Intervention de Olivier Cigolotti

Réunion du 30 novembre 2017 à 14h30
Loi de finances pour 2018 — Défense

Photo de Olivier CigolottiOlivier Cigolotti :

Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, depuis quelques années, comme nous le savons tous, la défense nationale est revenue plus que jamais au cœur des priorités de notre pays.

À ce titre, ce projet de budget constitue la trame financière des ambitions élevées et des engagements pris par le Gouvernement en matière de défense pour permettre aux Français de vivre en sécurité et à notre pays de garder son statut.

Je salue, bien évidemment, la progression de 1, 8 milliard d’euros des crédits de paiement, qui passent de 32, 4 milliards d’euros en 2017 à 34, 2 milliards d’euros en 2018. C’est une hausse historique, qui constitue un premier effort significatif pour atteindre l’objectif de porter les ressources des armées à 2 % du PIB, soit 50 milliards d’euros, à l’horizon 2025.

Ce budget comporte cependant plusieurs points de vigilance qui n’ont pas manqué d’être soulignés durant nos travaux en commission, mais également par nos collègues députés.

Je parle en l’espèce de l’annulation des 850 millions d’euros intervenue en juillet 2017, et des 700 millions d’euros de crédits reportés en 2016 et 2017 qui sont encore gelés.

Sans le financement interministériel du surcoût des OPEX et des missions intérieures et sans un dégel au moins partiel de ces crédits, la portée et la sincérité de ce budget seraient totalement remises en cause.

Je ne reviendrai pas sur la totalité des crédits, que nos rapporteurs ont déjà fort bien détaillés ; j’évoquerai simplement quelques points incontournables liés à quatre programmes de la mission « Défense ».

Tout d’abord, le financement des OPEX.

Cela me semble être l’une des questions centrales de ce budget. Nous constatons actuellement que la contribution nationale à l’effort de défense entre tous les ministères est incertaine.

Une part croissante de cette somme relèvera désormais du budget des armées avec 650 millions d’euros de provision pour le financement des OPEX en 2018.

Il faut souligner que cette hausse de 200 millions va dans le sens d’une meilleure prise en compte des réalités et des enjeux.

Cependant, dans un souci de lisibilité et d’optimisation de notre budget, ne serait-il pas nécessaire, madame la ministre, de créer une véritable section budgétaire spécifique pour les OPEX, adossée bien évidemment au budget de la défense, avec une prévision d’au moins 1 milliard d’euros, dont 850 millions seraient financés par les administrations habituellement mises à contribution ?

Ce schéma serait bien plus clair et permettrait de préserver en parallèle, avec certitude, les augmentations de crédits pour nos équipements.

Cela m’amène à évoquer le programme 146, « Équipement des forces », qui concentre l’essentiel des investissements de l’État. La hausse significative de 34, 7 % des autorisations d’engagement permettra d’encourager l’élan indispensable du renouvellement des matériels.

Actuellement, le taux de renouvellement des équipements militaires n’est malheureusement pas suffisant pour empêcher leur vieillissement. Les chiffres sont extrêmement inquiétants. Ainsi, 60 % des véhicules utilisés en OPEX sont vieillissants et n’ont pas de protection suffisante, ce qui expose nos soldats à des dangers certains.

En effet, nous avons des véhicules qui sont en service depuis plus de 30 ans, voire 35 ans. Je pense notamment aux véhicules de l’avant blindés. Quand les prochains véhicules arriveront, ces derniers auraient entre quarante et quarante-cinq ans d’utilisation.

Si nous ne prenons pas de décisions fortes rapidement, madame la ministre, ce sont des pans entiers de missions qui pourraient ne plus être remplis sur certains théâtres d’opérations.

Par ailleurs, plus les achats sont lents, plus les dépenses sont importantes, puisque les pénalités versées aux industriels pour non-respect des contrats s’ajoutent au coût toujours plus élevé de l’entretien et du maintien en condition opérationnelle des matériels vieillissants.

Compte tenu du retard accumulé et des alertes incessantes de nos armées sur ce sujet, l’accélération du programme Scorpion, sur lequel vous êtes très mobilisée, madame la ministre, doit être une priorité absolue.

Ainsi, l’achat de nouveaux matériels permettrait de disposer de capacités techniques et tactiques bien supérieures aux caractéristiques actuelles, sans parler du niveau de protection que nous pourrions alors garantir à nos militaires.

Une diplomatie forte sans une armée à la hauteur ne peut garantir le rayonnement de notre nation et la sécurité escomptée.

Nous reviendrons évidemment sur ce sujet, madame la ministre, lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire, prévu au printemps 2018.

Un point maintenant sur le programme 144, dont les crédits sont en progression de 4, 5 %, essentiellement consacrés au renseignement, et qui permettront de renforcer les actions de la DGSE et de la DRSD, services très sollicités dans le contexte de lutte contre le terrorisme que nous connaissons.

Veillons cependant à ne pas négliger la conduite des relations internationales et de la diplomatie de défense – action 08 de ce programme – pour maintenir également la capacité d’influence de la France qui suscite actuellement quelques inquiétudes.

Je pense notamment à l’Afrique, où j’étais il y a quelques jours. Sommes-nous encore en capacité de maintenir notre influence et de protéger les intérêts français en matière de défense sur ce continent ?

Avec plus de 1 000 soldats au Soudan du Sud, près de 700 au Liberia et 400 au Mali, la Chine est déjà très présente sur le continent africain, ce qui lui permet, selon le Conseil européen des relations internationales, de développer sa connaissance des terrains extérieurs et de protéger ses intérêts économiques, comme au Soudan du Sud.

Je pense également à la première base militaire de la Chine installée à l’étranger, plus précisément à Djibouti. Ce pays n’a pas été choisi au hasard, puisqu’il a une position stratégique dans la corne de l’Afrique. Ce territoire est la porte d’entrée vers l’Afrique de l’Est et l’océan Indien. Autant d’exemples qui montrent qu’aucune action du programme ne doit être négligée.

Enfin, et pour conclure, je souhaite aborder les enjeux liés au programme 212, au premier chef desquels les ressources humaines.

Le onzième rapport annuel du Haut Comité d’évaluation de la fonction militaire, publié le 6 octobre dernier, relève la difficulté récurrente, pour l’armée, de fidéliser ses effectifs.

Près de 62 % des militaires envisagent aujourd’hui de quitter la fonction. Les raisons sont multiples : de l’obsolescence du matériel à la mobilité géographique, en passant par les conditions d’hébergement ou les parcours professionnels parfois difficiles des conjoints.

L’excellente initiative du plan Famille, doté de 300 millions d’euros sur cinq ans, devrait permettre, à n’en pas douter, de répondre progressivement aux besoins d’amélioration de la condition des personnels sur certains aspects incontournables.

D’autres défis restent à relever, comme la création de plus de passerelles entre armée et fonction publique, ou encore une réflexion à mener sur la concurrence du secteur privé, qui offre généralement des salaires et des conditions de vie plus attractives pour les spécialités très techniques, mais aussi pour les professionnels de santé tels que les médecins, dont les effectifs sont très insuffisants, notamment en OPEX.

Nous espérons, madame la ministre, que ce budget pourra garder toute sa sincérité.

Le groupe Union Centriste, conscient de l’effort budgétaire réalisé, souhaitait apporter un soutien unanime. Malheureusement, le maintien du gel des 700 millions d’euros, à l’heure où nous parlons, nous conduit à une abstention sur les crédits de cette mission.

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