Intervention de Tony Estanguet

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 17 janvier 2018 à 9h30
Audition de M. Tony Estanguet co-président du comité de candidature paris 2024

Tony Estanguet, co-président du comité de candidature Paris 2024 :

L'attribution des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 à Paris est pour nous le fruit d'un travail collectif porté par l'ensemble des Français qui nous ont soutenus et accompagnés tout au long de notre candidature. La création du Comité d'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques aura lieu demain, simultanément à la dissolution du comité de candidature.

Ce projet porte une ambition politique. Cela fait 100 ans que la France n'a pas organisé de Jeux Olympiques d'été. Après un siècle d'attente, la France accueillera le monde entier. Ce sont en effet 206 pays, 13 millions de spectateurs et 4 milliards de téléspectateurs qui se retrouveront à l'occasion des Jeux Olympiques et Paralympiques. Pendant ces Jeux, la France sera sur le devant de la scène internationale. Pour cela, nous avons souhaité porter une candidature populaire, visant à rendre ces Jeux accessibles à tous les territoires et à tous les Français. Cela passe tout d'abord par la billetterie : 5 millions de billets seront vendus à un prix inférieur à 24 euros. Mais l'esprit olympique doit se déployer au-delà des enceintes des stades. Il s'agit ainsi de développer sur l'ensemble du territoire des zones de célébration, pour rendre cette fête la plus populaire possible.

En outre, nous souhaitons mettre en place une olympiade culturelle entre 2020 et 2024. Il nous revient ainsi de proposer sur tout le territoire un certain nombre de liens entre la culture et le sport, afin de toucher le maximum de personnes. Les Anglais ont ainsi considéré que les quatre ans ayant précédé les Jeux de 2012 ont constitué le plus grand festival culturel organisé au Royaume-Uni.

Le deuxième enjeu majeur est celui de l'héritage. Il faut inscrire ces Jeux au-delà des quelques jours de compétition. Nous allons ainsi lancer la semaine olympique et paralympique à l'école. Ce projet vise à utiliser les valeurs du sport pour faciliter l'éducation, dans toutes les matières. Le sport doit ainsi devenir un outil pédagogique ludique. Nous voulons également dépasser le cadre du sport et porter un projet concernant l'ensemble de la société Les Jeux paralympiques sont l'occasion de faire évoluer le regard sur le handicap. En outre, le sport est lié à un enjeu de santé publique. Aujourd'hui, 40 % des Français ne pratiquent aucune activité sportive. Nous avons six ans pour améliorer la situation. Nous travaillons actuellement à identifier des thèmes prioritaires en matière d'héritage.

Je souhaite revenir brièvement sur la méthode suivie par le comité d'organisation. Tout a été pensé pour que le budget des Jeux soit raisonnable et tenable. 90 % des infrastructures sont, ou bien déjà existantes, ou bien temporaires. La seule infrastructure sportive restant à construire est le centre aquatique, qui sera bâti en Seine-Saint-Denis, territoire confronté à un déficit important en la matière. Dans ce département, la moitié des élèves de sixième ne savent pas nager. Le budget est réparti en deux entités. 3,8 milliards d'euros sont prévus pour le budget « Comité d'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques » dit budget « COJOP ». 97 % de celui-ci relève de fonds privés. En outre, 1,5 milliard d'euros sont prévus pour le budget « société de livraison des ouvrages olympiques » dit « Solidéo » et relatif à la construction des infrastructures, notamment le centre aquatique et le village olympique, qui sera ensuite restitué au territoire de la Seine-Saint-Denis sous la forme de 3 500 logements. 50 % de ces fonds sont d'origine publique et 50 % d'origine privée. Nous sommes sereins sur notre capacité à mobiliser les acteurs privés pour atteindre l'objectif de 97 % de fonds privés pour le budget COJO. Nous n'avons, par ailleurs, pour l'instant pas de crainte quant à un dépassement du budget Solidéo.

Deuxièmement, nous avons axé notre projet sur la transparence et l'éthique. Au sein du Comité d'organisation ont été créés des comités d'éthique, de rémunération et d'audit. Nous souhaitons aller plus loin. Le projet de loi actuellement en discussion doit permettre de faire entrer le Comité d'organisation des Jeux dans le champ de contrôle de la Cour des comptes. En effet, s'agissant d'une entité privée, elle ne relève pas normalement de son domaine de compétence. Aussi, nous avons demandé au Président de la République et au Premier ministre de pouvoir l'y inclure, afin que les meilleures pratiques en matière de transparence et d'éthique soient appliquées. C'est la raison pour laquelle nous avons également souhaité que la haute autorité pour la transparence de la vie publique puisse intervenir.

