Vous avez tous évoqué les problématiques de communication. Cela a été démontré dans la gestion de la crise, il faut que nous passions à un monde connecté et que nous puissions rétablir rapidement les réseaux mobile et internet : c'est devenu quasi vital ! Il y a de réelles difficultés à faire circuler l'information localement, et cela laisse trop de place à la rumeur. Nous l'avons constaté à Saint-Martin, et la rumeur a pu parfois faire douter nos propres troupes. Je pense notamment aux rumeurs relatives à des évasions de la prison de Sint-Maarten et au passage de prisonniers du côté français de l'île. Cela a déclenché une crise importante et de fortes inquiétudes amplifiées par les médias autorisés à accompagner les forces de l'ordre sur le terrain : la question se pose ainsi de savoir comment nous devons gérer la présence des médias lors de tels événements. Il a été demandé à nos gendarmes d'aller vérifier l'information alors que la rumeur prenait une importance considérable, répercutée jusqu'à Paris. La présence des médias est une question difficile : ne pas les autoriser, c'est laisser place à la rumeur ; les autoriser, pour qu'il y ait de la transparence, complique le travail de chacun. Je tiens à le rappeler, les rumeurs que j'évoquais étaient fausses, mais il a fallu vérifier et cela a pris du temps ; je rappelle que les communications étaient coupées et qu'il a fallu se déplacer sur site. En outre, une fois la rumeur identifiée comme fausse, il n'est pas évident de rétablir et relayer la bonne information.
Garantir une information fiable, c'est bien tout l'enjeu et cela incombe en premier lieu à l'État : la communication de crise, c'est le rôle de l'État. Je souligne également le rôle de Radio France avec qui l'État a des conventions. Mais je tiens aussi à rappeler le réseau très utile des radios amateurs. Il y a la fédération nationale des radios amateurs au service de la sécurité civile qui agit bénévolement en cas de crise ou de déclenchement de plans ORSEC : il faut que nous parvenions à l'organiser dans les territoires d'outre-mer. Un travail est également mené sur des conventions avec l'association VISOV (Volontaires internationaux en soutien opérationnel virtuel) qui est la première communauté virtuelle francophone de volontaires numériques en gestion d'urgence. Travailler avec eux nous aidera à la délivrance d'informations pertinentes.
Au titre des renforts nationaux, le Service d'information du Gouvernement (SIG) et la Délégation à l'information et à la communication (DICOM) peuvent être mobilisés dans un second temps.
Nous devons réfléchir aux matériels nécessaires au rétablissement rapide des communications locales, dans le cadre d'envoi de moyens de la sécurité civile. Au XXIe siècle, ce n'est plus une option mais une nécessité. Enfin, si cette responsabilité est celle de l'État, il faut la partager davantage avec les élus des collectivités qui ont aussi dans ce domaine un rôle à jouer.
Les plans de prévention des risques naturels (PPRN) sont une priorité pour l'État. Ils sont obligatoires dans les communes soumises à des risques naturels ; ils sont cependant mis en place à des rythmes très variables selon les territoires d'outre-mer. Les instructions ont été la priorité de l'État, aidées par les financements du plan Barnier : 18 PPR restent aujourd'hui à réaliser à Mayotte ; 17 PPR littoraux sont à finaliser à La Réunion ; il n'y en a pas en revanche à ce jour à Saint-Pierre-et-Miquelon ; 33 communes ont un PPRN approuvé en Martinique et c'est également le cas de 32 communes en Guadeloupe, tandis que 10 PPRN ont été approuvés en Guyane - soit 90 % de l'objectif ; 24 communes sont enfin couvertes à La Réunion. Il y a donc encore du travail et nous devons accélérer. Cela prend du temps car il est normal qu'il y ait une concertation à la fois avec les élus et les populations. Les différentes étapes, notamment d'enquête publique, peuvent paraître longues mais sont nécessaires pour éviter des réclamations et contestations ultérieures. Nous l'avions constaté avec la tempête Xynthia, les dérives d'urbanisation non maîtrisée existent en métropole mais sont majorées en outre-mer. Le déploiement des PPR chemine parallèlement au travail engagé dans la zone des 50 pas géométriques en matière de prévention des risques naturels par les agences locales ; les agences de Martinique et de Guadeloupe ont été créées en 1996. L'État ne peut céder de terrains à des personnes privées quand la construction est située dans une zone exposée à un risque naturel grave et prévisible menaçant des vies humaines. Il faut savoir que ces agences ont une existence limitée dans le temps et que nous avons une réflexion à mener pour la suite.
