Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, s’il y a un domaine où l’effort de la Nation ne doit pas faiblir, c’est bien celui de la solidarité.
L’enjeu de cette mission est de permettre à tous ceux qui sont en grande difficulté de garder l’espoir, même si, pour certains, ce n’est qu’une lueur d’espoir, par l’expression de la solidarité républicaine.
Les crédits de la mission, de l’ordre de 19, 5 milliards d’euros, augmenteront l’année prochaine, notamment en raison de la revalorisation de la prime d’activité, de vingt euros par mois, et de celle de l’allocation aux adultes handicapés, de cinquante euros par mois à taux plein.
On ne peut que se réjouir de ces progressions. Toutefois, les rapporteurs spéciaux de la commission des finances et le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ont noté, parallèlement, des coups de rabot, des économies décidées sans concertation, qui touchent les populations les plus fragiles.
Là est toute l’ambiguïté de ce budget, dans lequel des mesures très concrètes et populaires voisinent avec des restrictions plus discrètes.
C’est le cas, d’abord, en ce qui concerne la prime d’activité, qui remplace la prime pour l’emploi et le RSA activité. Le dispositif monte bien en charge, avec un taux de recours de 75 %. Je ne m’attarderai pas sur le risque de sous-budgétisation, hélas récurrent. Je souhaite plutôt appeler votre attention sur l’article 63, qui exclut du bénéfice de cette prime les personnes titulaires de pensions d’invalidité ou de rentes versées à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
Nous avons bien entendu en commission les arguments avancés par le Gouvernement : la prime d’activité s’écarterait de son objectif initial d’incitation à l’emploi en intégrant ces publics, et le taux de recours serait trop faible.
Pour ce qui est du principe d’incitation à l’emploi, je note qu’il est d’ores et déjà bien peu effectif, puisque seulement 4 % des titulaires de la prime d’activité sortent du dispositif pour avoir dépassé les conditions de ressources. Reconnaissons-le : la prime d’activité fait aujourd’hui surtout figure de minimum social et ne respecte guère la philosophie ayant guidé la création du RSA…
Quant au taux de recours, qui serait trop faible, il ne tient qu’au Gouvernement d’assurer des actions d’information auprès des publics concernés !
Bref, ces raisons ne me semblent pas suffisantes pour priver des personnes modestes d’un complément de ressources dont elles ont fortement besoin. Notre groupe suivra donc l’avis de la commission des finances en votant la suppression de l’article 63.
Je dresserai un constat similaire s’agissant de l’évolution de l’AAH.
Je soutiens bien évidemment l’effort budgétaire consenti pour augmenter cette aide. Je rappelle d’ailleurs que notre majorité avait fortement revalorisé l’AAH, de 25 % sur la période 2008–2012.
Toutefois, deux mesures viennent neutraliser la portée de la prochaine revalorisation.
Il s’agit, en premier lieu, du gel du plafond de ressources pour un couple percevant l’AAH, justifié par l’alignement sur les règles applicables aux couples percevant le RSA. Près d’un quart des allocataires de l’AAH sont concernés. À l’image de notre rapporteur pour avis, Philippe Mouiller, je déplore que le Gouvernement pratique un alignement par le bas de l’AAH en suggérant une parenté entre les deux prestations, alors que la situation des personnes handicapées doit rester spécifique.
En second lieu, une réforme ne figurant pas dans ce projet de loi de finances, mais envisagée pour 2019, consisterait à fusionner les deux compléments de l’AAH : le complément de ressource en cas d’incapacité supérieure à 80 % disparaîtrait au profit d’une augmentation de la majoration pour la vie autonome, là aussi sans concertation ni assurance du maintien d’un niveau équivalent.
On comprend donc, bien sûr, l’inquiétude des associations.
Je rappelle d’ailleurs que, si l’AAH doit être de 860 euros en novembre 2018 et de 900 euros en 2019, le seuil de pauvreté est de 1 015 euros par mois… L’AAH sera donc toujours en dessous. Doit-on considérer que les handicapés vivent en dessous du seuil de pauvreté ?
En ce qui concerne les autres programmes de la mission, je dirai un mot de l’amendement du rapporteur pour avis, Philippe Mouiller, visant à augmenter les crédits consacrés à la lutte contre la prostitution.
Je veux en effet souligner l’incohérence qu’il y a à diminuer de 26, 5 % les crédits de cette action, alors que les dispositions de la loi du 13 avril 2016 doivent être mises en œuvre l’année prochaine. La loi a en effet prévu un parcours de sortie de la prostitution comprenant une aide financière et un accompagnement social et professionnel. Le décret d’application a tardé à paraître ; il a fallu un an pour l’obtenir. Rien n’empêche désormais d’appliquer le dispositif. Encore faut-il disposer des fonds nécessaires !
Je ne sais quel sort sera réservé à l’amendement de notre commission par l’Assemblée nationale. Ou plutôt, je m’en doute… Aussi, donnons-nous rendez-vous dans quelques mois, madame la secrétaire d’État, pour faire le point sur le déploiement du parcours de sortie de la prostitution.
Enfin, je me réjouis que le rapporteur spécial Arnaud Bazin ait déposé un amendement pour tenter de réparer les conséquences de la suppression de la réserve parlementaire.
Certes, l’Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement visant à réintroduire 25 millions d’euros à destination des associations, via le Fonds pour le développement de la vie associative. Reste que le compte n’y est pas, puisque ce sont 147 millions d’euros qui étaient attribués au moyen de la réserve parlementaire, dont 61 millions aux seules associations. Au passage, 36 millions d’euros ont donc été rabotés !
Dans le domaine de la solidarité, les associations d’aide alimentaire, celles venant en aide aux personnes vulnérables et celles œuvrant pour les droits et la défense des femmes seront fortement touchées et ne pourront fonctionner avec la faible compensation prévue par le Gouvernement.
Je ne veux pas rouvrir le débat que nous avons eu voilà quelques mois ; ce serait inutile. Encore faut-il que le Gouvernement prenne ses responsabilités et propose des solutions. Je crains bien, sinon, que nos petites communes n’aient à payer la note – comme d’habitude…
Ces réserves mises à part, notre groupe constate l’évolution positive des crédits de la mission. Ce qu’attendent nos concitoyens les plus fragiles, c’est non pas un concert de lamentations, mais des décisions politiques qui les aident à surmonter leurs difficultés quotidiennes !
Madame la secrétaire d’État, pour l’instant, nous sommes satisfaits de la qualité de votre écoute. Nous espérons maintenant que vos réponses démontreront que vous nous avez entendus.
Notre vote sera conditionné par l’adoption des amendements déposés par nos rapporteurs, dans un esprit de justice sociale, dans la tradition et l’esprit du Sénat et afin que ce budget respecte son objectif de protection des populations les plus fragiles. Je compte sur vous, madame la secrétaire d’État !