Intervention de Elisabeth Borne

Réunion du 16 janvier 2018 à 14h30
Situation et avenir de la sncf — Débat organisé à la demande du groupe les républicains

Elisabeth Borne :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, tout d’abord, puisqu’il s’agit de ma première intervention dans cet hémicycle en ce début d’année, permettez-moi de vous présenter tous mes vœux pour 2018.

Monsieur le sénateur Roger Karoutchi, je vous ai écouté attentivement. Je partage certaines de vos interrogations et de vos préoccupations, mais pas nécessairement tous vos propos.

Personne dans cet hémicycle ne nie les dysfonctionnements qui ont eu lieu ces derniers mois. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur les événements survenus à la gare Montparnasse l’été dernier ou à Bercy à Noël, sans oublier le terrible drame survenu à Millas en fin d’année dernière. Vous le savez, les enquêtes sont en cours, il ne m’appartient donc pas de m’exprimer sur ce sujet aujourd’hui.

Vous le savez également, et vous l’avez rappelé, j’ai reçu les dirigeants du groupe SNCF, qui m’ont présenté leur nouveau plan de management des travaux qui vont intervenir sur le réseau, travaux qui sont une des causes de dysfonctionnement ; ils vont également engager un audit des grandes gares du pays. Cette décision a peut-être été prise un peu tardivement ; néanmoins, elle constitue un progrès, car ces grandes gares sont des points particulièrement sensibles. La moindre panne peut avoir des répercussions sur des dizaines de milliers de voyageurs.

Reste que, dans l’histoire ferroviaire des trente dernières années, qu’on se le dise clairement, ce n’est pas la SNCF seule qui a fait ces choix : l’État a sa part de responsabilité, avec un sous-entretien et un sous-investissement dans les réseaux existants, en lien avec une politique du tout-TGV qui a bénéficié de nombreux soutiens. Nous en débattrons au Sénat dans le cadre de la loi de programmation des infrastructures. C’est pourquoi le Gouvernement a clairement annoncé, comme l’a souligné le Président de la République le 1er juillet dernier, que notre priorité irait à l’entretien et à la modernisation des réseaux. C’est un choix courageux qui ne va pas de soi et qui ne fait pas que des heureux sur l’ensemble des territoires.

Dans cette logique d’une priorité accordée à l’entretien et à la régénération des réseaux, 5, 2 milliards d’euros seront engagés en 2018. Mais investir plus de 5 milliards d’euros dans le réseau – ce qui est une bonne nouvelle, puisque cela signifie investir pour des infrastructures rénovées et plus efficaces, investir dans l’avenir et dans l’outil de production de la SNCF – engendrera, vous l’imaginez, des désagréments temporaires, car il faudra bien réaliser les travaux. Personne ne peut affirmer aujourd’hui que le réseau ne connaîtra pas de nouvelles pannes ou de nouvelles perturbations, ni garantir que nous serons capables de rattraper en quelques mois des décennies de sous-investissements. C’est pourquoi j’ai également demandé aux opérateurs d’être particulièrement vigilants quant à l’information des voyageurs, a fortiori lorsque la situation est perturbée. Je partage ici vos préoccupations : il n’est pas acceptable que les Français ne puissent pas bénéficier d’une information claire, simple et efficace sur les possibilités de déplacements qui s’offrent à eux.

Cependant, on ne peut pas évoquer uniquement les trains qui n’arrivent pas à l’heure ; je souhaite ici, devant vous, saluer le formidable investissement des agents de la SNCF et leur volonté quotidienne d’offrir aux Français les meilleures conditions de transport.

Alors que la SNCF célèbre ses quatre-vingts ans d’existence en 2018, le trafic a atteint en 2017 des records, qui sont la preuve de l’attachement des Français au transport ferroviaire.

