Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est dotée pour 2018 de 19, 4 milliards d’euros en crédits de paiement, ce qui la place, en termes d’inscription budgétaire, au sixième rang des missions de l’État.
L’importance de cette mission ne se mesure pas uniquement en termes financiers. Elle recouvre en effet un ensemble de mesures essentielles, qui traduisent le volontarisme des politiques d’insertion et de solidarité de notre pays.
Si ces dispositifs, qui associent à la fois des notions de prévention, d’aide et d’incitation, sont indispensables, leur évaluation – celle du niveau de satisfaction des objectifs auxquels ils doivent répondre – s’avère souvent difficile, ce qui rend l’appréciation de leur pertinence ou de leur efficacité très approximative.
À cet égard, on peut s’interroger, me semble-t-il, sur la faiblesse du niveau de sortie de certains dispositifs, comme la prime pour l’emploi, pour laquelle le taux de sortie pour dépassement de revenus n’est que de 4 %, ce qui voudrait dire que le caractère incitatif de cette mesure pour favoriser le retour à l’emploi reste très limité.
Les augmentations budgétaires concernent principalement les dépenses d’intervention, qui représentent plus de 90 % des crédits et portent sur deux dispositifs majeurs : l’allocation aux adultes handicapées, l’AAH, et la prime d’activité.
L’AAH, qui mobilise à elle seule 9, 7 milliards d’euros, enregistre une progression de 40 millions d’euros, destinée à financer la hausse de cinquante euros par mois à partir du 1er novembre 2018.
La prime d’activité, qui représente 5, 1 milliards d’euros, est en progression de 240 millions d’euros pour couvrir la majoration de vingt euros par mois du montant forfaitaire à compter d’octobre 2018.
Ces évolutions appellent trois remarques.
D’abord, elles correspondent pleinement aux engagements pris par le Président de la République et le Gouvernement. Dont acte.
Ensuite, les dates de déclenchement de ces revalorisations, à la fin de l’année prochaine, reportent l’essentiel de l’effort budgétaire sur l’année 2019 et les suivantes.
Enfin, la modification des périmètres définis pour accorder ces aides suscite quelques interrogations. Il ne faudrait pas que certains publics fragiles se trouvent exclus de son bénéfice. Dans cet esprit, la commission des finances a adopté plusieurs amendements ; ils présentent l’avantage de sécuriser certains publics et de revenir à certains dispositifs, mais au prix d’un rabotage sur d’autres programmes qui n’est pas forcément d’une excellente opportunité.
L’augmentation des crédits s’appuie également sur des enveloppes exceptionnelles, comme le Fonds d’aide à l’insertion, doté de 50 millions d’euros, et les dépenses d’aide sociale à l’enfance pour les mineurs non accompagnés, pour un montant de 66, 8 millions d’euros, crédits alloués aux départements au titre du remboursement de 30 % des dépenses engagées.
Sur ce dernier point, on assiste à une véritable explosion du nombre de bénéficiaires, qui serait estimé à 25 000 à la fin de 2017, alors qu’il n’était que 2 500 voilà trois ans. Vous imaginez donc ce que représente le reste à charge pour les départements, dont les finances sont déjà très largement sollicitées par ailleurs en matière d’aide sociale et de solidarité.
Cette progression rapide et non maîtrisée, qui affecte très fortement toutes les collectivités territoriales, mais de manière toute particulière un petit nombre d’entre elles – quelques départements de métropole et deux départements ultramarins, Mayotte et La Guyane –, relève d’une politique nationale d’immigration, acceptée ou subie, dont l’État doit assumer l’entière responsabilité en termes financiers.
Cette situation alarmante a d’ailleurs fait l’objet au printemps dernier d’un rapport d’information de notre collègue Élisabeth Doineau et de notre ancien collègue Jean-Pierre Godefroy, intitulé Mineurs non accompagnés : répon dre à l’urgence qui s’installe. Ce rapport préconise une trentaine de mesures, allant d’une meilleure maîtrise de l’immigration à l’approfondissement des partenariats avec les départements.
Le programme relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes enregistre une légère augmentation de crédits, qui ne semble toutefois pas à la hauteur des ambitions du Président de la République et du Gouvernement d’en faire une grande cause nationale du quinquennat. Je modérerai cette appréciation en précisant que ce programme faisait l’objet, depuis plusieurs années, d’une sous-consommation récurrente de ses crédits.
Enfin, on peut noter avec satisfaction les efforts accomplis pour baisser de 26 millions d’euros les dépenses « support » et les dépenses de personnel, grâce à l’optimisation des moyens de fonctionnement.
Au total, même si demeurent des interrogations et des inquiétudes sur l’évolution budgétaire de certains programmes pour les années à venir, l’augmentation de 1, 5 milliard d’euros des crédits de cette mission pour 2018, qui peut-être s’avérera insuffisante, mais qui correspond déjà à une progression de 8, 7 %, ce qui n’est pas négligeable, représente sans doute une approche plus sincère et un effort important dans le contexte actuel. C’est pourquoi, avec les membres du groupe du RDSE, je vous invite à approuver les crédits de la mission !