois ans : ainsi s'explique l'encombrement actuel des îles grecques. Il est vrai que la Grèce reçoit beaucoup plus de migrants issus de Syrie ou d'Irak, relevant effectivement du droit d'asile, que l'Italie où arrivent majoritairement des ressortissants du Nigeria, de Guinée, de Côte d'Ivoire ou du Bangladesh, partis pour des motifs économiques.

Oui, la Chine tire profit des divergences européennes, surtout en Grèce, où l'Union européenne, qui avait demandé la privatisation d'infrastructures publiques, ne s'est pas montrée capable de susciter des offres d'achat européennes. Résultat : le Pirée est chinois ! La France demande une surveillance des investissements étrangers dans les secteurs stratégiques - pas uniquement en provenance de Chine, d'ailleurs. La présence chinoise est réelle dans les Balkans, c'est pourquoi il est important de maintenir à ces pays une perspective européenne : sinon, nous risquons de nous réveiller un jour avec un voisin étonnant. Pour autant, les exigences européennes doivent rester de haut niveau, notamment en matière de lutte contre la criminalité et la corruption. D'ailleurs, l'aide chinoise est étroitement liée aux intérêts de la Chine, et le format « 16+1 » ne saurait se comparer aux fonds structurels de cohésion - auxquels aucun pays n'a pour l'instant renoncé. N'oublions pas, enfin, que nous attirons également des investissements chinois. Le Président de la République se rendra en Chine début 2018. Mais c'est vrai que les pays auxquels nous avons imposé l'austérité la plus sévère - Portugal, Grèce - sont les plus réticents à imposer une surveillance des investissements étrangers. Et la Grèce peine à se prononcer sur les droits de l'Homme en Chine.

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