Intervention de Yvon Collin

Réunion du 30 novembre 2017 à 14h30
Loi de finances pour 2018 — Défense

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le tir de missile intercontinental effectué mardi par la Corée du Nord, le tragique attentat dans une mosquée du nord Sinaï égyptien sont les plus récents événements qui témoignent d’un contexte international dégradé et sous tension, ce dont nous ne doutions pas, hélas, même si l’on peut se satisfaire bien sûr du recul de Daech en Syrie et en Irak.

En effet, la revue stratégique de défense et de sécurité nationale, dont nous avons débattu dans cette enceinte il y a quelques semaines, fait état de cet environnement « instable et incertain », d’un ordre multilatéral « remis en cause » et d’une France exposée au « durcissement du terrorisme djihadiste ».

Dans ces conditions, notre pays ne devrait pas ralentir ses engagements avant longtemps. Le niveau de mobilisation de nos forces est très important sur les théâtres d’opérations extérieurs, des théâtres qui durent bien souvent au-delà de ce que l’on prévoit.

Par ailleurs, parce que l’ordre dit « westphalien » est d’un autre temps, nos soldats doivent aussi concourir à la sécurité du territoire national avec l’opération Sentinelle.

Nous examinons ce soir une mission particulièrement sensible et pour laquelle les moyens doivent être à la hauteur des défis. Nous devons conserver notre rang de puissance militaire, afin de garantir notre autonomie stratégique, bien sûr, mais aussi pour rester crédibles, au sein tant de l’OTAN que de l’Union européenne.

Aussi le projet de loi de finances pour 2018 inscrit-il la mission dans une trajectoire ascendante. Cette trajectoire pourrait-elle pour autant conduire à porter l’effort de défense à 2 % du PIB d’ici à 2025 ? À cette question, il convient de répondre : oui, sur le papier ! Avec une hausse de 1, 8 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2017, les crédits sont au rendez-vous. Ils sont même sensiblement supérieurs au montant inscrit dans la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019. Ce progrès mérite d’être salué, madame la ministre.

Cependant, tant du côté de la commission des finances que de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, les rapporteurs ont émis des doutes, que je partage pour certains.

Vous le savez, madame la ministre, plusieurs points soulèvent des questions. Mais vous allez sans doute y apporter des réponses.

Se pose tout d’abord la question des crédits encore gelés, soit 700 millions d’euros.

Comme chaque année, le surcoût des OPEX suscite aussi des inquiétudes, bien que la dotation initiale soit augmentée de 200 millions d’euros dans ce budget. En septembre dernier, le montant de ces surcoûts était toutefois évalué à 1, 53 milliard d’euros. Cette hausse n’améliore pas complètement la budgétisation des OPEX, qui restent à la merci du financement interministériel. La Cour des comptes l’a d’ailleurs encore rappelé tout récemment.

Mais comme je l’ai dit, il existe un effort certain, qui permettra de répondre à plusieurs urgences.

Tout d’abord, il faut faire face à l’urgence en matière d’équipements et d’infrastructures. La hausse des crédits en faveur des capacités de cyberdéfense et de renseignement, de la dissuasion nucléaire ou de l’entretien programmé des matériels contribue à maintenir un modèle d’armée sans abandon capacitaire.

Je veux également souligner l’effort budgétaire en faveur de la condition militaire, notamment au travers du plan d’amélioration de la condition du personnel. En marge de celui-ci, le plan Famille est une très bonne initiative, que nous saluons.

Je le rappelle, la multiplication des théâtres d’opérations extérieurs, conjuguée aux opérations de sécurité nationale, sollicite fortement les ressources humaines.

Le dernier rapport annuel du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire a constaté un certain nombre d’obstacles à la fidélisation des soldats à un moment où nous avons le plus besoin d’engagés. Les conditions de vie, que ce soit au quotidien ou sur le terrain, sont de plus en plus difficiles pour les militaires. Sur le terrain, le fort engagement opérationnel fragilise à la fois les capacités et la sécurité des militaires.

Le manque d’entraînement et le sous-équipement ne font que s’accroître au sein de nos armées. Selon le rapport du Haut Comité, des équipages de blindé « n’avaient ni tiré ni manœuvré avec leur matériel de dotation depuis près de deux ans ».

S’agissant de la vie quotidienne, les infrastructures immobilières et la qualité des centres de restauration ne sont pas non plus à la hauteur des besoins. J’ajoute enfin que la question du versement des soldes, un temps perturbé par le trop célèbre logiciel Louvois, n’est pas totalement réglée. Nous attendons vos explications sur ce point.

Il résulte de ces difficultés, madame la ministre, un problème de fidélisation des armées. Pour ne citer que l’armée de terre, seuls 65 % des militaires du rang signent un nouvel engagement.

C’est pourquoi c’est un vrai sujet, sur lequel nous devons être attentifs, car l’armée – c’est peu de le dire –, c’est une communauté d’hommes et de femmes qui sacrifient beaucoup au service de notre pays. Le Président de la République l’a rappelé à Istres, en juillet dernier : il faut que les militaires aient les moyens de leurs missions et que les ressources nécessaires soient engagées.

Voilà un objectif que nous partageons, madame la ministre. Nous comptons sur vous pour engager la mission « Défense » dans ce sens.

À titre personnel, je voterai les crédits de cette mission, tout comme Jean-Claude Requier, président de mon groupe. D’autres, plus réservés, s’abstiendront, sauf si, madame la ministre, vous nous apportez, en cours de débat, de bonnes réponses.

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