Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est l’un des piliers de la politique sociale menée par l’État. Aussi jugeons-nous positive l’augmentation de 1, 5 milliard d’euros des crédits par rapport à 2017.
Alors que les inégalités sociales grandissent et que les révélations sur la concentration des richesses entre les mains de quelques puissants les rendent de plus en plus inacceptables, il est indispensable que l’État œuvre à établir ou rétablir la justice sociale.
Dans cet esprit, nous nous félicitons de l’augmentation de vingt euros de la prime d’activité à partir du 1er octobre 2018, dans le cadre du programme « Inclusion sociale et protection des personnes », mais nous souhaiterions que le Gouvernement fasse du non-recours à cette prime, qui représente 4, 2 milliards d’euros de prestations, une urgence.
Quant au programme « Handicap et dépendance », il voit ses crédits croître de 6, 9 % par rapport à l’an dernier, en raison de la revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés, qui passera progressivement de 860 à 900 euros. C’est une bonne nouvelle pour les bénéficiaires de l’AAH, même si nous regrettons que le montant de cette allocation demeure inférieur au seuil de pauvreté.
Ces mesures positives ne doivent pas occulter les reculs contenus dans cette mission, comme l’a souligné, notamment, notre collègue Éric Bocquet. Car le Gouvernement, si généreux en apparence, prévoit en réalité de l’être pour un nombre plus restreint de bénéficiaires, puisqu’il modifie les conditions et les plafonds de l’AAH.
Cette décision est justifiée par un mélange des genres, le Gouvernement appliquant les critères des minima sociaux à l’AAH, alors que cette dernière ne fait pas partie des minima versés au titre de la solidarité nationale ; elle est versée au titre de la compensation due aux personnes handicapées qui se trouvent dans l’incapacité totale ou partielle d’exercer un emploi, ou dont les pensions de nature contributive sont d’un niveau insuffisant.
Ce sont 108 000 couples qui vont perdre le bénéfice de l’AAH avec la baisse du plafond du cumul à taux plein pour un couple d’allocataires. Par ailleurs, la fusion des deux compléments de ressources de l’AAH va entraîner une perte de revenus de 75 à 179 euros. C’est la double peine pour les personnes en situation de handicap !
Enfin, je tiens à relayer l’inquiétude des établissements et services d’aide par le travail, auxquels le Gouvernement avait promis la subvention de 1 000 emplois supplémentaires, avant de décider de réduire son aide de 6 %. Alors que, sur les 3, 5 millions de personnes handicapées, 500 000 sont au chômage, cette décision est parfaitement injuste !
S’agissant du programme 137, abondamment commenté ces derniers jours, si le montant des crédits en faveur de l’égalité femmes-hommes est effectivement en légère hausse par rapport à 2017, nous continuons de dénoncer son insuffisance au regard des enjeux et de la priorité gouvernementale affichée.
De plus, comment ne pas s’insurger devant la baisse, prévue dans le même programme, des fonds destinés à financer le dispositif de sortie de la prostitution, amputés de 25 % ? Alertés, comme notre rapporteur, par de nombreuses associations féministes, nous pensons nous aussi que la loi du 13 avril 2016, votée de haute lutte, ne pourra être mise en œuvre que si les moyens nécessaires sont prévus.
Or l’enveloppe destinée à l’aide financière à l’insertion sociale et professionnelle, l’AFIS, est réduite de 1, 5 million d’euros, alors même que cette allocation est centrale dans le dispositif pour reprendre pied et retourner dans le droit commun. Vous savez bien, mes chers collègues, qu’elle est censée suppléer la baisse de revenus résultant de l’arrêt de la prostitution, et que ces parcours de sortie donnent accès à un logement, à une allocation, à des papiers le cas échéant, à des cours de français et à des formations. Autant dire que, sans AFIS, aucun parcours de sortie ne peut aboutir.
L’amendement présenté par le rapporteur pour avis de la commission des lois vise à réparer cette baisse, mais en privant d’autant le programme 124, qui concerne les politiques sanitaires, sociales et du sport. Or ce qu’il faut, c’est non pas un transfert d’enveloppe, mais une hausse du budget ! Aussi, nous nous abstiendrons sur cet amendement.
En définitive, permettez-moi de réitérer mes doutes sur la réalité de la priorité gouvernementale donnée à la lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes.
Enfin, je voudrais évoquer la situation des mineurs isolés, désormais nommés mineurs non accompagnés.
Les crédits consacrés à leur accueil vont augmenter de 20, 1 millions d’euros en 2017 à 132 millions d’euros en 2018. Comment ne pas se réjouir d’une telle hausse, tant il est vrai que de plus en plus de départements tirent la sonnette d’alarme ?
Reste que cette générosité du Gouvernement s’accompagne d’une mesure extrêmement grave : l’instauration pour les jeunes exilés non accompagnés d’un régime particulier obéissant au droit des étrangers plutôt qu’aux règles de protection de l’enfance.
Les membres de mon groupe sont très préoccupés par ces décisions, tout comme le Défenseur des droits et de nombreuses associations de protection de l’enfance. D’autant que la volonté du Gouvernement de confier à l’État l’accueil d’urgence et l’évaluation de l’âge de ces jeunes jusqu’à la confirmation de leur minorité est un véritable transfert de compétences du département à l’État.
D’après la convention internationale des droits de l’enfant, un mineur isolé doit se voir accorder la même protection que tout autre enfant définitivement ou temporairement privé de son milieu familial, pour quelque raison que ce soit.
Je conclurai mon propos en soulignant qu’il est nécessaire de mobiliser des moyens à la hauteur des ambitions que l’on se donne. Ce seul critère, s’il est important, ne saurait être suffisant. Ainsi, malgré leur augmentation globale, nous voterons contre les crédits de cette mission, car celle-ci comporte de nombreux et inadmissibles reculs !