Intervention de Cédric Perrin

Réunion du 30 novembre 2017 à 14h30
Loi de finances pour 2018 — Défense

Photo de Cédric PerrinCédric Perrin, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Équipement des forces » et pour l’excellence technologique des industries de défense :

Madame la ministre, le budget de la défense pour 2018 est-il vraiment un budget de remontée en puissance des moyens des armées, comme vous l’avez affirmé à plusieurs reprises ces derniers temps ?

Certes, tous les indicateurs sont orientés à la hausse : les effectifs, les investissements, les équipements, etc. Mais il y a aussi un effet de trompe-l’œil, car 90 % de l’augmentation prévue est d’ores et déjà consommée.

Bien sûr, par rapport à la prévision initiale pour 2017, la mission « Défense » est dotée de 1, 7 milliard d’euros supplémentaires, mais cette hausse est absorbée, pour 420 millions d’euros, par le report des charges né de mesures que vous avez dû prendre, madame la ministre, en juillet dernier, par 200 millions d’euros de « resoclage » budgétaire des surcoûts liés aux OPEX et, pour 1 milliard d’euros, par le financement des mesures arrêtées en 2016, c’est-à-dire en dehors de la loi de programmation militaire.

On peut donc parler de stabilisation des moyens, mais il est difficile de trouver un réel accroissement.

D’ailleurs, la trajectoire prévue pour 2019 et 2020 reste en deçà des besoins militaires, que nous avions évalués, nous, à 2 milliards d’euros par an.

L’augmentation annuelle nette ne serait que de 1, 5 milliard d’euros, car je déduis la poursuite du « resoclage » des OPEX, sur lesquelles, justement, j’aimerais dire quelques mots.

Les surcoûts liés aux OPEX ne constituent pas une ligne comme les autres dans le budget de la défense. Les armées ne décident pas de leurs engagements ; cette décision revient au Président de la République, d’abord, au Parlement, ensuite. Et un principe de solidarité interministérielle est prévu par l’actuelle loi de programmation militaire, pour financer les surcoûts précités.

En rapatriant ces derniers dans la mission « Défense », le Gouvernement ne fait que transférer la charge, au détriment du ministère des armées.

Il ne faudrait pas que cette nouvelle orientation conduise à faire financer les surcoûts nets des OPEX par des crédits destinés initialement à l’équipement des forces. C’est malheureusement la traditionnelle variable d’ajustement budgétaire, comme l’a bien montré encore l’annulation de 850 millions d’euros cette année.

Ce schéma reviendrait effectivement à déployer nos militaires en OPEX, tout en diminuant leurs moyens d’action, afin précisément de financer leurs missions ! Autant dire que ce serait une aberration, qui aurait de graves conséquences sur notre outil de défense.

À plus court terme, nous sommes préoccupés au plus haut point par les 700 millions d’euros de crédits pour 2017 encore gelés par Bercy pour le programme 146.

Cela empêcherait la Direction générale de l’armement, la DGA, d’assurer la poursuite normale des programmes d’armement et le risque, cela a été dit à l’instant, serait d’aggraver encore le report de charges, qui pourrait atteindre un niveau historiquement élevé de plus de 3, 5 milliards d’euros.

Comment voter le budget de l’année prochaine, avec une telle menace qui plane ? En l’absence de dégel des 700 millions d’euros, c’est le programme 146, « Équipement des forces », qui financerait les OPEX !

J’espère, madame la ministre, que toute l’énergie que vous déployez à convaincre Matignon de débloquer ces sommes portera ses fruits et que, dans l’intérêt de nos militaires, vous y parviendrez.

Mais dans ces conditions et compte tenu, principalement, de l’absence de dégel, la commission, en responsabilité, a décidé de s’abstenir sur le vote des crédits de la mission « Défense ».

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