Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs spéciaux, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, parce qu’elle porte les crédits des politiques s’adressant aux plus fragiles de nos concitoyens, les publics vulnérables comme les publics précaires, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » que nous portons aujourd’hui lors de cette discussion est une mission capitale. Cette importance est d’abord financière, avec une masse budgétaire au sixième rang et près de 20 milliards d’euros.
À qui sont destinés ces crédits ? Aux plus démunis pour l’aide alimentaire, à l’aide sociale à l’enfance et aux jeunes majeurs, aux mineurs non accompagnés, aux femmes victimes de violences, aux travailleurs précaires, aux personnes porteuses de handicaps, à la vie associative.
Oui, cette mission est essentielle, car elle porte pour la République la mission de la solidarité nationale. Aussi, mon groupe salue l’augmentation des crédits de 8, 7 % qui porte sur les quatre programmes – cela a été souligné par les rapporteurs.
Ce budget se veut aussi plus sincère, et nous reconnaissons qu’il est difficile, pour ces dépenses particulièrement dynamiques, de prévoir les crédits nécessaires à l’attribution des deux principales allocations que sont la prime d’activité et l’AAH, comme l’ont rappelé nos rapporteurs qui redoutent encore pour cette année une sous-budgétisation sans vous en faire grief. Nous craignons cependant des artifices et ajustements en contradiction avec les annonces faites par le Gouvernement.
Concernant la prime d’activité, le Gouvernement a choisi d’exclure du calcul les rentes accidents du travail-maladies professionnelles et pensions d’invalidité, et a modifié la prise en compte de l’AAH comme revenu professionnel.
Que chacun en comprenne bien les conséquences : des personnes porteuses de handicaps peuvent être exclues du versement de la prime d’activité en fonction du taux applicable et du nombre d’heures travaillées, ce qui remet en cause le caractère universel de cette allocation.
Notre groupe soutiendra dès lors l’amendement des rapporteurs, visant à supprimer l’article rattaché à cette mission.
En contrepartie, le Gouvernement prévoit une augmentation des crédits alloués à l’AAH, sur laquelle je m’attarderai un peu plus. Comme mes collègues, je salue cet effort qui s’adresse à des personnes particulièrement vulnérables.
Je rappelle que l’AAH est attribuée de manière différenciée, en fonction du taux de handicap, de l’âge et des revenus notamment. Les crédits annoncés pour 2018 s’élèvent à 9, 7 milliards d’euros. L’augmentation de ces crédits s’explique par la revalorisation de l’AAH dont nous nous réjouissons, qui devrait atteindre un maximum de 900 euros fin 2019.
Comme mes collègues cependant, je m’inquiète des conséquences du gel des compléments de ressources pour les couples. Comme eux, je m’inquiète de l’alignement des règles de prise en compte des revenus d’un couple bénéficiant de l’AAH sur celles qui sont applicables à un couple percevant le RSA.
Le diable se cacherait-il dans les détails ? Au fond, nous ne sommes pas dans la même logique, madame la secrétaire d’État, quand nous parlons de la précarité dans l’emploi que soutient la prime d’activité. D’ailleurs, même les étudiants ou les jeunes en contrat d’apprentissage sont susceptibles de toucher cette prime. Et nous ne sommes pas dans la même logique quand nous parlons pour les porteurs de handicaps de l’AAH, qui soutient la vulnérabilité dans le parcours de vie, le plan personnalisé de compensation, d’accompagnement de la personne, droit à la compensation inscrit dans l’esprit de la loi de février 2005.
Pour rappel, cette loi établissait la différence entre, d’une part, les ressources pour vivre et, d’autre part, la compensation financière des dépenses entraînées par le handicap.
Vous l’aurez compris, madame la secrétaire d’État, l’article 63 du projet de loi de finances opère bien un rétrécissement et un cloisonnement des publics qui va à l’encontre de l’objectif d’une société inclusive.
Pour ma part, je ne crois pas un seul instant que le Gouvernement ait voulu trouver des moyens discrets d’économie budgétaire. Je crois, comme le groupe Union Centriste, plutôt à une coordination des dispositifs et aides existants : entre l’AAH 1, l’AAH 2, le complément de ressources, la majoration pour la vie autonome, la MVA, l’allocation d’invalidité, le complément de l’allocation d’invalidité, la prestation de compensation du handicap, la PCH, versée par les maisons départementales des personnes handicapées – MDPH –, les compléments versés sur l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, l’AEEH, par la Caisse d’allocations familiales pour les jeunes de moins de vingt ans, autant de dispositifs qui constituent un véritable marasme pour les personnes porteuses de handicaps. C’est tout aussi compliqué que de se retrouver dans les couloirs du Sénat.