Je partage votre description objective, même si je diffère sur vos conclusions. Dublin est une conséquence de Schengen, où il a été décidé que chaque pays serait responsable de sa partie de frontière extérieure. Depuis 2015, cela ne fonctionne plus, compte tenu du nombre des arrivées. On n'y remédiera pas en mettant une rustine sur une chambre à air complètement déchirée ! Depuis deux ans, nous avons fait de grands progrès grâce à Frontex et au Bureau européen d'appui en matière d'asile, qui a un rôle de plus en plus important, comme dans les prises d'empreintes digitales en Grèce et Italie. Ces pays ont accepté que ces agences enregistrent des étrangers qui ne l'étaient pas auparavant.
Il faudrait éviter qu'un étranger ait des chances différentes d'obtenir l'asile selon le pays où il le demande. C'est une première condition pour que le règlement de Dublin fonctionne. Mais le problème, au-delà, c'est que dans les conditions actuelles, un pays comme le Luxembourg n'est pas concerné au même niveau que la Grèce ou l'Italie. Il y a de plus en plus d'étrangers en France qui ont été enregistrés dans Eurodac mais, si nous respections le règlement de Dublin à la lettre, l'Italie devrait prendre en charge la moitié des demandeurs d'asile européens ! Ce n'est pas sérieux !
Vous parlez des relocalisations, mais elles ne concernent que 30 000 personnes, soit trois jours d'arrivées en 2015. C'est infime ! Quant à la rustine que vous proposez, elle sera inefficace et moralement loin d'être satisfaisante.
Les « dublinés » sont de deux types : certains, déboutés en Allemagne, tentent leur chance ailleurs - la logique voudrait qu'on les éloigne. Mais renvoyer les autres, arrivés par l'Italie et la Grèce, vers ces pays, équivaut à un non-respect de nos engagements en termes de droit d'asile. Il y a par ailleurs un problème d'efficacité : sinon pour faire du chiffre, quel est l'effet d'un éloignement de Lille vers Cologne ? Le demandeur revient deux jours après ! Même chose pour l'Italie, mais dans les conditions que l'on connaît...
Rappelons-nous que le séjour d'un demandeur d'asile sur le territoire est régulier le temps de l'instruction de sa demande. Pour la première fois de notre histoire, nous placerions en rétention des personnes séjournant régulièrement sur le territoire !
Notons enfin que le fait de passer par une proposition de loi et non par un projet de loi évite une étude d'impact qui montrerait l'inefficacité des mesures proposées et un examen par le Conseil d'État qui aurait révélé son caractère incompatible avec les engagements internationaux de la France. C'est pourquoi le groupe socialiste et républicain proposera la suppression de chacun des articles de ce texte.