Enfin notre troisième axe vise à une excellence environnementale. L'élaboration de la candidature s'est faite au moment des Accords de Paris. Il y avait une très forte sensibilité autour de la question environnementale, notamment chez les sportifs. Nous avons ainsi travaillé avec de nombreuses ONG sur ce sujet. D'ailleurs, et c'est une première, notre dossier de candidature était déjà certifié en matière environnementale. Si nous arrivons à tenir nos objectifs, les Jeux de 2024 auront une empreinte carbone divisée par deux par rapport à la moyenne. Cela nécessite naturellement une infrastructure de transports publics performante. Nous avons d'ailleurs imaginé un système de couplage billetterie et ticket de transport en commun.

Le comité d'organisation sera créé sous peu. Sa composition sera proche de celle du comité de candidature. La majorité sera ainsi donnée au mouvement sportif. Toutefois, une association large des pouvoirs publics est prévue : ces derniers représenteront ainsi près de 45 % des voix réparties notamment entre l'État, la région Île-de-France, la Ville de Paris, la métropole parisienne.

La société de livraison des ouvrages olympiques a officiellement été créée par le décret du 27 décembre 2017. Il est important de lancer tout de suite les travaux. En effet, souvent, les dérapages des budgets olympiques sont dus à des retards pris dans les travaux. Actuellement, nous sommes dans une phase de structuration et de recrutement.

Le projet de loi est une étape importante. Il doit nous permettre de tenir les engagements pris dans le contrat signé entre le CIO et la ville de Paris. Ce projet de loi vise notamment à fluidifier l'organisation et permettre de faciliter la livraison des infrastructures dans le respect du budget et du calendrier prévus. Il s'agit en outre de protéger la marque olympique, afin de pouvoir aller chercher des partenaires privés, notamment en évitant que d'autres marques ne s'engouffrent dans le tunnel médiatique qu'offrent les Jeux. À ce sujet, le texte adopté par l'Assemblée nationale appelle quelques remarques. La protection de la marque olympique permet au sport international de se financer. Pour prendre un exemple que je connais bien, la fédération internationale de canoë est financée à 95 % par le CIO qui reverse les bénéfices tirés des Jeux Olympiques et Paralympiques. 90 % des bénéfices des Jeux sont reversés aux différentes fédérations internationales, comités olympiques, pour le développement du sport. Le projet de loi doit également permettre de renforcer les bonnes pratiques en termes de transparence et d'éthique, pour que ces Jeux ne soient pas entachés par quelques mauvaises actions. Au final, le projet de loi est constitué de quatre titres. Le premier vise au respect des dispositions du contrat entre le CIO et la ville hôte. Le deuxième adapte les règles d'urbanisme et de logement afin de s'assurer du respect des exigences calendaires. Le troisième s'intéresse aux questions de la sécurité des Jeux. Le quatrième et dernier titre renforce la transparence et l'intégrité de l'organisation de ces derniers.

Étienne Thobois, directeur général du COJOP. - Le projet de loi, issu de l'Assemblée nationale, va dans le bon sens. Nous souhaitons, toutefois, attirer votre attention sur plusieurs points. Suite aux discussions à l'Assemblée nationale, l'article 1er confère la seule qualité d'organisateurs au CIO et au COJOP. Cette vision est trop restrictive. En effet, d'autres entités sont reconnues comme organisatrices, au regard de la charte « ville hôte ». Ainsi, les fédérations sont responsables de l'organisation des épreuves. De même, Broadcast Olympic Services, qui est une filière du CIO, est co-organisateur, et responsable de la diffusion des images des compétitions olympiques et paralympiques.

Le texte, dans sa rédaction issue de l'Assemblée nationale, réduit la protection de la marque olympique aux seuls événements. Le texte fragilise la jurisprudence actuelle qui est plus protectrice. Pour nous, ou bien le texte doit renforcer la protection de la marque olympique, ou bien il doit laisser la jurisprudence en l'état. Il ne doit pas l'affaiblir.

L'article 9 du projet de loi permet une expropriation d'urgence. Cette procédure a été mise en place pour la première fois lors des Jeux Olympiques d'Albertville en 1992. Avait alors également été prévue une procédure d'expropriation temporaire, moyennant une juste indemnisation par le juge. Elle permet notamment de répondre à des contraintes de sécurité ou d'implantations de dispositifs physiques pendant la durée des Jeux, ou encore de suppressions temporaires d'activités ou de mise à disposition.

Enfin, l'article 17 est relatif au pouvoir de contrôle de la haute autorité pour la transparence de la vie politique. Le texte prévoit actuellement que toute personne « ayant pouvoir » est tenu de faire une déclaration à la HATVP. Nous souhaitons que cette notion soit précisée. En effet, en mode opérationnel, les directeurs de sites auront la possibilité d'engager des dépenses. La liste de personnes soumises à obligation de déclaration peut donc être très longue. Faut-il se concentrer sur certaines fonctions, comme les directeurs financiers et des ressources humaines ? Au contraire, toute personne disposant à un moment d'un pouvoir est-elle concernée ?

1 commentaire :

Le 22/01/2018 à 01:03, Jérémy THIRY-CESAIRE (Consulting / Politique) a dit :

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Excellent rapport.

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