Concernant les outils de prévention et de surveillance des cyclones, c'est le National Hurricane Center (NHC) qui est le centre météorologique spécialisé compétent sur la zone des Antilles. Pour l'océan Indien, c'est Météo-France qui assure cette fonction. Le préfet est le seul habilité à procéder au déclenchement de l'alerte cyclonique. Il met en oeuvre les mesures de précaution contraignantes associées à chaque niveau d'alerte.
Pour ce qui est des tsunamis, la Polynésie française est le seul territoire ultramarin à disposer d'un centre de prévention et d'alerte autonome qui est d'ailleurs d'un excellent niveau, reconnu dans la région et en lien permanent avec le centre de Hawaï. Il détecte les secousses, établit les cartographies et l'impact, et alerte le haut-commissaire qui met ensuite en place les stratégies de communication. Il s'appuie en partie sur le réseau de quatre houlographes qui a été financé par la direction générale des outre-mer (DGOM) à raison de 16 000 euros par an. Les territoires les plus exposés au risque de submersion rapide, que sont les Antilles, la Guyane et La Réunion, ne disposent pas de centre de traitement et d'alerte. Plusieurs pistes sont à l'étude : un partenariat avec le NHC pour les Antilles, ou une extension du centre d'alerte aux tsunamis métropolitain ; nous avons des choix à faire rapidement.
Concernant le recueil de données, des houlographes ont été financés par les collectivités : 3 en Martinique, 2 en Guadeloupe ; la Guyane dispose quant à elle de deux houlographes d'État. Le développement d'un réseau dans l'océan Indien devient une nécessité, nous devons là aussi y répondre rapidement.
Pour le risque sismique, aux Antilles essentiellement, et le risque volcanique, aux Antilles et à La Réunion, les centres locaux de veille et d'alerte assurent cette mission, gérés directement ou indirectement par l'Institut de physique du globe de Paris (IPGP). Ce réseau est parfaitement opérant, nous avons largement progressé.
Enfin, en ce qui concerne les radars pluviométriques, la situation est également difficile du fait d'un maillage très irrégulier. Il est satisfaisant mais vieillissant dans les départements français d'Amérique et à La Réunion, performant en Nouvelle-Calédonie, mais inexistant à Mayotte et en Polynésie française, territoires soumis à des précipitations abondantes et soudaines. Pour Saint-Pierre-et-Miquelon, nous avons des partenariats et accords avec le Canada ; pour Wallis-et-Futuna, certains aspects sont gérés à partir de la Nouvelle-Calédonie mais le dispositif est imparfait. Je rappelle enfin qu'il est prévu qu'à compter de 2020 nous puissions travailler sous l'égide de Météo-France, notamment sur Mayotte. Le sénateur Thani Mohamed Soilihi a raison : les conditions d'urbanisation à Mayotte, les conditions de bâti, avec la question de l'immigration, sont cruciales. Nous rentrons malheureusement dans la période cyclonique dans l'océan Indien et nous espérons comme lui, car nous ne sommes pas prêts, qu'il n'arrivera rien.
Vous évoquiez les arrêtés de constatation de catastrophe naturelle après les événements cycloniques de septembre dans les Antilles : deux arrêtés interministériels ont été pris. Le premier l'a été immédiatement après le passage d'Irma, couvrant les territoires de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Le deuxième, après l'ouragan Maria, pour la Guadeloupe et la Martinique, a été publié sur le fondement des données de Météo-France qui formule des avis. Au-delà de cet avis, un second arrêté, qui complète le premier, a été signé hier par le ministre de l'intérieur, Gérard Collomb et moi-même, et devrait être cosigné aujourd'hui ou demain par le ministre de la transition écologique, Nicolas Hulot ; il sera publié le plus vite possible, d'ici lundi. Il concerne plusieurs communes du sud de la Guadeloupe et vient répondre aux demandes complémentaires.