C'est un honneur de venir à nouveau devant votre commission. Il m'apparaît effectivement essentiel que la Banque de France rende des comptes devant la représentation nationale.
Mon propos liminaire portera sur notre vision de la situation économique et sur les défis qui se présentent à l'aube de cette nouvelle année.
La situation économique est bonne sur les scènes internationale, européenne et française. Avec un taux de croissance de 2,4 %, l'année 2017 a été la meilleure depuis 2010 pour la zone euro, et ce taux devrait atteindre 2,3 % en 2018. Le taux de croissance pour la France devrait s'élever à 1,9 % en 2017 et 1,7 % en 2018. La consommation des ménages reste soutenue ; elle est désormais relayée par l'investissement des entreprises. Les composantes extérieures devraient peser moins négativement dans les années à venir.
La Banque centrale européenne (BCE) parle donc aujourd'hui d'expansion, et non plus de reprise. Ce terme traduit bien notre entrée dans une phase de croissance forte et, espérons-le, durable.
Pour autant, des défis s'imposent, à l'échelle de l'Europe, mais aussi en matière de réformes dans notre pays et sur la question des financements.
S'agissant de l'Europe, notre politique monétaire est entrée dans une phase de normalisation progressive. À la fin du mois d'octobre, nous avons décidé de diviser par deux le rythme de nos achats mensuels de titres, qui passent de 60 à 30 milliards d'euros.
À côté de la politique monétaire, le principal défi est celui du renforcement de l'union économique. Il faut espérer des progrès décisifs en la matière en 2018 car, tant que cette union économique est insuffisante, l'équilibre de la politique économique européenne repose presque exclusivement sur la politique monétaire, qui présente un risque de surcharge. Il faut profiter de la bonne situation actuelle pour accroître les moyens de lutte contre une prochaine récession.
Davantage d'union économique, c'est davantage d'union bancaire et de marchés de capitaux, davantage de coordination des politiques et probablement, à terme, une capacité budgétaire de la zone euro.
Par ailleurs, la situation de la France s'est nettement améliorée, mais la vitesse de croisière de notre économie demeure insuffisante : notre taux de croissance est inférieur à la moyenne de la zone euro, nos comptes extérieurs sont toujours déficitaires et, alors même que le taux de chômage reste élevé, particulièrement chez les jeunes, de nombreuses petites et moyennes entreprises (PME) peinent à recruter.
Notre difficulté à aller plus vite ne provient pas d'un problème d'accélérateur ; c'est une question de réglage du moteur, donc de réforme. Les réformes récentes, comme la simplification du code du travail, vont dans le bon sens. Le mouvement doit être amplifié avec, notamment, la réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage et la nécessaire réduction du rythme de croissance des dépenses publiques.
Enfin, le défi des financements doit en bonne partie être relevé par la Banque de France puisque notre mission consiste à veiller à la solidité de la monnaie, mais aussi à la disponibilité des financements sur les territoires.
À ce sujet, nous avons deux motifs de satisfaction : les banques sont solides dans leur ensemble, même si nous pourrons revenir sur la situation du groupe Crédit Mutuel, et le rythme de croissance des crédits est soutenu, atteignant un taux de 6 %, plus élevé que chez nos voisins de la zone euro.
Dès lors, l'année 2018 verra se poser la question de la stabilité financière, plus que celle de la régulation bancaire.
En matière de régulation, nous avons pu conclure, le 7 décembre dernier, un accord définitif sur la réglementation de Bâle III. C'est, à mes yeux, le meilleur accord possible pour la France et l'Europe. Cet accord préserve la capacité de financement de notre économie, prolonge l'existence de règles du jeu internationales et les stabilise dans la durée, étant précisé qu'il n'y aura pas de Bâle IV.
La stabilité financière constituera un sujet plus important, au regard de la forte croissance des crédits dans l'économie française - une bonne nouvelle, qui implique toutefois d'être vigilant pour éviter tout excès. Dans le cadre du Haut Conseil de stabilité financière, le HCSF, mis en place en 2013 et qui se réunit chaque trimestre, j'ai donc proposé l'instauration d'une mesure macroprudentielle, visant à fixer des limitations en matière d'endettement des grandes entreprises.
Le deuxième défi lié aux financements est moins quantitatif que qualitatif. Nous devons chercher à orienter les financements vers les fonds propres des entreprises et vers la transition énergétique.
L'économie française manque aujourd'hui, non pas de financements par dette, mais de fonds propres. Or c'est sur ce dernier type de financements que repose une économie d'innovation. Ainsi, si l'on rapporte les fonds propres des entreprises à la taille de l'économie, le ratio français s'élève à 73 % à la mi-2017, contre 123 % aux États-Unis.
Quant au « verdissement » de la finance, la Banque de France a pris l'initiative de lancer, en décembre dernier, un réseau de superviseurs et de banques centrales chargé de travailler au développement des obligations vertes et à l'amélioration de la mesure des risques liés à la transition climatique, à travers la photographie des risques climatiques actuels, rendue possible par la publication des risques portés par les gestionnaires d'actifs - dénommée disclosure -, mais aussi en s'interrogeant sur l'efficience des tests de résistance permettant d'évaluer les impacts des risques futurs.