En 2017, la fréquentation a progressé de 10 % dans les TGV, de 8 % dans les Intercités – je rappelle que l’État investira 3, 7 milliards d’euros dans de nouveaux matériels –, de 4, 6 % dans les TER et de 3, 2 % en région parisienne. Cette croissance du trafic est également la preuve que la santé économique du pays s’améliore, car, quand la croissance est là, elle engendre plus de trafic, ce qui est un bon signe. Je ne parle pas uniquement du TGV ; je sais l’importance que vous accordez également aux autres lignes, aux trains qui desservent l’ensemble des territoires.

Concernant les TGV, je veux être claire : il ne s’agira pas d’aller vers moins de TGV, car je souhaite que le TGV soit populaire et accessible à tous.

Nous avons fait un choix collectif depuis toujours d’avoir des TGV qui vont partout, au-delà du réseau à grande vitesse. Je ne remets pas en cause cette décision : les Français y sont très attachés. Mais il faut avoir conscience que ce choix collectif a un coût et qu’on ne peut pas demander tout à la fois que les TGV aillent partout, que le prix des billets soit moins élevé et que la SNCF paie très cher pour faire circuler ses trains sur le réseau des lignes à grande vitesse.

Aussi, mon devoir en tant que ministre chargée des transports n’est pas uniquement de faire en sorte que tout aille mieux en 2018. C’est aussi de prévoir l’avenir pour projeter la France et son modèle ferroviaire dans le XXIe siècle ; je veux rappeler ma détermination sur ce point.

L’État se dotera dès cette année d’une stratégie claire pour le ferroviaire. C’est le sens des missions confiées à Jean-Cyril Spinetta pour une réflexion d’ensemble sur le modèle ferroviaire. C’est également le sens des travaux du Conseil d’orientation des infrastructures, présidé par Philippe Duron – Conseil auquel le Sénat a été pleinement associé par les sénateurs Maurey, Cornu et Dagbert.

Au vu de ces deux rapports qui seront rendus à la fin du mois, le Gouvernement proposera une stratégie ambitieuse. Au printemps, nous aurons à débattre du modèle ferroviaire et d’une programmation soutenable. Car nous devons collectivement redéfinir ce que notre pays attend de ses trains, remettre le modèle économique en état de marche – 3 milliards d’euros de dette par an, ce n’est pas soutenable – et réussir l’ouverture à la concurrence prévue par les textes européens et demandée par les régions, c’est-à-dire plus de voyageurs dans les trains, une plus grande satisfaction des clients, un meilleur rapport qualité-prix et des cheminots rassurés sur leur avenir.

Ma méthode est simple. Elle repose sur la concertation avec l’ensemble des acteurs. J’en veux pour preuve le succès des Assises nationales de la mobilité.

Préparer les mobilités des prochaines décennies, c’est-à-dire la mobilité pour tous et dans tous les territoires, est un véritable projet d’aménagement du territoire. Nous travaillerons donc avec tous les élus, ainsi qu’avec les régions et les agglomérations. Selon les choix qui seront faits, des investissements seront bien sûr réalisés. Mais il faut que nous tirions le meilleur parti de chaque solution. Le TER doit aussi être un transport de masse, avec davantage de voyageurs dans les trains. Je pense que le ferroviaire doit jouer un rôle plus important dans nos agglomérations.

Je tiens à le redire devant vous, une politique de mobilité ne se résume pas à une politique d’infrastructure. C’est tout l’esprit des Assises de la mobilité. Je pense à notre formidable capacité à innover, et je souhaite que nous puissions inventer de nouvelles réponses aux besoins de déplacements, qu’il s’agisse de véhicules autonomes, de covoiturage ou encore de l’ouverture des données.

Concernant la SNCF et son avenir, je le dis très sereinement, j’ai confiance dans le modèle ferroviaire français, dans sa capacité à évoluer et à se moderniser. J’ai confiance dans le regard que portent les Français sur leur opérateur historique et dans les agents qui y travaillent au quotidien. Nous aurons l’occasion au printemps de discuter ensemble dans un esprit constructif et de définir conjointement les grandes orientations du modèle ferroviaire de demain, pour les territoires que vous représentez et pour la Nation tout entière.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais maintenant m’efforcer de répondre du mieux possible à vos questions.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion