Intervention de Arnaud Bazin

Réunion du 30 novembre 2017 à 14h30
Loi de finances pour 2018 — Solidarité insertion et égalité des chances

Photo de Arnaud BazinArnaud Bazin, rapporteur spécial de la commission des finances :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », qui porte les politiques publiques de solidarité et de cohésion sociale de l’État en faveur des personnes les plus fragiles, est dotée de 19, 4 milliards d’euros de crédits de paiement en 2018. Ces crédits progressent ainsi de 8, 7 % par rapport à 2017, soit une augmentation d’un peu plus de 1, 5 milliard d’euros.

Cette augmentation est principalement due au dynamisme des dépenses d’intervention que sont la prime d’activité, l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, et les mesures de protection des majeurs, lesquelles représentent 80 % des crédits de la mission.

Malgré cette augmentation, permettez-moi de vous le dire, madame la secrétaire d’État, ce budget n’est pas à la hauteur des enjeux de la mission.

Tout d’abord, malgré la volonté louable de « sincérisation » des crédits, que nous constatons, après des années de sous-budgétisation, des risques de dépassement budgétaire sont à prévoir, en 2018, notamment pour la prime d’activité et l’allocation aux adultes handicapés. S’agissant de la prime d’activité, l’enveloppe budgétaire prévue pour 2018 est d’ores et déjà en deçà des dépenses exécutées sur 2017, alors que les bénéficiaires ne cessent d’augmenter. L’année 2018 ne dérogera malheureusement pas à la pratique des années précédentes d’ouvertures massives de crédits, en lois de finances rectificatives, pour faire face aux besoins de ces dispositifs.

Par ailleurs, nous déplorons une autre insuffisance de ce budget, la non-compensation des crédits issus de la réserve parlementaire, alors que 6, 6 millions d’euros avaient été ouverts en 2017, à ce titre, sur la mission « Solidarité ». Il s’agit d’un « manque à financement » important notamment pour les associations d’aide alimentaire : les Restos du cœur ont ainsi bénéficié de près de 700 000 euros et la Banque alimentaire de près de 200 000 euros. C’est pourquoi la commission a adopté, sur mon initiative, un amendement visant à rétablir ces crédits, vitaux pour le tissu associatif.

En outre, alors que l’égalité entre les femmes et les hommes a été érigée au rang de grande cause nationale du quinquennat par le Président Macron, la légère augmentation du programme dédié à l’égalité entre les femmes et les hommes masque cependant des situations contrastées. Le budget pour 2018 est ainsi marqué par une baisse regrettable de 1, 8 million d’euros de crédits liés à la lutte contre la prostitution ; cette baisse contrevient ainsi à l’application effective de la loi du 13 avril 2016 mettant en œuvre un parcours de sortie de la prostitution. Nous saluons donc la volonté de faire de ce programme une priorité politique, mais faut-il encore qu’elle se traduise par des actes. Je soutiendrai donc les amendements, déposés par nos collègues, visant à rétablir les crédits de l’action relative à la lutte contre la prostitution.

Par ailleurs, bien que des enveloppes « exceptionnelles » aient été prévues dans ce budget, elles paraissent insuffisantes pour couvrir les dépenses engagées. Il en est ainsi du fonds d’appui aux politiques d’insertion, le FAPI, doté de 50 millions d’euros seulement, et surtout du financement exceptionnel de 66, 8 millions d’euros alloués aux départements au titre du remboursement de 30 % des dépenses d’aide sociale à l’enfance pour l’accueil des mineurs non accompagnés supplémentaires entre le 31 décembre 2016 et le 31 décembre 2017.

Les départements ne peuvent plus faire face à l’afflux croissant de ces mineurs non accompagnés, qui étaient, rappelons-le, 2 500 à la fin de l’année 2014, et dont le nombre est aujourd’hui estimé à 25 000.

Malgré l’annonce du Premier ministre, fin octobre devant le congrès de l’Assemblée des départements de France, de prendre en charge, par l’État, les dépenses d’évaluation et de mise à l’abri en attendant cette évaluation, aucun crédit n’a été inscrit dans le budget à ce titre pour 2018. C’est une source d’inquiétude pour les départements, qui sont aujourd’hui dans une situation extrêmement difficile, subissant l’organisation de véritables « filières », et accueillant de plus en plus de personnes majeures, les conduisant à engager d’importantes dépenses d’évaluation.

Sur ce sujet, l’État doit, plus que jamais, prendre ses responsabilités et assumer ces dépenses qui relèvent de la politique nationale d’immigration. Nous attendons ainsi de la mission en cours sur le sujet qu’elle aboutisse à une clarification et à une traduction budgétaire rapides. Nous souhaiterions, à cet égard, madame la secrétaire d’État, connaître l’état d’avancement de cette mission.

Malgré ces insuffisances que je regrette, la commission des finances a décidé d’adopter ces crédits, puisqu’ils ont été rectifiés, pour partie, par trois amendements adoptés par la commission.

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